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Julie Van Den Broucke - Médecin généraliste - PARIS V DESCARTES
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° Sam. °
7
Févr. 09

Une garde sarcoptique^^

Publié le 07/02/09 12:24 - Modifié le 08/02/09 20:38
Tags associés : Gardes
J’avais vraiment envie, et probablement davantage besoin, de publier cet épisode récent. Galimatias, salmigondis et pourtant tranche de (ma) vie.
Si par hasard/chance passe par ici un metteur en scène intéressé par les droits TV pour une de ces séries anglophones (ou pas) débiles mêlant adrénaline hospitalière quotidienne et passions amoureuses éperdues sur fond d’alarmes stridentes de scope, je suis open et joignable^^

(mon seul caprice sera d’avoir « une seule vie » de De Palmas en bande sonore parce que ça colle complètement)

(ça me ferait plaisir que vous cliquiez sur le petit bitoniau parce que j'ai mis LONGTEMPS à trouver comment ça marche ^^, même si le Patron m'avait tout prémâché!)

Garde d’externe numéro 29, en chirurgie orthopédique, dans mon CHU parisien.

Vraiment pas fan de bloc, alors je commence aux urgences et s’ils ont besoin de moi au bloc, ils me le feront savoir… Ça devrait bien se passer, quand même, parce que mon interne de ce soir - je le sais pour l’avoir repéré sur le planning il y a un mois, alors que je finissais mon stage dans ce même service de chir ortho, à ses côtés - , c’est Alysson : une crème d’interne, parangon de patience, d’équanimité, de disponibilité et d’accessibilité. Et de timidité aussi, comme moi.

Début de la garde.

Gentil et charmant jeune homme de 23 ans (bon, j’avoue, j’ai un peu « choisi » mon premier patient… faut bien se donner du courage !!) qui vient pour un accident de scooter, casqué, TC sans PC, hémiparésie transitoire de l’hémicorps gauche. « Mal partout » sur l’hémicorps gauche, de l’épaule au 5ème métatarsien. Etranglé par son collier rigide, vêtements découpés par les pompiers, et complètement choqué par l’accident, prostré. A l’examen, ç’a l’air d’aller, pas de déficit sensitivomoteur, j’ai mes réflexes, cervicales indolores, pupilles OK… à part un œuf de pigeon à la base du 5ème méta, mais s’il n’y a que ça, ça reste dans mes cordes. On discute un peu, j’essaie de mon mieux de le désangoisser parce qu’il a vraiment l’air mal. Je prescris les radios (mais si, on a le droit… y’a pas de chef, de toutes façons !), je vais chercher un autre patient. Une demi-heure plus tard, je repasse devant le casier de radios, ma demande est toujours là, au milieu d’une douzaine d’autre… Passablement énervée, je vais chercher mon jeune homme et brancarde. Embouteillage monstre en radio, je reste un peu avec lui, on discute encore gentiment (ben quoi, je suis externe en psy !!). Il commence à me dire que je [fais un beau métier] (ouais, bof… ça se discute^^), que j’ai [l’air bien dévouée] (hmmm… je préférerais être chez moi, si vous saviez…), que je serais [un médecin formidable] (encore faut-il que je continue médecine, mon bon monsieur !), qu’au moins je suis [sûre de gagner plein de sous] (oula, c’est de la confusion, non ?? l’hématome intracrânien menace ! ^^)… et au moment où je le confie au manip’ radio, il m’attrape les poignets, me cogne contre le brancard (SUPER ! il a complètement récupéré de sa parésie !!), puis me lâche, avec une grosse main au cul au passage. Je piétine jusqu’aux urgences, sans me retourner, franchement furax. Super efficace, ma psychothérapie de soutien !! Il peut toujours se brosser pour que je retourne le voir, ce jeune libidineux. […] Je prends sur moi pour ne pas laisser traîner ses radios dans un coin, la vengeance n’a pas sa place, ce soir, alors je ravale mon imprécation. Je lui prescris une attelle, le maudis in petto quand même, et dégage.

Tout le monde peste dans le bureau médical, les blouses blanches bourdonnent, les badges rouges vibrionnent, il se passe un truc. Mes 3 coexternes hébétés m’interprètent le raffut : sur les 2 ordinateurs du bureau médical, l’un ne marche pas du tout, et sur l’autre, on ne peut ni consulter les résultats de bio, ni imprimer les demandes d’examens. Bon, ça sent la bonne garde…

« C’est toi l’externe d’ortho ?? (euh… oui, madame l’IAO, criez pas…). On a une dame qui fait une hémorragie génitale, faut que t’ailles la voir tout de suite, boxe 7 ! » (externe d’ortho, hémorragie génitale… c’est pas ça, un discours diffluent ??!). Bon, allons-y… « GEU jusque preuve du contraire, GEU jusque preuve du contraire… », me répète-je, formatée, dans ma course jusqu’audit boxe 7. En fait c’est une patiente de la soixantaine (gardons la GEU comme diagnostic différentiel ^^), hémorragie génitale modérée, enfin… je crois, puisque dans mon hôpital, on n’a ni fauteuil gynéco (donc examen dans le brancard… probablement une efficace mesure pour désinvaginer le trou de la Sécu ? ), ni lumière autre que ma loupiotte à pupilles, ni spéculum (mais avec 3 abaisse-langue, on se débrouille vachement bien… si si, je vous assure, surtout avec la loupiotte dans la même main !). Donc vous irez consulter un gynéco en ville, y’a des gens qui attendent, on sait pas ce que c’est, mais non ça doit pas être grave, voilà voilà, bonne soirée.

Ma coexterne un peu paniquée de s’être vue confier un premier patient (mais comment est-ce possible ? moi j’en ai déjà fini 2 !!!) lourd, pour sa première garde aux urgences adultes, m’appelle à l’aide et me refile le bébé. Enfin, l’adulte^^. (mais pourquoi serait-ce à moiiii de me colleter avec luiii ??? moi aussi je suis paniquée !!!!). Un étique marginal bien imbibé : alcool à l’intérieur, sang à l’extérieur ! On finit par trouver que c’est le scalp qui saigne, on l’agrafe du mieux qu’on peut, id est pas terriblement ; monsieur se débat, nous insulte, menace de nous « pisser dessus » (je cite), avant de… le faire, et les draps s’en souviennent (comme dans la chanson), ma blouse et mes chaussures aussi. Mes chaussettes sont trempées, j’en ai des haut-le-cœur, le type a 1,93 d’alcoolémie, un déficit du radial à 0/5, il gigote dans tous les sens, braille, se gratte vigoureusement, il a des croûtes répugnantes, il pue horriblement, nous invective, dysarthrique, s’agrippe aux patients effrayés entre lesquels on slalome en brancard, crache dans leur direction. Il hurle, impavide : « laissez moi, je vais crever, et alors ? On en meurt ? Qu’est-ce que ça peut vous foutre ? Vous voulez que je vous meure ( ??) avec moi ?? Moi je suis déjà mort, et alors, j’en suis pas mort !! »… Pas franchement rassurée par ce babélisme, je délègue lâchement sa VAT à qui voudra bien : pusillanimité, trop peur de me piquer.
Ma hantise : l’accident d’exposition au sang. J’ai un dossier en cours, qui devrait se clore dans un mois avec ma dernière sérologie virale C. Besoin de faire une pause avant le prochain accident. C’est pas le moment de me réexposer. C’est jamais le moment, ceci dit.

Retour à la ruche. Au Pandémonium. Au bureau médical, quoi. J’attrape un dossier, sans choisir ( !) cette fois (hmmm, éventail gourmand : « OH+++, a froid » (c’est pas antigel, l’alcool ??!!), « OH SDF amené par les pompiers », « OH agitation », « OH SDF tousse parle pas français »).
Et là, dossier sous le bras, fleur au fusil, cœur en bandoulière, … VLAMMMM !!! Coupée en plein élan par un sourire 32 dents que je ne connais que trop bien. Pour avoir fantasmé dessus pendant 2 mois. Yeux noirs à la Craig David. Mon interne d’ortho.
Palpitations, pseudo-vertige, oppression thoracique, jambes qui flageolent, fugace cataplexie.

« Salut July ».

Je redescends sur Terre. Il se souvient de mon prénom, c’est déjà ça.

Flash-back.
Quinze jours plus tôt, j’étais de garde avec lui, déjà. Ambiance joyeuse, bonne année, polytraumatisés, tout ça. Et au moment où il s’éloignait du bloc pour fermer l’œil une petite heure avant le staff, au petit matin, je me suis lancée, un peu folle, un peu Jean-Claude Dusse. Vous savez bien, « toi et moi on a un peu le même problème, c'est-à-dire qu'on peut pas vraiment tout miser sur notre physique, surtout toi. Alors si je peux me permettre de te donner un conseil c'est : oublie que tu n'as aucune chance, vas-y, fonce, on sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher.».
Et ça n’a pas marché ; bien essayé, érubescente July, le plus important c’est de participer.
Du mal à digérer. Marlon a été LE coup de foudre, LA raison de bondir hors du lit à 6 heures 30 (l’ortho, c’est tôt !!) pendant deux mois avec un grand sourire, de perdre des kilos de gras, de royalement ignorer la vilaine hallucination acousticoverbale collante qui persifle que je me perds en continuant médecine, de fracasser le petit bout de moi schizoïde et son bavorysme, pour papillonner sur une vague d’hypomanie, genre Bambi.
A tel point que je m’interrogeais, piteuse après cet échec, sur la nécessité de me polytraumatiser afin qu’il daigne poser sur moi ses mains d’interne d’ortho en premier semestre^^.

[Et du coup, n’étais franchement pas fâchée, après cette confondante conclusion, de changer de service, d’hôpital, de ville, histoire de ne pas enfoncer le bistouri dans la plaie…]


« On va avoir besoin de toi au bloc.
- (hébétée. Qu’est-ce qu’il fout là ? Elle est où, Alysson ??)
- On a un patient qui va arriver !
- (interloquée)
- Ça veut dire que tu peux aller t’habiller !
- (gloups. Je vérifie discrètement. Je ne suis pas à poil, ça va, j’ai eu peur). Euh… Salut Marlon… euh… C’était pas Alysson qui était de garde ?? (mon cerveau commence à s’emballer tout seul, se préchauffer en mode automatique, à monter son cinéma plus vite que la musique : peut-être a-t-il repris EXPRÈS la garde d’Alysson pour être avec moi, parce qu’en fait la dernière fois, ce n’était pas un râteau, c’était de la timidité, mais oui, c’est ça, what else ?!!)
- (ton las) Si si, c’était elle, mais on a échangé, elle a posé sa semaine de vacances. (c’était donc un râteau). Tu vas t’habiller ??


Au bloc.
Un jeune homme et son syndrome de loges des deux jambes : pas très long mais tristouillo-dégueulasse : fonte purulente des muscles, on referme sur rien, il ne marchera plus, y’en a partout, les champs sont marron, noirs, violets ; il se réveille. On enchaîne sur le col fémoral d’une mamie fracturée sous les coups de son poivrot de fils. Salaud. Deux heures du matin, j’ai faim, mal aux jambes, mal au dos sous ce tablier de plomb qui pèse au moins trois fois mon poids, les pieds toujours imprégnés de l’urine alcoolisée du clochard des urgences, j’ai chaud, j’ai la pépie, l’irascible panseuse m’enguirlande parce que mes cheveux dégoulinent de par-dessous la charlotte (conseil pour la prochaine fois: les laisser graisser 2 semaines), je ne cesse de me déconcentrer pour cause de fixette sur les yeux de Marlon au-dessus de sa bavette et sa barbichette sur les cotés (parce que lui, c’est pas grave si ça déborde !), mes handicapantes oreilles me trahissent (eh oui, sous le masque, hors de question de compenser par lecture labiale une fonction auditive foireuse !), le bistouri électrique pue le cochon grillé, les alarmes du scope s’emballent, ça pisse le sang, ma table est mal rangée, je fais tomber des instruments dont je ne connais même pas le nom, on me passe un savon, mes sutures sont moches, Mike-le-chef et Marlon débattent vigoureusement avec la panseuse du conflit Israëlo-Palestinien tandis que mon redon s’entortille, j’en ai marre, j’ahane, j’anhèle, je transpire de partout, mes bretelles se cassent la gueule, mon gant du dessus se fait embrocher par l’aiguille et je ne sais pas si je me suis piquée, l’acrimonieuse anesthésiste -virago !- aussi veut aller se coucher et me blâme pour être si longue, c’est toujours la guerre de religions au dessus de la patiente, je me rends compte que j’ai le pied sur la pédale de l’ampli depuis une bonne minute et nous ai donc tous irradiés, j’en peux vraiment plus, je tire, intriguée, sur un drôle de fil moche et mon redon se détricote, je craque, gémis ; Marlon décolle enfin, froidement, ses (sublimes) yeux de la bande de Gaza pour rajouter un point de peau, sans un mot ; on fait les pansements… on ne peut même pas se déshabiller, il faut attendre les radios peropératoires : le manip’ n’arrive pas, je fais le planton, l’anesthésiste au bord de la crise de nerfs se cogne la tête contre le mur, la panseuse, jetant son ire, crie qu’elle n’est pas une sioniste. Enfin, la radio, j’arrache -les deux pieds généreusement sur la ligne amarile de l’apoplexie- le bleu de bloc ; je peux enfin essuyer la sueur de mon front ; un coup de Stérilium* axillaire bilatéral, faute de mieux ( !), rafistolage de bretelles.

On va manger tous les 3, c’est à l’autre bout de l’hôpital, mais j’ai tellement faim… Oups, BIPBIPBIP, non, on n’y va pas, y’a « un pied diabétique en choc septique » à prendre d’urgence. On retrouve ladite diabétique assise, en train de se marrer pendant que l’interne d’anesthésie lui fait sa rachi’. C’était pas mon idée du choc septique, comme ça spontanément… enfin, « un pied diabétique en choc septique », peut-être que c’est juste le pied qui est en choc septique ???!! Quelque chose me dit qu’on s’est fait arnaquer^^. On jette un œil au pied : orteil noir, puant, terrible. Un bout de mort sur une (trop bonne) vivante. Comme une chimère. Impossible cohabitation. Ça doit être tellement… bizarre d’être partiellement mort. Même rien qu’un orteil. C’est contre-nature, non ? Tous les gens que je connais sont, je crois, soit complètement vivants, soit complètement morts. Il y a aussi la jeune maman en mort encéphalique, là-haut, en réa, et dont les reins continueront probablement à vivre encore, ailleurs ; mais personne, habituellement, ne peut se relever et raconter à l’assemblée ébaubie qu’il a déjà été un peu mort. Privilège que je ne souhaite pas personnellement connaître, loin de moi cette idée, mais je songe, médite, hypoglycémique, vraisemblablement. Marlon enlève le drap qui recouvre encore le pied controlatéral et c’est le fou-rire. Encore plus terrible. Irrépressible. Soubresauts d’hilarité. Sur le pied « sain », il n’y a plus aucun orteil, sauf un, le troisième ; comme si la patiente nous faisait un « doigt d’honneur » avec son pied, railleur, frondeur, subversif, attendant l’assaillant (nous) de pied ferme (!). Je me mors les lèvres, en vain, et puis la patiente rigole aussi, de l’autre côté du champ, alors je laisse aller, je me laisse secouer par l’esclaffade, c’est pas grave, et c’est pas grave non plus si ce mot n’existe pas. Flot de pus, l’os est bouffé. L’orteil est balancé au milieu des instruments, sur ma table encore immaculée. Je suis sans doute en plein sommeil, en plein cauchemar, n’est-ce pas ? On a tué la mort. Trop forts.

Enfin, à table… nous traversons tout l’hôpital dans le froid, dans le noir, ils parlent toujours de la Palestine. Salle de garde, avec sa traditionnelle fresque obscène. Semelle de viande/pâtes à l’huile, versus et salami/endives : le choix des réjouissances est cornélien. Ça sera kiwi dur-succédané de café, de toute façons il est 3 heures, j’ai plus faim, Mike et Marlon sont toujours passionnément dans la guerre, je me réfugie dans une espèce de coma éveillée avec la sensation de lentement dégouliner de ma chaise comme une coulée de coaltar (…)

« Et toi, t’en penses quoi, on t’entend pas ?? »
Pfff… ça fait longtemps que je ne pense plus à rien, que tout coule et m’indiffère, même le pied contre le mien sous la table… qui était celui d’une chaise, et non celui de Marlon (même en rêve, ça marche pas^^)

Mike va se coucher, Marlon retourne dans le service et moi vers les urgences.
L’indigent alcoolique de tout à l’heure est toujours là, avec son scann’ cérébro-cervical que je découvre: fracture de l’odontoïde. Je ne sais pas si du coup, ça l’autorise rétrospectivement à me pisser dessus, mais ça fait ch***. On rappelle Marlon, qui reçoit sa dose d’objurgations. De la part de l’urgentiste et du patient. Le pauvre type arrache sa minerve, se gratte frénétiquement l’entrecuisse en me faisant des clins d’œil, et m’envoie d’aguichants baisers qui claquent entre les alarmes du scope. Marlon, longanime, ne bronche même pas ( !). Cette soirée est affligeante. Colossalement atterrante.

« Je peux mourir ? à cause de mon os cassé ? et c’est grave ? oui ? qu’est-ce que vous en savez, vous êtes déjà mort, vous ? Vous n’y connaissez rien, alors, foutez-moi la paix, laissez-moi crever, je vais pas mourir ! ».

Je comprends toute seule, soulagée, que ça ne sera pas pour ce soir (ou plutôt ce matin) : parce que patient incurique, parce que 3h30 du matin, parce que 30% de TP, (et ± parce que Mike endormi ;-) ).

Ensuite, je m’occupe en solo -litote dissimulant assez mal mon sentiment de déréliction- d’un patient qui ronflait sur un brancard dans le noir depuis 7 heures, amené par les pompiers pour plaies multiples après baston, SDF, la quarantaine, OH chronique, toxico à l’héroïne, épileptique, enfin… pas le genre de patient à laisser croupir 7 heures sur un brancard, quoi^^. Surtout avec un Glasgow 7 (E1 V1 M5). Le genre de consultant dont je sais pertinemment que si le naïf externe -votre serviteur- ne s’y colle pas, le dossier sera bouclé en fin de matinée par l’implacable « parti sans soin ». (S’il a la bienséance de se réveiller spontanément, ih ih).
Première fois que j’ai dû aller jusqu’à la manœuvre de Pierre-Marie Foix : même durant les nuits mythiques de Grande Garde de NeuroChir’ ils grimaçaient au pincement du mamelon^^.
Langue saburrale aspécifique, respiration stertoreuse, mon petit protégé mâchouille ; pas de morsure de langue (morsure de mes doigts, par contre), ni de pertes d’urines. Remarque, il a peut-être perdu ses urines il y a sept heures, et ç’a séché depuis. Quoi que. Je me suis fait pisser dessus il y a 7 heures, et j’ai toujours la chaussette qui fait floc. Donc, pas de pertes d’urines, adjugé, vendu. Et personne ne viendra vérifier, sinon mon Jiminy Cricket.
Raccourci rapide : plaies + SDF = pas de MG = je lui fais sa VAT (reviendra pour la 2ème injection… ou pas), je bétadine tout ça, petits pansements qui vont bien, j’écris mon mot consciencieusement.

Après… ben après je ne sais plus ce qu’il s’est passé, j’ai un gros trou, j’étais tellement fatiguée, et pourtant bien là, pas le choix. Je me rappelle qu’il y avait 2 IDM dont une dame de 40 ans qui pleurait, un OAP qui se noyait, un AVC qui bavait, un Guillain qui remontait à vue d’œil (un Guillain mal Barré, quoi… arfff, pardonnez, j'ai osé ^^, c’est les nerfs !), une poussée de SEP bizarre qui téléphonait, 3-4 TS par IMV qui croupissaient depuis des heures en attendant le psychiatre (la dernière fois que le psychiatre s’est fait autant désirer, chez nous, il venait de se tuer en moto… R.I.P., R.I.P., R.I.P. …). Et une dame qui ne parlait pas un mot de français et qui venait d’avaler un caustique ménager (pense-t-on) et dont elle n’avait ni le nom, ni l’étiquette, mais ça faisait des bulles, c’est une certitude, et ça vaut cher, les certitudes, à 4h30 ^^. Ils étaient contents, les gentils médecins du centre antipoisons, quand je leur ai apporté cette précision : « on sait pas ce que c’est, mais ça remonte dans sa gorge en faisant plein de mousse »… Tout ça pour un urgentiste médical et 2 internes, normal (crise ou pas, c’est toujours comme ça, bienvenue chez nous…).

Je me rappelle qu’à un moment, on s’est réparti le restant de nuit, soit 2h15 pour 4 externes. Le calcul en lui-même ayant duré un quart d’heure, le partage était plus facile ensuite^^.
Et que j’ai été la seule rappelée, version somnambule désarticulé déambulant, pour un homme sans antécédents qui avait toutes les 3-4… semaines des décharges électriques de 2-3… secondes sur la face antérieure du tibia : aaaaaaaaaaahhhhhhhh !!! Nonobstant trop fatiguée pour que mes nerfs lâchent, j’en parle à l’interne -qui avait laaargement le droit d’être fatiguée, OK- qui, assise sur sa chaise, sans ouvrir les yeux, argumente didactiquement : « le tibia c’est un os, un os c’est de l’ortho, l’ortho c’est de la chir’, la chir’ ça relève du chef de chir, donc tu en parles au chef de chir’… je ne vais quand même pas le mettre sous TEGRETOL* ! »… Ledit chef de chir’ introuvable, même dans le frigo des lits portes, trois étages plus haut ; j’erre… Une bienveillante blouse blanche sans visage vient, badine, me tirer par la manche : « mais il est là Stanley, boxe 12, fallait le dire que tu le cherchais ! ». Je me traîne jusqu’audit boxe, entre timidement, et tombe sur Stanley seul dans le box à plâtres, vautré devant l’ordinateur, sur un site de fonds d’écran Ferrari. J’ai comme l’impression qu’il va gentiment renâcler à la besogne que je m’apprête à lui proposer…
Même plus envie de m’énerver, même pas la force de soupirer, je lui présente le patient (implicitement = « viens le voir, fais ton job, chepa, bouge !! ») :

« Oui, ben c’est une contracture musculaire ! » (implicitement = viens pas me faire ch*** quand je regarde les Ferrari !)
- (incrédule)…
- Con-tra-cture mus-cu-laire !!
- (je riboule des yeux) euh… et donc, on fait quoi ??
- (sourcils froncés ; mais , en toute mauvaise foi, c’était peut-être la Ferrari qui ne lui revenait pas) Tu lui prescris un décontractant musculaire et il sort !
- (bouchée à l’émeri+++) je… quoi ?
- dé-con-tra-ctant mus-cu-laire !!
- ah euh… une benzo alors??
- (regard méprisant, de haut en bas, soupesant mon impéritie comme Popeye dans les Bronzés évalue ses « kilos de gonzesses ») Pfff, mais non pas une benzo… un truc en crème…
- genre quoi ?
- chepa moi, écoute, tu tapes « décontracturant musculaire crème » sur Google et tu lui prescrits ça ! »

Et voilà comment l'innocent patient se retrouve avec du « DECONTRACTYL CRÈME* » 3 fois par jour, sur une ordonnance signée de ma main néo-prescriptrice, et comme dit l’interne qui voulait le mettre sous TEGRETOL*, « ça lui fera pas de bien mais au moins ça ne lui fera pas de mal ! »…

Et là Stanley me rappelle :
« Au fait, j’ai lu un truc tout à l’heure sur ton observ’, j’ai rien compris…Pour le SDF épileptique alcoolique et héroïnomane… t’as marqué un truc, c’est la première fois que j’entends ce mot, vraiment la première fois… « mâchouillage typique », un truc comme ça, j’ai pas saisi !
- (instant de réflexion intense) Oh !! « Stéréotypies motrices à type de mâchonnement ?? »
- ouais !! ouais c’est ça !! ça veut dire quoi au fait ?
- bah euh… chepa, je me disais qu’un type qui avait des antécédents d’état de mal et qui mâchouillait avec insistance, ça pouvait faire penser à une crise… ? genre crises temporales ?... enfin, je dis ça comme ça… »

(bon, d’un autre côté, si je pensais vraiment à une crise, j’aurais peut-être dû m’affoler++, et injecter quelque chose de plus incisif que de l’anatoxine tétanique…Traînez-moi aux gémonies, jetez-moi l’anathème, ce n’était pas un pas de clerc :s)

9 heures, retour à mon appartement. Je peux enfin me savonner, c'est merveilleux. Moment de grâce. Je me fais une place dans mon lit en dégageant quelques polycopiés, et ronfle jusqu’à midi. Séance de révisions pour les partiels de 14 à 17 à la fac, dans un état amplement second, puis je pars en conférence, portée par un entrain mécanique plus que précaire.
Conférencier archi-cassant, méprisant, « vous êtes le groupe le plus nul depuis que je donne des conf’, tous nuls sans exception, tous, tous, TOUS ! », et quand c’est à mon tous de parler « ouais, tais-toi, tu connais même pas ton cours, c’est lamentable ». En fait, j’étais tellement vaseuse que j’avais décalé d’un dossier, chose qui explique mon inattendue proposition de « quinolones en première intention » en guise de prise en charge d’un cancer colique^^. Pas mal, je sais ^^
Conf’ finie en retard. 23h15, direction le parking, je veux juste rentrer, dormir… je trace dans les rues de Paris… ma voiture est garée au fin fond de l’hôpital. La voilà presque, j’ouvre avec la télécommande… sapristi, j’avais laissé ouvert ??! Bizarre. La lumière intérieure s’allume, ma blouse est étalée sur le siège conducteur, ça aussi c’est bizarre, je ne suis pas souillon à ce point quand même ??! Je m’approche, j’ouvre la portière et… gros bordel, tout est renversé, stétho sur le rétro, boîte à gants grande ouverte, clés par terre, papiers aux 4 coins de l’habitacle, stylos, fiches de paie, cours, boîtiers à CD, marteau à réflexes, bris de verre… bris de verre ?? Grosse trouille, j’ouvre le coffre (drôle de réflexe..), y’a personne dedans, ça va mieux ^^, je fais le tour, la vitre passager est explosée… Crise d’angoisse, de larmes, de pleurs, de nerfs, pleine panique, choquée+++, je n’arrive pas à refaire surface pour faire l’inventaire de la fauche. Je scotche ma vitre (toujours avoir du gros scotch dans sa voiture. Deuxième leçon en 2 jours, après le coup des cheveux gras pour pas qu’ils sortent de la charlotte au bloc), balaye les bouts de verre des deux mains, me coupe, évidemment, j’ai les paumes en sang, en fous partout. Je rentre, chiale. Impossible de fermer l’œil, je tourne et retourne dans mes draps, même pas déshabillée, je suis cassée, me gratte étrangement les poignets ( ?) jusqu’au sang genre phlébotomies à mains nues. Jamais je n’ai eu autant envie d’appeler « SOS détresse amitié » mais bon… j’ai pas le numéro ^^.

Prochaine garde aux urgences la nuit de la Saint-Valentin. Personne n’en voulait, alors je me suis dévouée, faisant pouffer tout le monde quand j’ai lancé, bravache « m’en fous, je serai toute seule ». Objectif secondaire= prince charmant, m’a-t-on dit en guise de lot de consolation. (Mon AVP moto ?? le SDF à l’odontoïde, avec son prurit diffus ?? mon chef de chir en Ferrari ?? mon interne d’ortho ?? mon conférencier ? mon pilleur de bagnole ?? …)


Épilogue :

Aujourd’hui en stage, j’ai forligné et subtilisé une ordonnance pour me prescrire, sans vergogne aucune, de l’ivermectine et du pschitt A-PAR (apprécions le facétieux jeu de mots au passage… ils sont brillants, les mecs des labos !) pour les fringues et la literie. La gale : « un seul contact suffit », qu’il dit, le Pilly. Je me sens sale, je me dégoûte. La gale. Il m’a refilé la gale. Le mec qui m’a pissé dessus, avec son odontoïde. La gale. C’est une maladie professionnelle, au moins ??!! Parce que ça va me coûter plus cher que mes 25 euros de « paie » de garde^^ (+ 98 € pour ma vitre de bagnole). La gale! Mon chef m’a taillé au téléphone, quand j’ai prévenu que je ne pourrai venir parce que j’étais chez Carglass répare, Carglass remplace. J’ai donc épargné la gale à tout le service de psy, en fait. La gale, putain ! La gale !

Il va être content, le Prince Charmant ^^
Billet suivant :
Nosocomi...que
3 commentaires
° Dim. °
8
Févr. 09
A 10:50 par Bertrand Boutillier
Euh, je suis surtout content que Julie suive mes conseils ... son récit était sur le forum ... la preuve que le miniBlog le met encore mieux en valeur :-) Sinon pour de palmas, suffit que tu donnes ce lien http://www.deezer.com/track/2431154 à manger au "Générateur" dans l'interface de rédaction miniBlog, et tes lecteurs auront un joli player deezer pour écouter le morceau en lisant ;-)
A 20:31 par Bertrand Boutillier
Dans ces cas là Guillaume, tu ne devrais avoir aucun mal à participer d'avantage ;-)
° Mar. °
10
Févr. 09
A 17:13 par Julie Van Den Broucke
"Les Princes, ça n'existe pas"

... mais alors... on m'aurait menti???!!! (c'était l'unique argument de vente pour la garde du 14/2)

Alors, je veux bien faire des concessions sur ledit Prince, mais s'il était possible d'éviter
* l'accident d'exposition au sang, ou tout autre fluide biologique indésirable
*et/ou le vandalisme automobile
*et/ou de choper une maladie honteuse,

ce serait... CHARMANT!!! :D
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