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ÉNONCÉ ET QUESTIONS

Un homme de 27 ans employé de bureau, pesant 75 kg, préalablement en bonne santé, est amené par son épouse un dimanche matin, vers 11 heures, au service des urgences. Il présente un état d’ébriété modérée accompagné de céphalées intenses et d’un syndrome abdominal douloureux avec nausées et vomissements. Il vient consulter car, depuis son réveil, il a constaté une baisse nette de son acuité visuelle avec une diminution de la vision des couleurs.
A son arrivée à l’hôpital, sa tension artérielle est de 158/96 mmHg, sa fréquence cardiaque 78 battements/min, sa fréquence respiratoire 18 mouvements/min, sa température corporelle 36,8°C. L’examen oculaire initial montre une mydriase fixe.
Interrogée, sa femme signale avoir laissé son mari, seul, la veille au soir, devant un match de football à la télévision et ne pas l’avoir entendu venir se coucher. Elle se souvient l’avoir vu se servir au moins 2 verres d’une bouteille de pastis « artisanale » que lui avait offerte un de ses collègues de travail.

Un examen biologique est demandé immédiatement et donne les résultats suivants :
Sg Leucocytes : 7,1 G/L
Sg Erythrocytes : 4,9 T/L
Sg Hématocrite : 0,48
Sg Hémoglobine : 161g/L
SgA pH (37°C) : 7,13
SgA pO2 : 11,0 kPa (82 mmHg)
SgA pCO2 : 4,8 kPa (36 mmHg)
Pl Sodium : 140 mmol/L
Pl Potassium : 4,1 mmol/L
Pl Chlorure : 102 mmol/L
Pl CO2 total : 16,1 mmol/L
Pl Calcium : 2,11 mmol/L
Pl Glucose : 4,6 mmol/L
Pl Urée : 8,4 mmol/L
SgV Lactate : 1,4 mmol/L
Se Créatine kinase (CK) 30°C SFBC : 126 UI/L
Se Lactate déshydrogénase (LDH) 30°C SFBC : 310 UI/L
Se Amylase :144 UI/L (N<200)
Se Lipase : 206 UI/L (N<220)

L’osmolalité mesurée est de 325 mOsm/kg d’eau.

Les analyses toxicologiques pratiquées sur prélèvement sanguin donnent les résultats suivants : absence de médicaments et de stupéfiants, éthanol 0,15 g/L, méthanol 1,05 g/L.
L’analyse des urines montre l’absence de corps cétoniques et de cristaux.
La cytologie urinaire est normale.

QUESTION N°1 : Commenter les résultats biologiques et émettre une hypothèse sur l’agent responsable des désordres observés.

RÉPONSE N°1 :
Les résultats biologiques font apparaître essentiellement une acidose métabolique avec trou anionique et trou osmolaire augmentés.
L’acidose métabolique (SgA pH = 7,13) est marquée par une baisse du taux de bicarbonates plasmatiques (Pl CO2 total = 16,1 mmol/l) mais sans perturbation de la pCO2 et de la pO2.
On constate une augmentation du trou anionique.
Le trou anionique TA = (Na + K) - (CI + CO2 total) = 26 mmol/L alors que la valeur normale est de 10 a 16 mmol/L. Les taux de chlorure et de lactate sont normaux. Une acidose métabolique avec TA augmenté correspond à une augmentation d’anions non dosés dans l’ionogramme sanguin et doit donc faire évoquer une origine exogène, donc une intoxication.
L’analyse du trou osmolaire est la différence entre l’osmolarité calculée (325 mOsm/kg d’eau x 0,93 = 302 mOsm/L) et l’osmolarité calculée (1,86 Na + urée + glucose = 273 mOsm/L). Le trou osmolaire (29 mOsm/L) est augmenté (>10 mOsm/L) en cas de présence de substances étrangères osmotiquement actives qui sont généralement des toxiques de bas poids moléculaire, comme les alcools et les glycols.
Les résultats de l’analyse toxicologique confirment le bilan biologique marqué par une acidose métabolique avec trou anionique et trou osmolaire augmentés. En effet, l’éthanolémie est modérée mais la méthanolémie mesurée à 1,05 g/L confirme une intoxication au méthanol (risque toxique au-delà de 0,25 g/L).

QUESTION N°2 : Les signes cliniques sont-ils concordants avec les résultats biologiques et vous permettent-ils de confirmer le diagnostic ?

RÉPONSE N°2 :
Le méthanol présente une toxicité neurologique et provoque une ébriété faible comparativement à l’éthanol.
Les troubles digestifs, liés au caractère irritant du méthanol pour les muqueuses, sont également signalés dans le cas étudié (nausées, vomissements). Les signes les plus évocateurs d’une intoxication méthylique sont représentés par les troubles oculaires caractéristiques avec baisse progressive de l’acuité visuelle, diminution de la perception des couleurs et souvent apparition d’une mydriase avec aréflexie.
La toxicité du méthanol étant principalement liée aux produits de métabolisation, en particulier les formiates, les signes cliniques apparaissent après un délai de latence relativement long (environ 12 heures dans ce cas) correspondant à la dégradation du produit dans l’organisme.
Ces différents signes cliniques (état ébrieux, troubles digestifs, délai de latence et surtout troubles oculaires) confirment le diagnostic d’une intoxication par le méthanol. Par ailleurs, la victime a consommé, la veille au soir, une quantité non connue mais sans doute importante, de pastis artisanal certainement frelaté avec du méthanol.

QUESTION N°3 : Après avoir rappelé le métabolisme du composé évoqué dans ce cas, préciser quel métabolite plasmatique pourrait être dosé pour confirmer le diagnostic et évaluer la gravité de l’intoxication ?

RÉPONSE N°3 :
Le méthanol est peu toxique par lui-même, comme en témoigne le délai de latence d’une douzaine d’heures séparant l’ingestion et l’apparition des premiers symptômes toxiques. Les effets toxiques du méthanol sont dus aux métabolites.
Le méthanol subit un métabolisme oxydatif, essentiellement localisé au niveau hépatique, conduisant dans un 1er temps, au formaldéhyde sous l’action de l’alcool déshydrogénase ADH, enzyme non spécifique, saturable et NAD+ dépendante.
Dans un 2ème temps, le formaldéhyde est oxydé en acide formique sous l’action de l’aldéhyde déshydrogénase ALDH, enzyme non spécifique, saturable et NAD+ dépendante.
Dans un 3" temps, l’acide formique peut être oxydé en dioxyde de carbone et en eau après fixation du radical formyle sur l’acide tétrahydrofolique THF. Le méthanol induit une acidose métabolique essentiellement due aux métabolites à fonction acide (acide formique). La toxicité du méthanol est liée à la formation d’acide formique responsable de l’atteinte rétinienne et neurologique.
Le dosage des formiates plasmatiques permet dévaluer la gravité de l’intoxication par le méthanol. Un taux de formiates supérieur à 0,5 g/L signe une intoxication méthylique sévère.

QUESTION N°4 : Quels antidotes peuvent être mis en œuvre dans ce type d’intoxication ? Quel en le mécanisme d’action ?

RÉPONSE N°4 :
Le traitement antidotique a pour but de bloquer l’oxydation du méthanol et de limiter la formation des métabolites toxiques, aldéhyde et acide formiques.
La 1ère étape du métabolisme du méthanol (oxydation en formaldéhyde) est une étape fondamentale car limitante dans les biotransformations. L’enzyme impliquée, l’alcool déshydrogénase ADH, est saturable et non spécifique. Son affinité pour l’éthanol est environ 9 fois supérieure à celle pour le méthanol. La saturation de l’ADH par l’éthanol permet d’inhiber, par compétition, l’action de l’ADH sur le méthanol qui n’est alors plus transformé en métabolites toxiques. L’éthanol doit être administré le plus précocement possible, par voie orale ou IV, en quantité suffisante pour obtenir et maintenir une éthanolémie d’environ 1 g/L qui permet de saturer l’ADH. La dose d’éthanol administrée doit être augmentée chez un sujet alcoolique ou en cas d’hémodialyse concomitante.
L’alcoolisation est une méthode non anodine présentant un certain nombre d’inconvénients : variabilité individuelle importante du métabolisme d’où posologie délicate, élimination rapide et surtout effet dépresseur central, ce qui limite son utilisation, essentiellement chez l’enfant.
Le 4-méthyl-pyrazole (fomépizole) est également un antidote agissant par inhibition de l’ADH mais qui, par rapport à l’éthanol, présente l’avantage de ne pas provoquer d’intoxication éthylique. Ses effets secondaires sont mineurs, liés à une éventuelle hypersensibilité. Il peut être administré par voie orale ou par voie IV.
Le traitement antidotique de cette intoxication est aussi basé sur l’utilisation d’acide folinique qui est métabolisé en acide méthyl-5-tétrahydrofolique qui favorise la dégradation de l’acide formique. Ce traitement par l’acide folinique est recommandé, en association avec l’éthanol ou le 4-méthylpyrazole.


Mis en ligne le 5 février 2013

Sources :
Documents antérieurs à 2009 : fichiers circulants entre les étudiants en pharmacie. Source exacte de la correction inconnue (présumée émanant du CNCI).
Documents à partir de 2009 inclus : site web du CNCI.
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