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Dr Sophie Augros : « Une vraie peur de la médecine libérale, par méconnaissance »

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Est-elle l’une des plus jeunes médecins généralistes installées en France ? C’est plus que probable ! A l’âge de 28 ans, tout juste thésée, elle a posé sa plaque à Aime La Plagne (Savoie), très motivée par un exercice en maison de santé pluriprofessionnelle. Etudes de médecine, statut du médecin remplaçant, accès aux soins en zone déficitaire, exercice regroupé, loi de Santé, elle répond aux questions de Remede.

-Racontez-nous votre choix de médecine et vos études…
-  J’aimais les sciences et je voulais faire un métier dans lequel je pourrais continuer à apprendre des choses nouvelles toute la vie. Je me suis inscrite à la faculté de Clermont-Ferrand, qui était quand même à 3h30 de train de là où j’habitais… donc je ne rentrais qu’une fois par mois. Seule, immergée dans une grande ville à 17 ans et demi, ce n’était pas évident. J’étais en cité U, j’ai trouvé que c’était bien pour rencontrer d’autres personnes que des médecins. A la fac, j’avais trouvé un petit groupe d’amis avec qui réviser régulièrement, d’autant plus facilement que j’étais inscrite au tutorat. J’ai été un peu déçue de ne pas avoir la P1 du premier coup, mais je me suis quand même bien classée, c’était bon signe. J’ai été reçue la deuxième fois.

-Quel est le meilleur souvenir de nos études ? et le pire ?
J’avais une super promo. On s’entraidait beaucoup et on se connaissait bien. Pendant mon externat, certains stages m’ont beaucoup plu car j’ai rencontré des médecins très humains et d’autres où c’était l’inverse. Quand j’étais juste au milieu d’un troupeau d’externes, à suivre le mandarin, ça me plaisait moins. Cela ne tenait pas forcément à la spécialité… J’ai fait un stage en chirurgie thoracique, spécialité hyper technique, où j’ai trouvé l’équipe très humaine. A l’inverse, en cardiologie, où il y avait beaucoup de personnes âgées hospitalisées, j’ai trouvé que les médecins n’étaient pas à l’écoute.
-  Pourquoi la médecine générale ? Avez-vous hésité avec d’autres spécialités ?
-  Mon objectif était de partir de l’hôpital, car je voyais ce mastodonte où rien n’est fluide, où on peut passer une heure à récupérer un bon de transport. Cet administratif très lourd ne me donnait pas du tout envie d’y travailler. Voir les patients uniquement dans des lits d’hospitalisation, cela ne me plaisait pas, d’autant que j’avais fait un stage d’une semaine chez mon médecin généraliste et que j’avais beaucoup aimé aller en visite chez les patients et ne pas voir uniquement des personnes malades.

-Comment se sont passées les ECN pour vous ?
-  J’ai quand même fait la préparation en essayant de préparer les cas cliniques de façon régulière. Mais c’était assez déprimant d’être tout le temps dans les livres et d’essayer d’apprendre par cœur des choses qui ne voulaient pas rentrer… et qui ne sortent pas souvent aux ENC ! Typiquement, je me suis plantée sur un cas de pyélonéphrite de l’enfant alors que six mois après, lorsque j’étais interne en pédiatrie, c’était le cas le plus aisé et le plus facile à résoudre. Si j’avais fait un stage de pédiatrie plus tôt, j’aurais facilement pu résoudre ce cas, sans l’apprendre dans un livre ! J’ai été classée vers les 3 000, ce qui m’a permis de choisir la fac de Grenoble.

-Et votre internat de médecine générale ?
J’ai eu la chance d’avoir mon premier stage dans un service de maladies infectieuses à Chambéry, l’un des meilleurs stages en médecine polyvalente. C’était très fatigant physiquement mais les formateurs étaient très humains et l’intégration très bonne dans le service. Puis j’ai fait des stages en pédiatrie, aux urgences et chez le généraliste. Le SASPAS ne m’a pas convenu. J’ai eu l’impression de faire du remplacement déguisé, de n’être là que pour voir des patients que le médecin n’avait pas le temps de voir. Certes, cette expérience m’a été utile pour m’installer ensuite. Mais il n’y avait pas de supervision pédagogique, ce qui n’est pas normal lorsqu’on est en formation.

-Avez-vous eu des difficultés pendant votre internat ?
-  Il y a eu un évènement marquant au milieu de mon internat, lorsque j’étais aux urgences, à Annecy. J’ai été en désaccord avec mon chef sur la prise en charge d’une personne âgée qui voulait mourir à la maison. J’avais mis en place tout ce qu’il fallait pour cet accompagnement à domicile. Mais le chef de service a insisté pour que je sollicite l’avis du gériatre et la patiente a été hospitalisée. Elle est morte à l’hôpital une semaine après. A partir de là, je me suis dit que je n’avais plus besoin d’avoir l’aval permanent d’un chef pour avancer, et j’ai commencé à prendre mon autonomie.

-Depuis quand êtes-vous installée et pourquoi en montagne ?
-  Je me suis installée en juillet 2012 en maison de santé pluriprofessionnelle, après avoir passé ma thèse en mars. Je suis en vallée, à Aime La Plagne. J’avais rencontré une kinésithérapeute qui m’avait parlé du lancement d’une maison de santé dans cette localité que je connaissais depuis l’âge de 10 ans, puisque je venais en vacances à La Plagne. Par ailleurs, je ne souhaitais pas remplacer pendant longtemps. M’installer ne me faisait pas peur et je pense que c’était lié en partie à mon passé syndical.

-Selon vous, quelles sont les mesures qui pourraient vraiment lever les réticences à l’installation des jeunes médecins ?
-  Je pense qu’il y a une vraie peur de la médecine libérale, par méconnaissance. Certes, quand je pars en vacances, je n’ai pas de salaire et ce que gagne mon remplaçant sert seulement à couvrir une partie des charges du cabinet. Mais je peux décider de partir en congés plus de 5 semaines par an, de changer mon planning si besoin et de définir mes horaires de consultation. Quand on rejoint une SISA ou une SCM, on s’engage pour une certaine durée mais il y a aussi des clauses de départ prévues, avec un préavis de six mois en général. C’est comme un mariage ! Quand on se lance, on pense que ce sera pour longtemps mais on sait bien que la vie n’est pas si simple que ça…

-En tant que déléguée ministérielle pour la mission « Renforcer l’accès territorial aux soins », quelles sont selon vous les bonnes pistes pour inciter les médecins à s’installer en zone déficitaire ?
-  Ce sont les exercices regroupés, notamment les maisons de santé, qui fonctionnent vraiment. Tout ce qui peut sécuriser l’exercice libéral va aussi aider. Les contrats de PTMG ont apporté une sécurisation en cas de maladie, de maternité, avec des compléments de revenus au moment où un jeune médecin constitue sa patientèle. Cela permet de se lancer avec un filet de sécurité. A ce jour, un peu plus de 1 000 contrats ont été signés et nous allons évaluer ce dispositif avec ma mission. En fonction, nous verrons s’il est utile de les modifier et/ou les reconduire.

-Quelles sont selon vous les mesures positives dans la loi de santé ?
-  La diversification des voies d’entrées en médecine et notamment des profils sociologiques des étudiants est très positive. Les études montrent que les étudiants de catégorie CSP+, qui ont toujours habité en ville, vont avoir envie de s’y installer. A contrario, les enfants d’ouvriers et d’employés sont plus nombreux à vouloir s’installer en milieu rural ou péri-urbain. Pour les ECN, je trouve très intéressant que la sélection puisse porter aussi sur les pratiques cliniques, et pas seulement sur les apprentissages par cœur, via les ECOS. En revanche, je trouve que l’opposition actuelle des syndicats représentatifs des médecins à la prescription de certains médicaments par les pharmaciens dénigre complètement le travail en interprofessionnalité ! Cela ne donne pas une belle image de la profession médicale qui, sur le terrain, discute et travaille avec les autres professionnels de santé.

-Quelles améliorations souhaitez-vous sur le statut de médecin remplaçant ?
-  La première chose, c’est la protection sociale et maternité-paternité des remplaçants, qui est complètement défaillante. Pour la CARMF, les remplaçants pas encore thésés vont pouvoir s’affilier et avoir une protection en cas d’invalidité. Mais sur la maternité, le non-accès des remplaçantes à l’ASM est une aberration ! Il faudra peut-être passer par le conventionnement des remplaçants pour que les remplaçantes aient accès à l’ASM. Le frein est le discours actuel qui consiste à dire que cela inciterait encore plus les remplaçants à ne pas s’installer… mais est-ce qu’on veut des jeunes qui s’installent ou des jeunes qui -au moins- travaillent ?

-Quelles étapes restent encore à franchir pour une égalité de traitement entre hommes et femmes médecins ?
-  Pour moi, il reste le plafond de verre à briser. Quand on accède à des responsabilités supérieures au sein des facultés, des syndicats ou des institutions dans le secteur de la santé, les femmes sont très peu présentes. Les décisionnaires ne sont pas représentatifs des personnes pour qui ils prennent des décisions. Cela va encore prendre du temps car ces institutions fonctionnent sur de vieux schémas : il faut être à Paris à chacune des réunions car les outils de communication (visioconférence…) sont peu développés. Par exemple, pendant mon année de présidence à ReAGJIR, j’ai passé 2 jours par semaine à Paris, alors que j’habite à plus de 600 kms. La féminisation des étudiants en médecine a changé des choses mais c’est surtout une affaire générationnelle selon moi. Ce qui est nouveau, c’est la volonté de travailler en groupe et de relativiser son temps de travail par rapport à son temps de vie.

Bio express :
-  2011 : DES de médecine générale
-  2012 : thèse : « Les conditions de travail souhaités par les futurs médecins généralistes »
-  2012-2018 : trésorière, puis présidente du Regroupement autonome des jeunes généralistes installés et remplaçants (ReAGJIR)
-  2012 à aujourd’hui : présidente puis membre active de l’association pour la maison de santé du canton d’Aime La Plagne
-  2013 à aujourd’hui : maître de stage des universités

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