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Marion Delespierre Mauppin : médecin et championne du monde de trail

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Tu es médecin, peux-tu nous dire pourquoi tu as choisi ce métier ?

J’ai toujours aimé la SVT, la biologie et le fonctionnement du corps humain. Cela m’a attiré dès le plus jeune âge. Et l’envie de se sentir utile a toujours été importante pour moi avec la volonté de choisir un métier qui avait du sens, qui me ressemble, en alliant si possible ma passion. C’est pourquoi j’ai d’abord voulu être kinée du sport. Je suis passée par la fac de médecine, et j’ai finalement choisi cette voie à l’issue de la P1. Je n’ai jamais regretté mon choix. Et je suis très heureuse de faire de la médecine du sport aujourd’hui.

Quel est ton palmarès ?

Parmi les courses les plus importantes, je retiens ma 3e place au 90 km du Mont-Blanc en 2018, ma 2e place lors de la diagonale des fous en 2019. L’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) en 2021 où je termine 4e. Il y a aussi eu les championnats du monde de trail en 2021 en Thaïlande où je fais 6e ex-aequo avec ma compatriote et amie Audrey. Nous terminons championnes du monde par équipe avec l’équipe de France féminine toujours sur le format long donc plutôt les formats 90 km.

Enfin cette année, l’Autriche au Championnat du monde avec le résultat de la première par équipe avec les filles toujours sur le trail long, et surtout ma première place en individuel.

As-tu une course que tu mets émotionnellement au-dessus des autres ?

Avant les mondiaux, sur le plan émotionnel, j’aurai mis l’UTMB. Mais plus récemment, sans conteste, je mets l’Autriche en premier parce que c’était vraiment une victoire intense et inattendue. Sans oublier que j’avais avec moi mon compagnon et mes parents. Je savais que j’étais suivie par tous les copains qu’ils soient à Lyon ou ailleurs. C’était beaucoup d’émotion sur cette ligne d’arrivée. C’est une organisation de vie particulière pour atteindre ce niveau et exercer mon métier à côté. C’était vraiment une belle récompense de remporter ces championnats du monde.

Pour avoir un tel niveau, tu as dû débuter le sport assez jeune ?
C’est vrai que j’ai pratiqué du sport très jeune. J’ai commencé par de la danse puis j’ai fait dix ans de natation à un bon niveau, au niveau national. J’ai été vice-championne de France junior en brasse. J’ai connu la compétition assez tôt. Je suis ensuite rentrée en première année, j’ai un peu lâché parce que comme on peut l’imaginer c’est compliqué d’allier un sport intense avec un concours. J’allais tout de même une fois par semaine à la piscine. J’ai repris un peu pendant le pendant l’externat.

Comment as-tu organisé ton externat avec la pratique du sport ?
J’avoue que j’ai moins pratiqué pendant l’externat que j’ai fait à Lille, il y avait les soirées médecine, l’organisation des cours, des stages. J’étais beaucoup moins assidue que pendant mon adolescence, mais j’avais toujours un petit pied quand même dans le sport, avec petits footings de temps en temps et j’allais régulièrement à la piscine.
Je pense que la pratique du sport a été bénéfique pour toute ma scolarité que ce soit au collège, au lycée ou à la faculté. Au collège et au lycée, j’allais m’entraîner tous les soirs à la piscine. Il m’a fallu une bonne organisation, entre les amis, la natation, les devoirs, mais j’ai toujours réussi à m’organiser. Ca m’a apporté beaucoup par la suite, principalement au niveau de l’organisation de mon temps. Cela a été un avantage pendant la P1, où l’organisation est la clé de la réussite : il faut de la rigueur et cela a beaucoup joué dans ma vie en général.

Comment as-tu vécu ton internat ? Est-il compatible avec la pratique du sport ? 

J’avoue c’était un petit peu difficile aussi sachant qu’avec mon compagnon on arrivait à Lyon à la suite à des ECN. Je n’avais plus mon club de natation, et quand tu sors de stage à 19-20h, c’est plus compliqué pour aller nager. Je me suis alors mise à la course à pied de façon un peu plus sérieuse. Ce qui m’a convaincue, c’est le fait d’avoir simplement besoin d’une paire de baskets, de ne pas avoir les contraintes d’une structure, d’un établissement qui ferme à des heures qui ne sont pas compatibles avec l’agenda d’un interne. Il m’arrivait d’aller courir à l’heure du déjeuner, même si c’était un peu compliqué selon certains stages. Je trouvais globalement assez facilement du temps. Je courrais surtout le soir, en 1 h montre en main, tu peux aller faire ton footing. J’ai donc commencé à m’y mettre sérieusement en allant courir sur les quais de Saône, les quais du Rhône et au parc de la Tête dOr.

Pratiquais-tu le sport le lendemain de garde ?
J’ai systématiquement pratiqué le sport en lendemain de garde, même si je faisais une nuit blanche, même en fin d’internat lorsque j’étais en stage aux urgences. C’était mon petit plaisir en rentrant, d’aller nager une 1 h en plein milieu de matinée, même s’il m’est arrivé d’être dans des stages sans repos de garde. J’allais faire soit un petit footing ou j’allais nager pendant 1 h. Jamais rien de très poussif ou très intense. En général au moins 1 h en endurance pour se vider la tête. Ensuite j’allais dormir pour récupérer de la nuit.

Est-ce que ton métier de médecin t’aide dans ta pratique du sport à haut niveau et inversement ?
Effectivement, au niveau des connaissances physio, surtout en tant que médecin du sport pour la compréhension de mon corps ou la compréhension des diagnostics de blessure. Mais comme on dit ce sont « les cordonniers les plus mal chaussés », donc quand j’ai une lésion ou une douleur je l’analyse et si je ne sais pas très bien la gérer, je demande à un confrère ou une consœur de m’examiner. J’essaie de me détacher un peu de ça, on n’est pas toujours très bon juge quand c’est pour soi. Il ne faut pas hésiter à déléguer pour quand il y a blessure.
L’autre avantage de ma profession c’est d’avoir accès à des soins ou à de l’imagerie assez rapidement, ou encore de pouvoir voir facilement mes collègues kiné qui sont installés la porte en face. J’ai un accès plus simple à des séances de rééducation, à de la prépa physique avec le préparateur avec qui je travaille au centre. Donc pour l’accès aux soins c’est assez facile.

Cela est valable pour tes patients aussi ?
De la même manière pour mes patients, en étant sportive de haut niveau je sais de quoi je parle, j’ai beaucoup de coureurs à pied ou des triathlètes dans ma patientèle. Sans oublier la gestion de l’alimentation aussi. C’est vrai qu’aujourd’hui, beaucoup de sportifs sont très renseignés. Mais mon métier aide dans un sport comme le trail. La gestion du stress est une autre dimension qui m’aide dans mon métier et mon sport, même si la médecine du sport n’est pas une médecine d’urgence.
Pour le côté organisationnel, je pense l’avoir performé grâce à mes deux passions. Mais il y a aussi quelques petits points négatifs. Le métier de médecin reste chronophage avec une charge mentale importante : on voit des patients toutes les 20 min, et quand on enfile les baskets le soir, la fatigue même si elle n’est pas physique, est quand même mentale.

Est-ce qu’il y a beaucoup de sportifs qui allient un sport de haut niveau et un métier à part entière ?
En haut niveau, ce que je peux constater en équipe de France, c’est que je suis la seule à travailler comme ça. Mes collègues traileurs sont souvent professionnels ou semi-pros avec une charge de travail bien plus faible, autour de 20 h par semaine. À titre d’exemple, au championnat du monde, en Autriche on est rentré le dimanche soir et le lundi j’étais au cabinet. Sur cet aspect récupération, je ne suis pas du tout un exemple. Si je fais une séance entre midi et 14 h, moi je n’ai pas la sieste juste derrière. Si je fais une séance le soir après la journée au cabinet, c’est sûr que le ressenti de l’effort est plus important que quelqu’un qui aura pu se reposer dans la journée ou travailler une demi-journée.
Quand on fait un métier qui nous passionne, cela nous prend du temps et de l’énergie. Quand tu dois fournir de l’énergie derrière pour avoir un entraînement structuré, ce n’est pas toujours évident. Mais il y a toujours des bons et des mauvais côtés.

Quels sont tes objectifs aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je continue à exercer mon métier que j’aime beaucoup et de le lier au mieux avec mon sport. Je compte bien continuer à essayer de jongler entre cette vie professionnelle bien remplie et mon sport qui est aussi en une énorme passion. Les deux me prennent beaucoup de temps, mais tant que j’arrive à concilier les deux je continuerai. C’est un réel bonheur de pouvoir faire ça même si ce n’est pas toujours évident. Je cours tout le temps, au sens propre comme figuré. J’ai choisi mon métier autant que ma passion pour le trail, donc j’assume.
Les moments comme ma victoire en Autriche font oublier les sacrifices que je peux faire. Même si l’univers du trail se professionnalise de plus en plus, je ne sais pas combien de temps j’arriverai à tenir dans le sport de haut niveau. Mais j’essaie de me servir de ça comme une force. Même après le titre de championne du monde, le lendemain je reprends ma vie au cabinet, la vie reprend son cours, et cela apaise les choses. Je ne dépends pas que d’une seule activité, je suis comblée dans les deux, et j’espère continuer ainsi longtemps.

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  • Idris Amrouche
  • Rédacteur remede.org
  • amrouche.idris@gmail.com
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