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A l'Ecole de Médecine - L'interview de Marie Agostini

Publié le 24/05/07 12:00 - Modifié le 29/12/08 22:30
Tags associés : Documentaire, Etudes de médecine, Interview
Alors que la diffusion du documentaire « A l’école de Médecine » se termine cette semaine sur ARTE, nous avons eu le plaisir de pouvoir interviewer Mme Marie AGOSTINI, la réalisatrice, à propos de cette magnifique série sur les études et les étudiants en médecine.
Bertrand Boutillier : Pouvez-vous nous expliquer la genèse du projet ?

Marie Agostini : Il naît après la lecture par Sylvie Gautier (Camera Lucida), productrice, du livre « Les trois médecins » de Martin Winckler puis de leur rencontre. J’entre dans le projet par la suite alors que des discussions avec ARTE sont déjà engagées.


BB : Pourquoi ce choix de mode de reportage (absence de commentaires, pas de sous titre) ? Quelle compréhension du grand public face à un documentaire décrivant des études assez complexes dans leur organisation ?

MA : Il y a 1000 façons d’aborder un sujet comme les études médicales et l’on ne peut pas être exhaustif et vouloir tout dire. Chaque individu, dans notre société actuelle, possède tous les moyens pour pouvoir se construire l’information la plus complète possible en piochant dans diverses sources. Ainsi un média particulier ne peut pas tout apporter. J’ai donc choisi pour ce documentaire de favoriser l’aspect « lecture sensible » du téléspectateur, de retranscrire la succession d’épreuves qu’est la formation médicale au quotidien. Je ne souhaitais en rien altérer le ressenti du spectateur en lui adressant d’une manière ou d’une autre des informations théoriques. Ce n’est pas là le rôle de l’image pour moi, en tout cas, pas celui que j’ai voulu ici.

BB : De façon plus terre-à-terre, pratiquement et techniquement, comment aboutit-on à un film comme celui-ci ?

MA : Ce documentaire représente 18 mois de travail avec un engagement total. Telle une éponge, il faut s’immerger et absorber le plus de paramètres possible sur l’univers que l’on veut présenter. Deux mois de repérage ont été nécessaires. Il a fallu rencontrer 150 étudiants et 50 chefs de services. La difficulté a été de former des couples : il fallait non seulement un étudiant répondant au profil recherché, mais aussi une équipe médicale sur le lieu de stage qui accepte de jouer le jeu et qui rentre là encore dans certains critères. Pas simple, comme vous l’imaginez.

BB : Vous parlez de profils recherchés pour les étudiants. Quels ont été vos critères de choix ?

MA : Notre souci était de suivre des couples étudiants/équipe médicale les plus représentatifs et les plus « universels » possible. Nous avons préféré faire un choix initial puis suivre au maximum chacun de ces couples plutôt que de les multiplier. Ainsi sur les 90 jours de tournage dans les 5 ou 6 services différents, nous avons pu capter au mieux les moments importants de la formation. L’un des enjeux primordial de ce film a aussi été l’identification du spectateur à l’étudiant, et non au patient. C’est l’étudiant qui devait, quoi qu’il arrive, rester le personnage principal. Bien que nous ayons tourné régulièrement dans des services où l’on suit des patients aux pathologies lourdes, voire incurables comme en cancérologie, nous avons très probablement atteint notre objectif. Nous avons dû renoncer par contre à montrer la formation pédiatrique des étudiants, car nous n’étions pas certain de pouvoir réussir à tenir notre ligne de conduite.

BB : A propos d’universalité, pourquoi le choix de Paris V ? Ne sommes-nous pas dans un cas de figure particulier ?

MA : Nous avons un temps évoqué la possibilité de tourner dans différentes facultés dont des facultés de province. Mais vous vous doutez bien qu’avec les 90 jours de tournage prévus, nous ne pouvions pas tout faire. A en vouloir trop, nous aurions pu ne rien avoir de vraiment représentatif. Pour obtenir cette représentativité nous nous sommes tournés vers des services les moins hyper spécialisés, ceux de l’hôpital Cochin en particulier, là où l’étudiant est finalement le plus acteur et le moins spectateur. Pour le reste, vous remarquerez que peu de choses laissent deviner dans quelle ville et quel CHU on se trouve réellement.

BB : Une autre chose qui frappe et qui contraste avec le reportage en milieu médical, c’est l’absence d’anonymisation des patients : les visages sont à découvert, les noms prononcés et non masqués. Comment a été gérée cette question ?

MA : Tout ça fait partie intégrante de la préparation préalable au tournage. Une grande discussion s’établit entre le trio patient / équipe médicale / équipe de tournage. Viennent s’ajouter également les représentants légaux ou la famille. Vous comprendrez aisément par exemple que, le sort de la patiente en cancérologie étant malheureusement acquis dès le départ, il a été important pour sa famille comme pour nous-même que nous discutions longuement de toutes les implications liées à sa participation.

BB : Moi-même et beaucoup d’autres avons été fort surpris que vous diffusiez cette séquence de l’étudiant en D1 (troisième année) qui insulte à tout va son chef de service. On peut s’interroger tout de même sur la fort mauvaise publicité que cela peut lui faire pour la suite de ses études !

MA : Soyons honnêtes, qui n’a jamais insulté de la sorte, à voix basse ou pas, son supérieur ? Mais surtout ce qui nous intéressait dans cette séquence, c’est le parallèle entre le discours du chirurgien, chef de service, et celui de son étudiant. Finalement l’étudiant est déjà dans le monde de la chirurgie en s’exprimant comme ses aînés ! Nous n’avons dans aucun service cherché à caricaturer l’une ou l’autre des branches médicales, mais il faut bien constater que chacune d’elle répond à des normes de comportement comme de vocabulaire.

BB : A propos de caricature, pensez-vous que votre camera a exacerbé le comportement théâtrale de certains médecins ou que plutôt elle a permis à certains étudiants de passer à côté de certains gros remontages de bretelles ?

MA : La présence de la caméra est un biais indéniable. Dire dans quelle direction elle influe n’est pas si simple. Il nous semble cependant que tous les intervenants dans le documentaire ont fait preuve d’une grande sincérité et c’est bien le plus important. Nous en voulons pour preuve les comportements identiques que nous avons observés en dehors des périodes de tournage à proprement parler. D’ailleurs, jamais notre caméra n’a cherché à être discrète ou à se camoufler. Les différents intervenants ont toujours été libres de se comporter vis-à-vis d’elle comme ils l’entendaient.

BB : Que pensez-vous de séquences humiliantes que vivent les étudiants et que vous montrez si bien ?

MA : En 18 mois d’implication dans ce documentaire, mon opinion est passée par tous les stades ! Finalement, après mûre réflexion, je replace ces moments-là vécus par les étudiants dans la globalité de la formation médicale : une formation pour une profession dure, extrêmement exigeante. En fait, pour moi le pire serait l’indifférence envers les étudiants. Je crois, et c’est là une de mes divergences avec Martin Winckler, que ces épisodes-là relatent la transmission d’exigences, la transmission de limites nécessaires à la construction du futur médecin. Tout ça serait un peu comparable à la construction d’un adolescent et à ses rapports avec les adultes. Tout ça me semble en tout cas bien plus complexe qu’un simple désir d’humiliation de l’inférieur. Voyez par exemple ce chirurgien qui après s’être confronté longuement dans les vestiaires à son étudiant de D1 repart sur des bases plus saines pour lui commenter l’intervention chirurgicale. Rien ne l’obligeait à rebondir et pourtant …
C’est cette complexité des rapports humains qui a aussi été extrêmement intéressante lors de la réalisation de ce documentaire.


BB : Vous parlez de Martin Winckler, qui apparaît d’ailleurs au générique, quel a été son rôle (lui dont on connaît les positions très tranchées sur l’univers hospitalier) ?

MA : C’est, comme nous l’avons déjà évoqué, le livre de Martin Winckler « les trois médecins » qui a joué le rôle de déclencheur dans cette histoire. A mon arrivée dans le projet, nous avons beaucoup discuté ensemble. Il est devenu par la suite un interlocuteur principal, comme il y a pu en avoir de nombreux autres ! Bien sûr nous n’avons pas été d’accord sur tout, mais comme il a pu l’écrire sur son site web, je pense qu’il trouve le reportage final « vraiment impressionnant » !

BB : Nous arrivons au terme de cette interview et je me rends compte d’une chose : nous n’avons pas prononcé le mot « médecine générale » ! D’ailleurs jusqu’à l’épisode du jour, je n’ai pas souvenir de l’avoir entendu …

MA : La médecine générale, la réforme, un vaste débat dans lequel je ne voudrais pas entrer ! Nous avons tenté d’inclure dans notre documentaire cet aspect-là de la médecine. Mais la chose est complexe, très complexe même. L’exercice de la médecine générale est d’une grande subtilité, probablement aussi d’une grande difficulté. J’ai rencontré beaucoup d’intervenants dans ce domaine à la Faculté. Il n’a cependant pas été possible de trouver une bonne solution pour en parler. Fallait-il suivre un interne en stage en ville chez le praticien ? Peut-être, mais comment rendre alors toute la subtilité de la discipline parallèlement à celles hospitalières ? Ne risquait-on pas de la rendre mièvre ? J’aurais beaucoup aimé pouvoir suivre le regard de 2 internes dans un même service : l’un spécialiste, l’autre généraliste. Malheureusement nous n’avons jamais trouvé cette configuration idéale. Ma conviction profonde reste que la médecine générale nécessiterait de toute façon un documentaire à elle seule pour bien en rendre tous les aspects.


Encore tous nos remerciements à Marie Agostini pour cette interview, ainsi qu’à Martin Winckler et Sylvie Gautier pour leur rôle d’intermédiaire.
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