Introduction

À l’heure des critères administratifs d’efficacité des systèmes de santé, les prises en charge médicales sont de plus en plus automatiques, et l’adage qui veut que "le médicament le plus efficace, c’est le soignant" parait un peu désuet...
Notamment, la souffrance est au cœur de la maladie : chaque patient la vit et l’exprime à sa manière. Dans la pratique, les personnels médicaux et paramédicaux ne font pas toujours la démarche de reconnaître la souffrance exprimée par les personnes qu’ils prennent en charge, quand bien même cela permettrait que s’établisse une relation propice à l’apaisement.

Dans les années 2000, l’interniste américaine Rita Charon a coordonné le développement d’une approche de la relation de soin axée sur la réflexion des soignants sur l’histoire du patient. Son postulat est que, en développant les compétences utilisées par les écrivains pour faire vivre leurs histoires, les soignants se sensibilisent aux affects de leurs patients et à la manière dont ils peuvent les recueillir, dans le but d’améliorer leur collaboration.

À travers le présent ouvrage, elle expose ses concepts et ses fondements théoriques, en puisant ses références dans la philosophie, l’analyse littéraire, la psychanalyse et l’apprentissage de l’exercice médical.

Même si l’approche ne se veut pas d’une rigueur scientifique (au sens de l’evidence based medecine), on doit bien constater le désarroi profond que peut générer chez le soignant telle ou telle réaction humaine - peur, désespoir, hostilité... - d’un patient. Cela tend à prouver une carence dans les formations médicales et paramédicales. C’est cette carence que l’auteur souhaite pallier, non sans évoquer le bénéfice pour le soignant que constitue, d’un point de vue humain, une "lecture attentive" de l’histoire du patient.

Caractéristiques physiques de l’ouvrage

450 pages, papier épais broché, couverture papier
env. 21 x 15 x 3 cm, env. 400g
Texte dense, noir et blanc, pas d’illustration
Notes et bibliographie en fin de volume

Qualité du contenu rédactionnel

Il est difficile de dire comment cet ouvrage doit être lu. Sa forme varie selon les chapitres : il est tour à tour un essai sur l’empathie, un manifeste pour une médecine humaniste, un manuel de savoir-être soignant, une autobiographie d’une interniste américaine passionnée, un cours de littérature narrativiste post-structuraliste, une analyse des méthodes pastorales... Des extraits de fictions y sont présentés entre deux analyses philosophiques d’ouvrages classiques. On y trouve également quelques outils théoriques d’analyse littéraire (grille de lecture, exercice de narration médicale, exemples d’interprétations de récits rapportés par des étudiants en médecine...). Le tout est présenté sous forme de prose.

L’ouvrage est constitué de 3 parties :

La première, "Qu’est-ce que la Médecine Narrative ?", explique les origines de cette approche, l’intérêt qu’elle présente sur l’efficacité du soin, et le paradigme narratif qui permet d’entendre, de retranscrire et d’analyser chaque histoire médicale singulière, à la recherche d’éléments narratifs importants pour la prise en charge du malade. La deuxième, "Récits de maladies", étudie le genre littéraire de la biographie, et illustre la manière dont le récit de la maladie fait le lien entre la maladie et le soin. La troisième partie, "Développer la compétence narrative", présente des anecdotes illustrant les principales techniques utiles à une pratique narrative de la médecine.

Comparaison par rapport à la concurrence

C’est le texte fondateur de la discipline qu’il présente, donc c’est par définition la référence. Son approche est visiblement pensée pour un travail de réflexion de fond, et n’est pas forcément optimisée pour une mise en pratique immédiate des principes de cette discipline.

Conclusion

Par définition, c’est l’ouvrage de référence de médecine narrative, utile pour qui souhaite aborder l’exercice du soin au travers du recueil et de l’étude de l’histoire de la maladie du patient. Même si ce livre n’est pas optimisé pour une utilisation pragmatique par un néophyte, il permet d’explorer toute la théorie qui a présidé à l’élaboration de cette approche.