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ÉNONCÉ ET QUESTIONS

Mademoiselle B., âgée de 19 ans, pesant 55 kg, sans antécédents médicaux, est amenée vers 21h30 au service des urgences par son compagnon qui déclare que la jeune femme, de nature dépressive, a volontairement ingéré une quantité massive de Dafalgan®. La quantité réellement ingérée par Mademoiselle B. n’est pas connue avec précision car celle-ci refuse de répondre aux questions du médecin. Son compagnon affirme avoir retrouvé 3 boîtes vides de 16 gélules de Dafalgan® dosées à 500 mg de paracétamol. Il estime que l’ingestion a eu lieu entre 19 et 20 heures, après une dispute.

A son arrivée à l’hôpital, Mademoiselle B. est consciente. Sa tension artérielle est de 140/95 mm de Hg, sa fréquence cardiaque 72 battements/min, sa fréquence respiratoire 16 mouvements/min, sa température corporelle 37,1°C.

L’examen biologique d’urgence montre les résultats suivants :
SgA pH (à 37°C) : 7,37
SgA pO2 : 82 mmHg
SgA pCO2 : 36 mmHg
Pl Sodium : 140 mmol/L
Pl Potassium : 4,1 mmol/L
Pl Chlorure : 102 mmol/L
Pl CO2 total * : 23 mmol/L
Se Protéines : 68 g/L
Pl Créatinine : 82 µm/L
Pl Calcium : 2,31 mmol/L
Pl Glucose : 4,6 mmol/L
Pl Urée : 6,4 mmol/L
Se Alanine aminotransférase (ALAT, TGP) 30°C SFBC : 25 UI/L
Se Aspartate aminotransférase (ASAT, TGO) 30°C SFBC : 22 UI/L

* Lire CO2 total = bicarbonates

QUESTION N°1 : Commenter le bilan biologique et clinique. Est-il en relation avec l’ingestion massive suspectée de Dafalgan® ?

RÉPONSE N°1 :
Le bilan biologique et clinique de Mademoiselle B. est normal. Dans sa phase initiale, l’intoxication peut être totalement asymptomatique ou marquée seulement par des troubles digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales) qui apparaissent alors en moyenne entre 2 et 12 heures après l’ingestion. L’augmentation des transaminases (ASAT, ALAT) est le signe de l’hépatotoxicité. Elles augmentent généralement au cours des premières 24 heures pour atteindre leur maximum dans les 72 à 96 heures suivant l’intoxication. Il est vraisemblable que, dans le cas présent, le délai (2 h environ) très court entre l’ingestion et l’examen biologique est trop court pour révéler l’atteinte hépatique.
La paracétamolémie est le meilleur indicateur de la gravité potentielle de l’intoxication si elle est réalisée dans les heures qui suivent l’ingestion médicamenteuse. Dans le cas de Mademoiselle B., la paracétamolémie est élevée (246 mg/L entre 2 et 3 heures après l’heure supposée d’intoxication).

QUESTION N°2 : Quel est le mécanisme d’action toxique du paracétamol ?

REPONSE N°2 :
A dose thérapeutique le paracétamol est presque totalement métabolisé dans le foie (90 à 95%) en dérivés glucurono (55 à 75 %) et sulfoconjugués (20 à 40 %) éliminés dans les urines, avec une très faible proportion sous forme inchangée. Ces formes inactives, qui représentent une forte proportion des métabolites, sont hydrosolubles et donc éliminées très rapidement par voie rénale, la 1/2 vie d’élimination du paracétamol étant de 2 à 3 heures chez l’adulte.
Les 5 à 10 % de paracétamol restant sont transformés par le système hépatique des mono-oxygénases à cytochrome P450 (CYP1A2, 2E1, 3A4) en N acétyl-p-benzoquinoneimine (NAPQI) qui est le métabolite hépatotoxique.
A dose thérapeutique, le NAPQI est normalement inactivé en se combinant au glutathion réduit pour donner des mercaptoconjugués éliminés par voie urinaire. Il s’agit d’une forme de détoxication efficace mais lors d’une ingestion massive de paracétamol, le système protecteur est dépassé (par épuisement des réserves de glutathion) et les métabolites toxiques, dont principalement le NAPQI, s’accumulent.
Etant très électrophile, le NAPQI se lie alors à des macromolécules hépatiques(protéines) de façon covalente, ce qui provoque une lyse cellulaire et donc une nécrose hépatique centrolobulaire.

QUESTION N°3 : Un traitement immédiat, avant tout autre résultat analytique, doit-il être mis en œuvre ? Si oui, lequel ?

RÉPONSE N°3 :
La conscience normale de la patiente et l’absence de signes précoces et spécifiques de l’hépatotoxicité ne doivent pas retarder la mise en oeuvre le plus tôt possible (avant la 3ème heure après l’ingestion) d’un traitement évacuateur basé sur un lavage gastrique qui pourra être complété par l’administration de charbon végétal activé.
La paracétamolémie élevée impose la mise en oeuvre d’un traitement antidotique qui a pour objectif de prévenir l’atteinte cytolytique hépatique et éventuellement rénale. Il consiste en l’administration précoce de précurseurs du glutathion ou de molécules riches en groupements thiols pour favoriser l’élimination du NAPQI. Le glutathion ne pouvant pas être directement utilisé en raison de sa faible diffusion cellulaire, le produit antidote le plus efficace est la N-acétylcystéine qui doit être administrée par perfusion IV en cas d’intoxication sévère avec troubles de la conscience. Elle peut aussi être administrée par voie orale.

QUESTION N°4 : Devant le mutisme de Mademoiselle B., le médecin interroge son compagnon sur un traitement médicamenteux éventuellement suivi par celle-ci. Pourquoi ?

RÉPONSES N°4 :
Un certain nombre de médicaments (phénobarbital, phénytoïne, carbamazépine, isoniazide, rifampicine...) constituent un facteur de majoration du risque hépatotoxique du paracétamol, essentiellement par effet inducteur enzymatique du système cytochrome P450. Ils entraînent alors une production accrue de NAPQI.

QUESTION N°5 : Quels sont les examens biologiques qui devront être régulièrement pratiqués dans les prochaines heures ? Justifiez-les.

RÉPONSES N°5 :
Parmi les examens biologiques qui devront être régulièrement répétés dans les heures et les jours qui suivent l’intoxication, il faut citer :
-  dosages de paracétamolémie : La mesure de la concentration sérique de paracétamol représente le marqueur le plus précis du risque d’atteinte hépatique en fonction du délai écoulé depuis l’ingestion. En se référant au nomogramme, son taux permet d’évaluer le risque hépatotoxique.
-  bilan hépatique : ASAT, ALAT, gamma GT
L’atteinte hépatique se manifeste généralement dans les 12 à 24 heures après l’intoxication. Des bilans hépatiques vont permettre de suivre le risque d’hépatite cytolytique avec insuffisance hépatocellulaire qui représente la principale manifestation toxique du paracétamol.
-  hémostase : TP, plaquettes, fibrinogène, facteurs de coagulation
Des troubles de la coagulation, de type thrombopénie, peuvent conduire dans certains cas à un syndrome de CIVD.
-  bilan rénal : urée, créatininémie, clairance de la créatinine, protéinurie
Il permet de suivre le risque d’apparition d’une insuffisance rénale par néphropathie tubulaire aiguë marquée par une chute de la diurèse (oligurie et anurie dans les cas graves) accompagnée de douleurs lombaires bilatérales et objectivée par une mesure de la créatininémie.
-  glycémie
Elle permet de prévenir le risque d’hypoglycémie.


Mis en ligne le 27 février 2013

Sources :
Documents antérieurs à 2009 : fichiers circulants entre les étudiants en pharmacie. Source exacte de la correction inconnue (présumée émanant du CNCI).
Documents à partir de 2009 inclus : site web du CNCI.
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