Peu connue des internes et du grand public, cette spécialité chirurgicale est apparue bien plus tardivement que les autres, au moment de la Première guerre mondiale, lorsqu’il a fallu reconstruire les « Gueules cassées ». Aujourd’hui, la chirurgie maxillo-faciale (CMF) n’est pas présente dans tous les CHU*, ni dans toutes les cliniques, loin de là. Cette répartition non-homogène sur le territoire -à la différence de nombreuses autres spécialités chirurgicales- explique aussi sa moindre visibilité. « Dans certains CHU, les équipes ont appris à faire sans chirurgien maxillo-facial, avec des compétences prises en charge par d’autres spécialités, comme la chirurgie esthétique, la chirurgie reconstructrice, la stomatologie et la traumatologie », explique le Dr Pierre-Emmanuel Huguet, Chef de clinique en Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie au CHU de Montpellier et président de l’AFJCMF. Ces dernières années, les spectaculaires greffes de visage*, ont fait connaître la spécialité auprès du grand public. Les personnes défigurées, habituellement cachées dans notre société, sont apparues au grand jour. Des images marquantes, car reconstruire un visage, c’est toucher à l’identité de la personne opérée. La médiatisation de ces interventions, avec des photos avant/après, a permis de montrer les progrès spectaculaires dans cette discipline.
- Le parcours
La qualification en CMF requiert un internat de 5 ans suivi d’une année au moins de post-internat dans un service validant.
Par ailleurs, des séminaires nationaux sont organisés 2 à 3 fois par an par le collège hospitalo-universitaire français de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie.
Les moyens et grands CHU, comme ceux de Lille,Toulouse, Montpellier, Bordeaux, et évidemment Paris et Marseille disposent en général d’un service de chirurgie maxillo-faciale. Les plus petits comme Nîmes, Brest, n’en ont pas.
Une vingtaine d’internes environ choisissent la spécialité chaque année. « Il y a de nombreux hôpitaux et cliniques où nous pouvons apporter notre expertise. Notre activité est souvent faite par des ORL et des plasticiens, mais pour eux, cela représente souvent une partie un peu périphérique de leur activité, qui ne leur plaît pas trop. Quand un établissement recrute un CMF qui sait bien faire la traumatologie et la reconstruction, c’est un vrai plus pour les équipes et pour les patients », indique le Dr Pierre-Emmanuel Huguet.
Les perspectives de carrière sont très bonnes dans la spécialité. En raison des futurs départs à la retraite de nombreux praticiens hospitaliers et libéraux, l’installation ne devrait pas poser de problème pour les internes en cours de formation. Néanmoins, la voie n’est pas toute tracée, comme dans certaines spécialités chirurgicales où les praticiens viennent directement démarcher les jeunes à la fin de l’internat.
La réforme du 3ème cycle a entrainé une réorganisation des phases socle, avec l’arrivée des plus jeunes internes dans les CHU et non plus dans les hôpitaux périphériques, ce qui modifie un peu le fonctionnement des services. Et pose quelques difficultés en post-internat. « Nous étions une spécialité avec un an de post-internat obligatoire. Il y a encore aujourd’hui des zones d’ombre concernant cette année. Les jeunes chirurgiens continuent à se mobiliser pour que cette année de responsabilité supervisée ne soit pas supprimée. C’est un temps indispensable à la formation des futurs chirurgiens », souligne le Dr Huguet.
- Les domaines de compétence
- Traumatologie : traumatologie osseuse (mandibule, OPN, zygoma, fractures complexes de Lefort, fractures de l’orbite) et des parties molles (plaies du nez, des paupières, des lèvres, de la cavité buccale, morsures animales)
- Pathologie malformative
Chirurgie des fentes labio-palatines, des craniofaciosténoses et des autres syndromes malformatifs de la face. Prise en charge des tumeurs et malformations vasculaires de la face (angiome, lymphangiomes…)
- Tumeurs bénignes et malignes : le chirurgien maxillo-facial assure l’exérèse de ces tumeurs et effectue la reconstruction immédiate ou ultérieure si nécessaire.
Chirurgie des tumeurs de la cavité buccale et de l’oropharynx, des glandes salivaires, de l’orbite.
Chirurgie des tumeurs cutanées de la face
Curages ganglionnaires cervicaux et parotidien.
- Reconstruction et réanimation de la face
Prise en charge des paralysies faciales par myoplastie ou greffe nerveuse.
Reconstruction des pertes de substance de la face, du crâne et du cou, qu’elles soient d’origine traumatique ou après ablation d’une tumeur cancéreuse. Le panel de techniques utilisées est très vaste : greffe de peau, lambeaux loco-régionaux, lambeaux libres avec anastomoses microchirurgicales
- Chirurgie orthognatique : chirurgie des dysmorphoses dento-squelettiques, ostéotomies mandibulaires, maxillaires ou combinées, ostéotomie du menton.
- Chirurgie esthétique du visage et corrections de séquelles traumatiques : rhinoplasties, lifting, septoplastie, otoplastie, blépharoplastie, lipofilling, injections de toxine botulique, reprises de cicatrices, greffes osseuses orbitaires….
- Chirurgie implantaire et pré-implantaire
Greffes osseuses, ostéotomies et distractions osseuses préalables à la pause d’implants
- Chirurgie orbito-palpébrale
Chirurgie des tumeurs palpébrales et orbitaires, malformations congénitales
- Glandes salivaires
Lithiases, tumeurs….
- Pathologies des articulations temporo-mandibulaires
Prise en charge des douleurs des ATM, pathologie discale, bruxisme, arthrose
- Dents et kystes des maxillaires
Prise en charge des cellulites d’origine dentaire, avulsions dentaires, chirurgie des kystes et des lésions osseuses des maxillaires
- Stomatologie
Elle fait partie du domaine de compétence du CMF . Depuis 2010, un nouveau cursus mixte dentaire et médical de 4 ans a pris le relais : le DES de chirurgie orale
L’avis de l’expert
Dr Pierre-Emmanuel Huguet, Chef de clinique en Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie au CHU de Montpellier et président de l’AFJCMF
« Polyvalence, sens de l’esthétique et délicatesse »
« Ce que j’apprécie tout particulièrement dans mon métier, c’est la polyvalence. Et la fibre esthétique. Notre préoccupation est toujours la suivante : est-ce que le résultat sera beau ? Et aussi d’obtenir les résultats les plus discrets possibles.
Notre travail est très varié. De la chirurgie osseuse (on découpe les mâchoires, on les avance et on les refixe avec des plaques), de la microchirurgie reconstructrice, de la chirurgie molle (de la peau, des glandes salivaires…), de la chirurgie esthétique, mais aussi de la stomatologie, de la traumatologie… C’est d’ailleurs ce qui plaît beaucoup aux externes : la variété de ce que l’on fait. La même journée, on va enlever les dents de sagesse, faire une rhinoplastie, couper un morceau de mâchoire et le reconstruire avec un morceau de crête iliaque. Les gestes sont très précis, il faut aimer la délicatesse ! Je suis actuellement chef de clinique. Je termine dans un an et demi. J’aimerais rester à l’hôpital pour le travail dans une équipe très dynamique, les interactions avec les jeunes, l’accès aux nouvelles technologies, la formation continue… Mais les problématiques de postes risquent de ne pas me le permettre. Si je n’en ai pas la possibilité, je m’installerai en libéral. »
