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« Les Facs de médecine ne doivent plus être des écuries pour bêtes de concours ! »

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Très réceptif au stress de ses étudiants –pour l’avoir lui-même vécu- le Pr Patrice Diot, doyen de la Faculté de médecine de Tours a été nommé en juillet dernier président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé. Sortir d’une formation CHU-centrée, ouvrir les études de médecine aux jeunes de tous milieux sociaux et aux profils non-scientifiques : voici quelques-unes de ses priorités pour répondre aux enjeux de la démographie médicale.

-Pourquoi votre choix de faire médecine ?

-  J’ai très probablement été influencé par le milieu familial dans lequel j’ai grandi. Mon père était médecin de campagne dans le Loir-et-Cher et c’était un engagement qui, à l’époque, retentissait sur toute la famille. Un matin, alors que je m’apprêtais à partir à l’école avec mon frère, j’ai vu arriver à la maison une jeune femme et j’ai senti un vent de panique. Mes parents ont tout laissé en plan : cette jeune femme était en train d’accoucher, après un déni de grossesse ! Mon frère et moi sommes partis à l’école sans être accompagnés par notre mère, qui est restée auprès de mon père pour aider autant qu’elle pouvait…Voilà une anecdote qui m’a beaucoup marqué !


-  Comment se sont déroulées vos études ?

-  Au départ, je n’ai pas réussi le concours de PCEM1 et cela m’a beaucoup angoissé. J’étais dispersé, j’avais beaucoup d’activités sportives à l’époque, sans doute trop…et j’ai redoublé. J’ai abordé ma deuxième année avec la peur au ventre. C’est sans doute la raison pour laquelle je suis particulièrement sensible au stress des étudiants en PACES, d’autant plus qu’à l’époque, les études de médecine n’étaient pas si difficiles qu’aujourd’hui...


-  Pourquoi votre orientation vers la pneumologie ?

-  Comme de nombreux étudiants, je me suis passionné pour tous les stages que j’ai pu fréquenter ! J’ai commencé par un stage de psychiatrie et je me suis dit « je vais devenir psychiatre ». C’est le hasard du premier stage d’internat qui m’a décidé à choisir la pneumologie. J’avais la cardiologie en tête, mais je n’ai pas pu accéder au service. Je suis donc allé en pneumologie et je me suis passionné pour cette spécialité très clinique -qui correspondait au sens de mon engagement- et qui touchait un organe vital très particulier, en communication avec l’environnement.

-Quels sont selon vous les principaux points de préoccupation concernant la démographie médicale ?

-  Mon regard est d’abord celui d’un doyen de faculté de médecine dans une région confrontée à des problèmes particulièrement aigus de démographie des professionnels de santé, pas seulement des médecins. Nous manquons aussi de kinésithérapeutes sur l’ensemble du territoire. Ma nouvelle fonction à l’ONDPS est très complémentaire de celle de doyen. L’enjeu de mon action ? Mieux identifier les problèmes de démographie, faire le lien avec l’aménagement du territoire et trouver des solutions pour que l’offre de soins soit mieux répartie. L’une de nos priorités est d’améliorer le parcours de soins des personnes âgées souffrant de co-morbidités, en renforçant le lien entre le généraliste, le gériatre, les spécialistes, les paramédicaux et les professionnels du soin à domicile.

-La pénurie de médecins généralistes se fait chaque année plus préoccupante : comment redonner de l’attractivité à la médecine générale auprès des étudiants ?

-  En ancrant davantage la formation dans les territoires. La formation est restée beaucoup trop CHU-centrée et plus généralement trop hôpital centrée et c’est particulièrement inadapté pour l’apprentissage des soins premiers, c’est-à-dire ceux prodigués par les médecins généralistes. Ainsi, il faut aller plus loin dans les stages de médecine générale, théoriquement obligatoires en 2ème cycle (l’objectif n’est pas toujours atteint) et organiser un stage de découverte dès le 1er cycle. Il faut revoir la formation de 3ème cycle en développant l’ambulatoire quitte à l’articuler aussi avec l’organisation de la permanence des soins dans les territoires. Il faut absolument décloisonner et ne plus ancrer la formation dans les seuls hôpitaux. Je suis un grand partisan des stages public-privé !


-  Parmi les outils pour remédier à la situation de pénurie, croyez-vous aux incitations financières ?

-  Je vois bien que cela commence à agacer les futurs médecins de penser qu’en les arrosant d’argent, on va les attirer dans tel ou tel endroit. Je suis fondamentalement en désaccord avec cette surenchère, qui devient éthiquement contestable. Par ailleurs, je ne pense pas que cela soit efficace. L’argent que consacrent aujourd’hui les collectivités à cette surenchère serait mieux employé à aider des jeunes issus de catégories socio-professionnelles moins favorisées. Dans ma région, ils sont nombreux à ne pas oser s’inscrire en médecine, par auto-censure ! Ainsi, vous pourrez attirer vers la profession des personnes plus ancrées dans les territoires ruraux et qui s’y installeront plus facilement. En région Centre-Val-de-Loire, nous allons proposer dans certains lycées (en 1ère et Terminale), sous l’égide du rectorat et de l’ARS des préparations à la PACES pour donner confiance aux lycéens. Intervenir tôt est un véritable enjeu.

-Le plan « anti-déserts médicaux » annoncé par le Premier ministre et la ministre la Santé le 13 octobre dernier est-il à la hauteur des attentes des professionnels de terrain ?

-  Je suis convaincu que les aides financières ne suffiront pas à améliorer la situation. Parmi les propositions du groupe « Initiative territoire » -que le Dr François Arnault pour le Conseil national de l’Ordre des médecins, et moi pour la conférence des doyens de médecine avons coordonné- figure la réflexion sur « un service civique minimum », sur la base du volontariat, qui consisterait, après l’internat, à exercer deux ans dans un territoire, tout en maintenant un lien avec sa faculté. Le jeune médecin serait libre ensuite de s’installer dans ce territoire ou de repartir. J’ai soumis cette idée au congrès de l’ANEMF, ainsi que dans ma faculté, et les étudiants ont très bien réagi.

-La remise en cause et/ou l’encadrement de la liberté d’installation des médecins est-elle une option souhaitable selon vous ?

-  La coercition sur ce point ne marchera pas. De plus, j’estime que c’est complètement contraire aux qualités requises pour exercer la médecine. Au-delà de ses connaissances, un médecin doit avoir des compétences -acquises bien sûr par beaucoup de travail et de temps passé-, mais aussi de l’empathie pour ses patients, une capacité de résilience et la capacité à prendre des décisions dans l’urgence, parfois dans une situation d’incertitude. Finalement, le fil rouge de l’exercice médical est l’autonomie. Et ce n’est certainement pas en imposant un cadre rigide aux jeunes médecins que l’on cultivera cette capacité à l’autonomie !

-Quelles devraient être selon vous les priorités concernant la réforme de la PACES ?

-  C’est toute la formation médicale qui doit évoluer. Aujourd’hui, elle se déroule dans un double carcan : celui de la PACES au début, puis celui des ECN à la fin. Il en résulte que la qualité de vie des étudiants en médecine est très dégradée, par rapport aux étudiants des autres disciplines. Les scores d’anxiété, dépression, troubles du sommeil et consommation de produits psycho-actifs y sont beaucoup trop élevés ! Par ailleurs, le formatage des lauréats de la PACES est très puissant : ce sont très majoritairement des filles ayant eu à 98% un Bac S avec mention Très bien et Bien ! Les alter-PACES en place dans certaines universités sont une approche, notamment pour d’autres étudiants au profil non scientifique qui ont besoin de plus de temps pour mûrir leur projet. Il faut aller encore plus loin et faire entrer en médecine des jeunes au profil littéraire. La PACES ne doit pas rester la seule porte d’entrée dans les études de médecine.


-  Votre conseil aux étudiants des professions de santé ?

-  J’ai envie de leur redire ce qui nous sert un peu de devise dans notre faculté : trouver le bon équilibre entre la recherche de la performance, la qualité de vie et la santé. Je suis très attentif à ce que les étudiants ambitieux soient accompagnés vers leurs objectifs mais aussi à ce que ceux qui ne sont pas dans cette dynamique puissent trouver à la faculté de médecine le moyen de s’épanouir tout en travaillant. Je refuse catégoriquement de me satisfaire du mal-être actuel des étudiants !

Bio express :

-  1998 : PU-PH, service de pneumologie, CHU de Tours
-  1999-2011 : responsable du groupe Aerosolthérapie (GAT) de la Société de pneumologie de langue française
-  2006-2016 : chef du Service de pneumologie du CHRU de Tours et responsable de l’équipe 3 du Centre d’Etude des pathologies respiratoires (INSERM U1100)
-  depuis 2014 : doyen de la Faculté de médecine de Tours
-  depuis juillet 2017 : président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé

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  • Sophie Cousin
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