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Julie Van Den Broucke - Médecin généraliste - PARIS V DESCARTES
Sur les forums : julyjumper
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17
Nov. 10

Aujourd'hui, première garde d'interne. VDM.

Publié le 17/11/10 23:03 - Modifié le 18/11/10 18:21
Tant attendue, tant prévisualisée, tant fantasmée, tant appréhendée, tant cauchemardée... ça y est, elle est passée. Ma première garde d'interne.

Dépucelage douloureux...
La garde se passe dans un hôpital en proche banlieue parisienne, tout au bout du métro.
L'interne est seul avec son DECT, son passe et un gros cahier type Livre d'Or dans lequel il a pour consigne de noter les heures et motifs d'appel, le nom du malheureux patient et la prise en charge dont il a bénéficié/qu'il a subie (rayer la mention inutile).
Pas de senior hormis un psychiatre (que je croiserai à l'extérieur vers 21 heures, toute pomponnée, en jupe et cuissardes comme si elle allait en boîte, radieuse, sans aucune cerne, l’air de s’éclater, et qui m'avoua en riant que dans 95% des gardes, elle n'était "pas appelée une seule fois" et qu'elle a "une super chambre avec Canal", et que "400 euros pour dormir, ça fait un bon rapport qualité-prix". Bref.

Les premiers appels ne sont pas trop impressionnants et consistent, grosso modo, à renouveler des prescriptions "que les médecins ont oublié de signer avant de partir, on est désolé de vous déranger pour ça".
(Ca semble dans mes cordes. La première fut tout de même une ordonnance de... paracétamol, c'est tout bête, mais en addictologie, chez un cirrhotique avec 20%de TP. J'ai failli faire une c*nnerie...)

Puis tout s’accélère.
Des appels dans tous les sens, pour voir une perfusion bouchée et savoir « s’il faut repiquer, on n’est que 2 infirmières, y’a un congé maladie » (mais qu’est-ce que j’y peux ?? mais qu’est-ce que j’en sais, s’il faut repiquer ??), pour prescrire un sédatif (« tu peux lui mettre de l’HALDOL, on n’est que 2, y’a un congé maladie, on ne peut pas s’occuper de lui toute la soirée, il va de chambre en chambre, il nous épuise, là »), pour prescrire un matelas au sol, pour rassurer une petite mamie suicidaire, pour faire un toucher rectal puis un autre puis un autre (plus de vaseline, je fais quoi ? à sec ?? merveilleuse idée que… la gelée Lansoÿl à la framboise… si si… on n’y pense jamais assez).

Douleur thoracique et orthopnée en soins palliatifs chez un patient qui a déjà plusieurs pontages aortocoronaires, plein de métas un peu partout (lâchez les ballons !!), 7,9 d’Hb et actuellement dans un protocole de chimio palliative avec du 5FU. ECG dégueu. Je fais quoi (à part supplier mon myocarde à moi de ne pas me lâcher) ?? Moi, petite interne, 1er semestre, 1ère garde, pas spécialement plus nulle qu’une autre mais pas plus fute-fute non plus, «foncièrement gentille » mais ça, dans la vie, ça ne sert à rien… Je transfuse ? (en plein OAP, ça me gène aux entournures, comme qui dirait). J’arrête la chimio ? (collégialement à moi toute seule, envers et contre tous les brillants décideurs de la RCP, en affirmant ma légitimité d’une signature toute-puissante en bas d’une prescription). J’appelle des gens (qui ne décrocheront jamais) ? Ou un ami, ou le 50-50, ou l’avis du public. Je ne parlerai pas de la charmante « oui ben ta tropo elle attendra, là c’est ma pause café-clope, tu vois ?? ». Attitude pseudo-désinvolte, a posteriori pas déplacée une seule seconde dans la mesure où ladite troponine n’était pas positive… belle intuition et sang-froid admirable de mon infirmière caféino-tabagique.

Bipbipbip, on me rappelle (pourquoi moi ??) dans le bâtiment à l’autre bout de l’hôpital, je galope sous la pluie glauque, dans le noir, mon livre d’or sous le bras et mon stétho en guise d’écharpe. Pouf, pouf, je souffle, halète, les ascenseurs sont en panne et de toutes façons je suis claustro, mais c’est au 5è, quand même.
Un ptit papy qui vient d’arriver dans le service, démence à corps de Lewy évoluée probable (oui oui, évoluée et probable, ça se peut…), il est là pour répit familial (et l’interne n’a pas de répit, et la famille, à ce rythme-là, c’est pas pour tout de suite), mais en attendant, il ne veut pas se réveiller (« il a eu son IMOVANE ? son STILNOX ? son THERALENE ? son LEPONEX? » « oh ben je ne sais pas c’est prescrit mais c’est en si besoin, l’équipe d’avant n’a rien coché, je ne sais pas, je suis nouvelle, on n’est que 2 infirmières pour tout l’étage, (laisse-moi deviner …), il y en a une en congé maladie ») et il a 88% de sat’.
Well…
Bilan qui va bien. « Ta radio pulmonaire, ça ne sera pas avant demain, einh !! Faut le transporter en lit, c’est à l’autre bout de l’hôpital et il pleut, je suis toute seule, ma collègue est en arrêt maladie et le manip’ radio d’astreinte ne répond pas, de toutes façons ! Il te la fallait absolument ?
- ben… ouais…
- ben demain matin à 10 heures alors !
- …
»
-
Le thermomètre qui n'a plus de pile et l'ECG plus de papier et personne ne sait où il est rangé, enfin si, dans le bureau des cadres mais on n'aura pas la clé avant 9 heures demain, les Ddimères à 9000 "mais c'est pas spécifique, fallait pas les demander, parce que normalement au-dessus de 5000 c’est 92% de sensibilité, mais là il est vieux et infecté donc vous vous êtes mise dans la merde toute seule" (merci le biologiste pour ton soutien… tu me réconfortes, Bro…), rappelée pour prescrire une contention, rappelée pour prescrire des gougouttes, rappelée pour signer une copro d'il y a 15 jours (demandée pour ??? va savoir. Diarrhée, sans doute…), rappelée pour des céphalées qui pleurent, rappelée pour un « je veux mourir, ma femme est morte, mes enfants ne viennent pas me voir, mon ptit chien est tout seul, je veux mourir » (t’inquiète, j'y connais rien mais j'intuite que ça va pas tarder…) d’un petit papi tout confus tout mignon que je soigne avec ma main sur la sienne jusqu’à ce qu’il s’endorme, rappelée pour un mal au bide chez un papi qui a une énooooorme hernie ombilicale, tellement énorme que ça ne peut pas s’irréductibiliser, ce truc-là (si ??) (et quand, blasée, j'annonce pour la 12000è fois de la soirée que j'envisage de glisser délicatement un doigt préalablement vaseliné dans son orifice anal à la recherche de je ne sais quoi (mais dans les livres ils disent TR, alors TR, et puis, je verrai bien ce que je trouve!! peut-être une perle de culture), brutalement, il n'a plus mal du tout), rappelée pour des contentions, encore, rappelée pour un état d'agitation (Papi qui essaie de grimper, nu, dans le lit de 2 petites mamies qui hurlent, complètement pétrifiées, et quand on le ramène dans sa chambre, il refuse de rentrer "parce qu'il est nu et que son voisin va le voir à poil"...), rappelée parce que j'ai prescrit "une gélule et demi" de morphine et que ben, effectivement, une GELULE, c'est pas sécable (!!!), mais qu'est-ce que j'en savais que ça se donnait en GELULES et non pas en comprimés/sachets/piqures, j'avais déjà trouvé la bonne dose, c'était déjà pas mal, parce que pour l'internat, on nous apprend à écrire "morphine" sur la feuille, en majuscules, avec "attention glaucome, constipation et globe", alors j'ai fait attention, mais la dose dans un mésothéliome qui fait mal, "c'est pas au programme", alors la voie d'administration, vous pensez bien..., la fatigue, toute seule entre les bâtiments sous la pluie, bloquée devant des portes dont je n'ai pas le code, manger toute seule debout en 10 secondes un truc indéfinissable, gluant, mixé, sans sel, incolore et froid dans une barquette en plastique, le bip qui sonne, qui ressonne, qui reressonne, le biologiste qui rappelle furieux pour savoir si je veux des Ddimères "latex ou ELISA" (savais même pas qu'il y avait plusieurs types. D-dimères, quoi!!), les BNP qui « ne se font pas ici, faudrait envoyer un coursier en moto, c’est trop compliqué », les gaz qui sont faits en veineux (enfin, j’imagine. Avec une PaO2 à 52mmHg, il irait forcément plus mal que ça… me dis-je pour me réconforter, mais pas tellement convaincue), gaz que personne ne savait faire, il a fallu appeler l’anesthésiste (« nous ici on ne fait pas ça souvent, et puis on n’est que 2 pour tout l’étage, on a une collègue en arrêt maladie et puis moi je suis nouvelle, je voulais faire de la psychiatrie mais on m’a pris la place, alors je suis là en attendant, mais je viens de néonatologie, je ne faisais jamais de gaz, c’est pas mon truc, et puis j’aime pas trop, ça leur fait mal, et puis là je reviens de congés mater alors j’ai perdu la main »), cette affiche dans tous les postes de soins que j’ai envie d’arracher (« EN CAS D’URGENCE VITALE, APPELER L’INTERNE DE GARDE, DECT 52500 ». Le DECT 52500, c’est celui qui est dans ma poche. L’interne de garde, c’est moi. Et en cas d’urgence vitale, je vous conseille d’appeler quelqu’un d’autre. La sécurité, les cuisines, l’aumônier, le maître-chien, qui vous voulez, mais quelqu’un d’autre, c’est mieux pour vous, croyez-moi, sincèrement.).

Le patient qui arrache ses lunettes d'oxygène, personne qui ne sait me dire quel est son état habituel ("nous on est du personnel volant, moi d'habitude je suis en néonat et là je reviens d'un congé mater et je voulais travailler en psychiatrie mais le poste a été pris alors je suis là en attendant et on n’est que deux pour tout l’étage.."), l'infirmière qui braille et gesticule dans tous les sens "vite vite vite il faut arrêter le LEPONEX et faire un signalement à la pharmacovigilance!! et puis d'abord les corps de Lewy ils s'aggravent sous neuroleptiques, c'est n'importe quoi, cette prescription, ils sont nuls les nouveaux internes" alors que 1) le LEPONEX est non seulement le seul NRL autorisé dans la démence à CDL, mais en plus une des seules alternatives dans ses troubles du comportement et il est quand même là pour des troubles du comportement ingérables, et 2) le risque c'est l'agranulocytose, or là, mon problème, c'était 18000 leuco, c'est pas vraiment une agranulocytose, ou plutôt, comme elle dit, "une hypoleuco" et 3) JE SUIS une nouvelle interne, pardon, moi aussi ça me désole, sans doute plus que toi, d’ailleurs. Et puis l'urée à 72 (pour une créat à 3,4, ce qui n'existe pas, si???) où j'espère juste que le biologiste/la machine a inversé les lignes (ce qui me paraît complètement improbable vu que c’est une machine. Je me surprends à faire comme si je n’avais rien vu de ce « détail », trop grave pour être vrai).

Comprends rien... c'est pas comme dans les bouquins, je n'ai pas UN SEUL patient pour lequel un cours (ou plutôt : « item ») de ces 6 dernières années corresponde... j'avais l'impression que tous avaient des trucs qui n'existaient pas, ou du moins, que je n'avais pas appris. Par exemple un beau diagnostic de « décompensation aiguë de BPCO », tout colle… sauf qu’il n’a pas de BPCO. (mais tout le reste, ça colle, je vous jure). Ou un ECG typique+++ d’hypokaliémie, sauf qu’il a 5 de potassium. Et beaucoup de mauvaise fois, de laxisme, d’épuisement (sans doute), d’optimisme forcé (« ça va aller », « il a de la fièvre parce qu’il a été vacciné hier, c’est pas grave », « ce ne sont pas ses migraines habituelles et il a vomi, mais la nuque est bien souple, quand même, ça ne peut pas être ça, mais des fois que ça n’aille pas, vous avez mon numéro »…)

Une histoire de surdosage en INNOHEP chez un patient anticoagulé efficacement pour une maladie de l’oreillette (tiens, ça non plus c’est pas un item de l’ENC…) avec une contre-indication aux AVK (et là quand l’infirmière me raconte ça au téléphone, je me rends compte que je viens de prescrire une ampoule IM d’HALDOL à mon Papy qui se balade nu au 5è et veut taper/se taper la petite voisine, alors qu’il est sous PREVISCAN. Mon cœur s’arrête, je vois déjà l’hématome glutéal qui s’étend, s’étend, le SAMU qui n’arrive pas assez vite, la déglobulisation, les chirurgiens qui courent, la transfusion avec la poche à pression, les menottes qu’on me passe, le cachot dans lequel on me jette avec un quignon de pain rassis et un pichet gris d’eau croupie, la grille de la geôle qui se claque, la perpétuité, la guillotine, mon chéri au parloir qui m’annonce qu’il ne m’attendra pas et va refaire sa vie), qui a « monté sa créat » le week-end précédent, alors « on l’a mis sous CALCI mais en fait y’a eu une erreur de transmissions donc il est resté sous INNOHEP, et puis là on a fait le TCA et il avait 4, et non il saigne pas mais il a plein de bleus sur les jambes mais en fait ils sont peut-être vieux, on sait pas, on est des remplaçants et on n’est que 2 pour tout l’étage et y’a un congé maladie ». Alors là y’a un vieux mot qui me revient vaguement, dans les tréfonds de mon cortex, c’est « protamine », mais c’est vraiment tout ce que je sais, parce que « les doses ne sont pas à connaître pour l’internat » (que j’ai raté, de toutes façons). Alors j’ouvre mon Perlemuter (sans la moindre pudeur. Comme ça tout le monde voit que je suis dépassée. Je pourrais même aller sur Doctissimo…), à la page de la PROTAMINE, je ne comprends rien, c’est du chinois. « 1 ml (10 mg) de protamine neutralise 1 000 UI d'héparine », ou « 100 UH neutralise 100 UI antiXa » (l’infirmière me lit « anti « X-A », la lettre X, au lieu du nombre « dix », et je ne souris même pas), euh, concrètement ??? Protamine for dummies, y’a pas un bouquin ?? En plus visiblement, si t’en mets trop, ça fait encore plus saigner, voilà qui est rassurant. Aucune idée de ce que ça veut dire, le biologiste répond qu’en plus je n’avais pas à demander l’antiXa (mais c’est pas mouaaaaaaaaa !!!!), et puis, ça se met comment, ce truc ?? IVD, IVL, dans du sucre, dans du sel ??

Et puis rappelée parce que « j’ai un monsieur qui a une perf sous-cut de G5, mais il est diabétique je crois, alors je pense que ça doit être une erreur, non ? » (j’en sais rien b*rdel, aucune idée, et c’est un PH qui a prescrit alors NON, c’est impossible que ce soit une erreur, par définition !! il est PH et je suis INTERNE, je te rappelle !! et si ça se trouve, demain, je démissionne, si ça continue comme ça !! oui, JE SAIS, vous êtes deux pour tout l’étage, y’a un congé maladie, le manip’ décroche pas, le biologiste se gourre de lignes, tu voulais pas faire de la gériatrie mais de la psychiatrie, tu reviens d’un congé mater’, les gaz ça fait mal… mais moi je suis TOUTE SEULE au monde et toutes vos questions, J’EN SAIS RIEN !!! et moi je voulais faire de la psychiatrie aussi, d’abord, et avant, je voulais faire FERMIERE, ou FLEURISTE, alors…, et puis je voudrais être dans mon lit avec mon Chéri, en train de dormir COMME TOUT LE MONDE !!).

Rappelée en addicto, perdue dans le dédale des bâtiments, mon souffle court fait de la buée contre une porte que je secoue mais qui ne s’ouvre pas. Je n’avais pas vu un type tout sombre assis à un mètre de moi, immobile, qui, dans une volute louche de fumée bizarre, me demande si « j’en veux ». Je sursaute, lâche mon gros Livre d’Or et m’enfuis en trébuchant… (un dealer devant l’addicto.. quel cynisme. Quelle finauderie, aussi. Emplacement ultra-stratégique s’il en est !)

Un patient qui ne chauffe même pas, qui tousse et crache « mais c’est comme ça depuis 15 jours », Glasgow bof/15 (environ!), pas de point d’appel, zéro inspiration, le senior d’onco d’astreinte (dont le numéro, écrit en tout petit, est à n’utiliser qu’en dernier recours de chez dernier recours, et ça c’est écrit en gros) semble davantage bienheureux dans les bras de Morphée (ou une autre) que captivé par mon récit (« et il chauffe ? non ? et il a quoi, tu dis ? hmmm hmmm.. oui oui… combien de fièvre ? ah, pas de fièvre ?? ah d’accord. Pas d’antécédents ? non ?? et il chauffe pas ?? […] combien de fièvre, tu as dit ? ») m’inflige un insupportable dialogue de sourds qui se termine par « il a eu un néo prostatique, mets du CIFLOX, ça doit être urinaire » (???), ça me paraît complètement aberrant comme raisonnement, mais bon, c’est un senior, un seigneur, qui suis-je pour contester… je n’ai même plus de cerveau, trop heureuse d’avoir un ordre à exécuter plutôt que de me perdre en hésitations, ma main griffonne laborieusement C-I-F-L-O-X, puis l’infirmière me rappelle : « ta perf’ de CIFLOX c’est obligé ? parce qu’il est dur à piquer et que je n’ai pas l’habitude, j’étais en néonatologie, on pourrait pas plutôt lui donner en comprimés ? » (disons qu’il est juste dans le coma. Mais bon, on peut attendre qu’il se réveille, ça finira bien par arriver… quand il aura faim, ou qu’il sonnera pour aller faire caca…)


Et puis ce matin, "oui donc tu l'as mis sous Rocéphine sous-cut avec un bilan ce matin?", euh, ben non, je ne l'ai pas mis sous Rocéphine sous-cut avec un bilan ce matin, il fallait?? Savais même pas que ça existait, la Rocéphine sous-cut’. Ah, c’est une spécialité maison ?? Ah, bon, d’accord, ben je le saurai..


Une nouvelle journée commence, j’ai un petit entrant (mais plus de neurone), j’ai dormi dans le lit défaut de mon sortant d’hier, la chambre de garde était trop loin, trop glauque, il pleuvait, j’avais froid, les ascenseurs et le dealer me faisaient peur… "Alzheimer évolué, séjour pour répit familial", alors je demande à la famille l'ordre de grandeur dudit répit (1 semaine, 1 mois??) et la réponse fut: "oh ben vous savez, si nous on ne pouvait ne plus le revoir..."

Un peu dégoûtée de tout.
L'impression que le but était juste de faire tenir tant bien que mal et vaille que vaille les malades qui vont mal jusqu'à l'arrivée des gens compétents.
L’impression de faire mes armes. Aux dépends des malades. Qu’on me fournit de la chair humaine for free, pour faire un tas de boulettes, puisque c’est comme ça que le métier va/est censé rentrer. (je suis dubitative)
Et d’être seule, seule, seule, seule. Dépassée.
Parce que dans les bouquins, les gaz, ils sont en artériel, la radio, on l’a, la perf, elle est posée, le BNP : on le récupère. Ainsi que les mots-clés et les places au classement.

Vidé mes surrénales, mon stock de candeur et mes réserves d’optimisme. Rempli mon porte-monnaie de 100 euros (soit 333 Nespresso) et mes rétines de souvenirs glauques. Oublié de prendre ma pilule, et merde. Envie de débrieffer, de m’améliorer, de ne plus revivre ça, de refiler ma garde du 25 décembre, de dormir, de ne surtout parler à personne, que Ses Bras me serrent fort & longtemps. A défaut de pouvoir être comprise autant que je voudrais.

Et, pour conclure en beauté, j’avais laissé des transmissions à mes chouettes co-internes : « les filles, récupérez le bilan de Mme L., c’est juste un INR de contrôle mensuel, ne vous inquiétez pas, aucune raison qu’il ne soit pas dans les clous. Bonne journée ! July » et… à mon retour, j’ai découvert qu’il était à 9. Oui oui, 9. Bravo Julie… ou comment passer pour une c*nne en 2 lignes grâce à l’inhibition du cytochrome P450, le salaud. Allez… un jour peut-être, je ferai le récit de « ma première septicémie à Staph doré ». C’était aujourd’hui et je ne trouve pas le sommeil. Beaucoup de dépucelages, en ce moment. Sans vaseline, ni gelée Lansoÿl à la framboise. A sec.
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3 commentaires
° Jeu. °
18
Nov. 10
A 20:50 par Bertrand Boutillier
Hummm c'est pas rose ton histoire ... Un point positif, ça peut quand même être difficilement pire ! Après, une garde non séniorisée ... douteux ça.
° Dim. °
21
Nov. 10
A 17:35 par Laura Ruesche
Merci pour ton témoignage, c'est très intéressant ! Notamment pour les ptits jeunes qui se posent plein de questions existentielles ^^
° Dim. °
28
Nov. 10
A 20:57 par Julie Van Den Broucke
Si, si Bertrand, ç'aurait pu être pire. J'aurais pu faire mon premier constat de décès.

Bon ben ça y est, c'est fait, il y a 45 minutes, environ...
:-((((((((((((((((((((((
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