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Thibaud Desriac, 25 ans, interne en médecine légale, passionné par les morts suspectes

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« Quelles espèces de pulsions morbides te poussent à ne voir que des morts ? » : c’est la question qu’on me pose le plus souvent ! Interne en médecine légale, Thibaud Desriac déplore que sa spécialité soit si peu connue et représentée. Pour y remédier à son échelle, il vient de lancer son blog. Un régal pour les amateurs de second degré…

Sur votre blog, vous écrivez « J’ai vraiment le profil du gars louche qui va découper les morts ». Sérieusement, pourquoi avoir choisi la médecine légale ?
-  Depuis tout petit, je lisais beaucoup de science-fiction et je voulais faire des recherches sur des scènes de crime. Je pensais à la police scientifique et j’étais intéressé aussi par le métier d’avocat. En terminale, je pensais de plus en plus sérieusement à la médecine, en me disant que même si je ne devenais pas légiste, je pourrais faire de la biologie, de la toxicologie ou autre spécialité approchante. Au final, la médecine légale intègre toutes les dimensions que je recherchais : travailler sur le corps humain, le droit, l’éthique, etc. De nombreuses idées reçues circulent sur cette spécialité. Lors des autopsies, les policiers nous demandent souvent si ça ne nous dégoûte pas de voir des macchabées tous les jours… Mais on leur explique qu’on est en salle d’autopsie qu’une ou deux journées maximum par semaine et que, le reste du temps, on s’occupe de personnes vivantes.

-Comment s’est déroulée votre Paces ?
-  A la fin du premier semestre, à Paris-Descartes, j’étais 300e. Donc je pouvais avoir pharmacie et je pouvais même envisager d’avoir médecine. A la fin de l’année, j’étais classé environ 750 sur 3000. Je ne pouvais finalement avoir ni médecine ni pharma…. Pour ma deuxième Paces, j’ai tout misé sur pharma et j’ai passé l’UE de médecine sans vraiment la réviser. J’ai eu de la chance : je suis tombé sur des épreuves qui demandaient davantage de réflexion que des connaissances à recracher par coeur. Résultat j’étais classé 270e. L’été suivant, j’ai beaucoup hésité entre les deux. Pharma peut avoir des avantages : on peut travailler dès la troisième année en officine, les études sont moins longues… De plus, j’étais intéressé par la chimie. Mais je me suis lancé en médecine. A Paris-Descartes, entre P2 et D1, on doit choisir entre plusieurs options d’un semestre. J’ai choisi « Morts suspectes » avec notamment les Drs Bertrand Ludes et Philippe Charlier* comme intervenants. On nous expliquait comment se faisait une levée de corps au domicile, comment dater une mort, comment prendre en charge une personne violée, un enfant maltraité, en concertation avec les pédiatres, les gynécologues, etc. Les intervenants étaient tous passionnés et passionnants. C’est là que je me suis dit : c’est cette médecine que je veux faire !

-Vous avez vécu la mise en place du tout nouveau DES de médecine légale (rentrée 2017) : pouvez-vous nous expliquer ce qui a changé ?
-  Avant la réforme, les profs me conseillaient l’anapath’ pour faire ensuite de la médecine légale. Le souci, c’était qu’il fallait être bien classé pour avoir cette spécialité, dans les 4 000 premiers pour être sûr. En fin de D3, j’ai regardé comment étaient pris les postes de médecine légale et j’ai constaté que c’était beaucoup plus accessible qu’avant, puisqu’aux alentours de la 6 000e place, on avait encore accès à des postes dans pas mal de villes. Cela a été une chance pour moi.

-Comment se sont passées les ECN pour vous ?
-  J’ai été reçu 5 510e aux ECN 2018. Je visais entre la 4 000e et 5 000e place. Avec ce classement, en médecine légale, j’ai eu le choix entre Paris, Toulouse, Marseille, Rennes, Angers, Tours… bref pas mal de choix ! Je voulais quitter Paris. J’ai opté pour Rennes, parce que la formation y avait l’air bonne et pour ne pas trop m’éloigner de ma famille.

-Ne craigniez-vous pas d’avoir moins de postes accessibles ensuite en province qu’à l’AP-HP ?
-  C’est la question que j’ai posée à plusieurs profs… mais d’un autre côté, le fait d’être le seul interne dans une subdivision est aussi une chance car on n’est pas plusieurs à se battre pour essayer de se former, ou aller en salle d’autopsie. Actuellement à Rennes, nous sommes trois internes… mon chef a accepté un interne de plus. Mais je ne suis pas malheureux, loin de là ! Avoir deux co-internes qui connaissent déjà la médecine légale, c’est génial. Ils me forment autant que les PU-PH.

-Racontez-nous votre première autopsie…
-  Je suis dans un service très bienveillant, avec un co-interne qui connaît bien tous les rouages, donc ça n’a pas été si terrible. Niveau technique, ça s’est bien passé, même si c’est très différent de la dissection au programme en troisième année. C’est bien plus impressionnant d’enlever une cage thoracique, de tout découper, d’enlever les organes un par un, de les peser… Mais si on regarde cela avec un œil scientifique, c’est très intéressant. Certaines personnes ne supporteraient pas de faire ça. Moi, je ne supporterai pas d’être chirurgien et d’avoir la vie de quelqu’un entre mes mains. L’important pour moi est de rendre justice concernant les causes du décès. La plupart du temps, il n’y a rien d’exceptionnel, il s’agit d’une mort banale. Parfois, les circonstances du décès nécessitent des explorations plus poussées. Cela reste très humain : on essaie de rendre le corps présentable à la famille, et on referme précautionneusement même s’il n’est pas présentable.

-Comment voyez-vous la suite, vos prochains stages, vos éventuels masters ?
-  Je vais normalement passer ensuite aux urgences pédiatriques, car mon chef considère que je dois savoir faire l’examen des enfants vivants avant de faire celui des enfants qui ont été maltraités et/ou qui sont décédés. On reçoit entre 20 et 25 % d’enfants dans le service. Ensuite, ce sera peut-être un stage en psychiatrie ou peut-être de l’anapath. Je peux aussi rester plusieurs semestres dans mon service actuel, il y aura toujours beaucoup de choses à apprendre ! Pour certains masters, une année de césure est prévue, et si je veux faire une thèse de sciences, je devrais obligatoirement la prendre, ou la faire après l’internat. Mon chef de service me conseille de faire un DU réparation du dommage corporel et un master de criminologie. J’aimerais aussi beaucoup me former en anthropologie.

-Après tout ça, dans quel type d’exercice vous projetez-vous ?
-  Ce qui me plairait le plus serait de trouver un poste à l’hôpital et d’encadrer des externes et des internes. Mais c’est difficile aujourd’hui de savoir s’il y aura des postes pour tout le monde… Avec le nouveau DES, nous sommes désormais spécialistes de médecine légale et nous ne pouvons plus dire : « je suis pédiatre et médecin légiste et à 50 ans, si je veux, j’ouvrirai mon cabinet de pédiatrie. » Un autre débouché possible de ce DES est de faire de l’expertise médicale pour la Sécurité sociale ou des mutuelles, mais aussi pour la justice lorsqu’il faut expertiser l’intégralité d’un dossier médical.

-Vous avez monté un blog : pour quelles raisons ?
-  J’ai pas mal de personnes autour de moi qui m’ont demandé des renseignements sur la médecine légale. C’est une guerre pas possible pour avoir des infos, à Paris, mais encore plus dans les villes de province. Pour vous donner un exemple : à Paris, pour les choix de postes, il n’y avait personne pour représenter la spécialité ! C’était très difficile de se décider sans plus de précisions… Je suis à un an du crash-test de la réforme et je pense que mon expérience de l’internat, que je vais raconter sur mon blog, peut être utile à d’autres. Aujourd’hui, il n’y a pas d’association des internes en médecine légale. Je lance un appel pour que ça se fasse !

-Quels conseils donneriez-vous aux étudiants intéressés par votre spécialité ?
-  J’ai envie de leur dire que les activités d’une semaine-type sont loin de se limiter aux seules autopsies. Il y a de la clinique, de l’anatomie (décrire les lésions, c’est la base du boulot) et beaucoup d’interactions avec d’autres spécialistes (généralistes, pédiatres, psychiatres…), ce qui permet d’élargir le champ des compétences. C’est d’ailleurs ce qui risque de se perdre avec la réforme du DES. Avant, on était pédiatre avant d’être médecin légiste. Maintenant, on va être d’abord médecin légiste avec juste deux stages d’un semestre en pédiatrie, ce qui ne correspondra jamais à la formation complète d’un pédiatre. Il y a cette crainte actuellement dans les services qu’il n’y ait plus que des médecins légistes tout-venant. Or, lorsqu’on se retrouve face à un bébé secoué, il est plus logique qu’il soit examiné par un pédiatre, qui maîtrise parfaitement la prise en charge.

Pour en savoir plus :
*Notre interview du Dr Philippe Charlier ;
-  Le site de la Société française de médecine légale.

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  • Sophie Cousin
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