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Dr Sayaka Oguchi :« Les professions de soins ne savent pas demander d’aide ! »

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Elue présidente du Syndicat national des jeunes médecins généralistes en décembre dernier, le Dr Oguchi raconte à Remede ses études de médecine, son ressenti en tant que jeune femme médecin, sa spécialisation complémentaire en acupuncture et médecine chinoise et son engagement syndical. Et revient sur la vague de suicides qui a frappé les étudiants en santé ces derniers mois.

Comment s’est passé votre choix de la médecine ?

J’ai grandi à Maison-Alfort (94) et j’avais un médecin de famille que j’appréciais beaucoup, un ancien anesthésiste devenu généraliste… Un parcours atypique ! Il avait une relation très humaine avec ses patients et de grandes compétences techniques. On pouvait parler de tout avec lui, sans se poser de questions. Dès le collège, j’ai su que je voulais faire médecine. J’ai choisi la filière scientifique et j’ai avancé pendant tout mon cursus avec cet objectif. Je ne me suis pas laissée décourager par certains professeurs qui me disaient : « Ce sont des études longues et difficiles, tu es sûre ? ». C’est parfois dur de garder le cap dans ces conditions ! Heureusement, dans ma famille, j’ai été très encouragée.

Quel ressenti gardez-vous de vos études de médecine ?

Il y a une énorme pression, liée au concours. Suivant les facultés, la première année n’est pas du tout la même. A la fac de Créteil, il y avait un corporatisme assez fort des anciens, qui avaient à cœur qu’il n’y ait pas de différences de traitement entre les primants et les doublants. Il était par exemple interdit aux doublants de saccager un cours, comme cela existe malheureusement dans certaines facs… J’ai eu la chance de rencontrer des personnes avec qui nous avons pu travailler en équipe et nous motiver pour continuer à apprendre.

Est-ce que le fait d’être une jeune femme vous a pesé lors de vos études ?

J’ai subi quelques réflexions déplacées de certaines personnes, comme toutes les femmes travaillant dans le milieu médical ! Un exemple : quand j’étais externe en chirurgie plastique, on m’a proposé une chirurgie mammaire à bas prix ! Mais sinon, globalement, être une femme ne m’a pas posé de problème, sûrement en raison de la personne que je suis. Je pense que j’ai un sacré caractère (rires) ! Je répondais du tac au tac et je coupais court très vite aux remarques. Ensuite, on me laissait tranquille …

Au SNJMG, comment concevez-vous la lutte contre le sexisme au cours des études de santé ?

D’abord, il faut faire attention à ne pas trop généraliser ces comportements. Et bien garder à l’esprit que ces réflexions parfois très crues s’expliquent en partie par les situations souvent très difficiles que doivent affronter les étudiants lors de leurs stages. Cette manière de s’exprimer peut choquer certaines personnes. Je pense que les professionnels de santé doivent d’abord apprendre à respecter la personne qui se trouve en face d’eux : si elle a l’air gênée, il faut savoir changer de registre ! Lors des prochaines assises du SNJMG, l’association « Pour une Meuf » organise un atelier pour identifier ce qui pose problème dans la relation médecin/patient, et comment modifier la façon de se comporter.

Vous avez un DU en médecine traditionnelle chinoise et un DIU d’acupuncture : pourquoi cette spécialisation complémentaire et avez-vous cette pratique aujourd’hui ?

Dans l’histoire de la médecine chinoise, la prévention est première. A une époque, le médecin chinois était payé quand ses patients allaient bien et ne l’était pas quand ses patients étaient malades… Dans mes stages, je me suis vite rendu compte que la prévention n’était pas assez présente dans notre système, qui consiste à prendre en charge la personne une fois malade. Là où je me suis installée (dans le Val-de-Marne), il y avait un besoin urgent de médecins généralistes et, pour le moment, je n’ai pas de pratique en acupuncture mais j’essaie d’accompagner mes patients vers une réflexion de prévention globale sur ce qu’ils mangent, leur sommeil, etc… Lorsque j’aurai plus de temps, je souhaite bien sûr développer cette pratique.

Vous êtes présidente du SNJMG depuis décembre dernier : depuis quand et pourquoi avez-vous un engagement syndical ? Comment conciliez-vous cela avec votre pratique médicale ?

J’étais déjà au SNJMG en tant qu’interne. J’aimais bien les idées de ce syndicat, très indépendant et proche des jeunes. Au fur et à mesure, le syndicat m’a proposé de participer à ses réflexions et petit à petit, j’ai mis un pied dans le bureau. Nous avons un bureau 100% féminin, avec néanmoins des attachés masculins (rires). Je ne sais pas encore trop ce qu’on évoque sous le mot syndicalisme. J’avais juste à cœur de comprendre pourquoi le système avait évolué ainsi et si l’on pouvait agir pour qu’il s’améliore ou ne se détériore pas. Et aussi de pouvoir soutenir d’une manière ou d’une autre les étudiants et collègues pour fluidifier la vie d’un jeune médecin généraliste. La conciliation n’est pas simple mais possible, je suis à trois quarts de temps sur mon cabinet avec une remplaçante et il est vrai qu’en tant que présidente, j’ai beaucoup de réunions. Je garde du temps personnel car, comme le disaient mes profs de secourisme, un bon secouriste est avant tout un secouriste vivant ! Si je le transpose à mon métier, un bon médecin généraliste est un médecin capable de voir ses limites physiques, psychiques et d’entretenir l’amour de son métier tel qu’il le conçoit.

Quelles sont les analyses et réflexions menées au sein du SNJMG concernant la récente vague de suicides parmi les étudiants en médecine ?

Le risque psycho-social est plus élevé parmi les étudiants en médecine que chez les autres étudiants. A l’hôpital, le rôle dévolu aux internes est parfois trop flou et la pression trop élevée. Avec en toile de fond des injonctions contradictoires : on demande aux internes de continuer à apprendre, mais aussi d’être déjà responsables des patients et donc de ne pas faire d’erreurs ! Par ailleurs, je pense que dans les professions de soins en général, nous ne savons pas demander d’aide. Dans ma propre expérience, j’ai eu des moments extrêmement difficiles à traverser, comme par exemple, lors mon premier stage d’interne aux urgences, la prise en charge d’une patiente cancéreuse en palliatif décompensant au niveau digestif avec une suspicion d’occlusion. Sur le plan technique, je savais gérer. Mais humainement ça a été difficile d’expliquer à la famille et d’être à l’écoute, alors qu’à côté, nous étions submergés par le travail nécessaire pour les autres patients. Si je n’avais pas eu un bon entourage, je n’aurais pas forcément réussi à tenir. Quand vous êtes à 100% dans le travail et que vous n’avez même plus le temps de voir des amis, cela devient inquiétant… Nous n’avons aucune formation là-dessus lors de nos études. Au contraire, la faculté dans son ensemble et nos enseignants en particulier nous renvoient cette impression que nous devons être parfaits !

Comment remédier à cette situation ?

Il faudrait des formations sur la gestion du stress qui ne soient pas gérées par la faculté mais par des structures plus neutres. Car il arrive que les étudiants aient des difficultés relationnelles au sein de leur propre faculté. En tant qu’interne, dans toute ma scolarité, j’ai vu une seule fois un médecin du travail ! Il faudrait que ces consultations soient plus fréquentes, car les médecins du travail ont l’œil pour détecter si un interne va mal. Tous les six mois, les internes changent de stage, il faudrait voir comment mettre en place ces consultations.


Quelles sont vos autres priorités en tant que présidente du SNJMG ?

Comment passer les dix prochaines années avec si peu de médecins généralistes et maintenir une qualité d’accès aux soins ? C’est ma première préoccupation. Il faut mener une réflexion globale sur cette question, car les déserts médicaux sont d’abord des déserts économiques et sociaux. Une réflexion en amont doit être menée dans les territoires et les professionnels de santé de terrain doivent avoir les moyens de faire émerger les solutions adéquates. Autre priorité : nous attendons les décrets d’application qui débloqueront la situation des étudiants privés de thèse. Cela concerne les étudiants formés avant la réforme de l’internat en 2004 et qui ont fait un résidanat. Avec la suppression du résidanat, certains n’ont pas eu le temps de passer leur thèse et aujourd’hui, ils ne peuvent pas exercer la médecine ! Ils sont environ 120 à avoir demandé qu’on les aide à régulariser leur situation, mais sont sûrement plus nombreux.

Bio express

-  novembre 2017 : installation en tant que médecin généraliste dans le Val-de-Marne, après quatre ans de remplacements ;
-  2009-2017 : troisième cycle des études médicales ;
-  2015 : soutenance de thèse « Etude observationnelle rétrospective sur la poursuite à un an des traitements anticholinestérasiques prescrits par les gériatres en HDJ diagnostique de l’hôpital Albert-Chenevier et Emile-Roux dans le Val de Marne » ;
-  2014-2015 : DIU d’acupuncture et douleur à la faculté René-Descartes ;
-  2010-2011 : équivalent master 1 biologie santé.

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