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René Frydman : « Un vécu quotidien très intense, qui rend vite accroc »

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Toujours des consultations et des accouchements, encore un peu de chirurgie, et une émission sur France Culture, « Révolutions médicales ». « Voilà les choses qui m’occupent », conclut modestement le Pr René Frydman, pour clore la longue liste de ses activités de retraité. Celui qui a aidé tant de couples à donner la vie nous raconte qu’il ne voulait pas faire de gynécologie-obstétrique ! Mais ça, c’était avant. Avant de s’engager corps et âme sur la route de l’aide médicale à la procréation, parsemée de levers de boucliers. Une carrière qui l’a rendu pleinement heureux. Et qui justifie cet appel aux jeunes générations à ne pas se laisser engloutir par les problèmes administrativo-judiciaires éventuels.

Bio express

-  1974 : se spécialise en obstétrique et entre à l’hôpital Antoine-Béclère (Clamart)
-  1982 : fait partie de l’équipe dirigée par le Pr Papiernik qui permet la naissance d’Amandine, premier bébé éprouvette (FIV)
-  1986 : accouche le premier bébé issu d’un embryon congelé
-  2000 : réalise la première naissance après un diagnostic préimplantatoire
-  2011 : créé le premier bébé « médicament »
-  2012 : rejoint l’hôpital Foch de Suresnes, où il crée un centre d’aide médicale à la procréation.

Quel a été votre déclic pour faire médecine ?
J’ai toujours eu envie de faire médecine, je ne me suis jamais posé d’autre question. Cela s’est confirmé quand je me suis approché du Bac, notamment car j’aimais beaucoup la matière « Sciences Ex ». Et aussi par goût pour la relation humaine. Il n’y avait aucun médecin dans mon entourage mais j’ai été marqué par certaines lectures, comme « Les hommes en blanc » d’André Soubiran et « Masque de chair » de Maxence Van der Meersch. J’avais aussi un médecin généraliste que j’aimais beaucoup, lorsque j’étais enfant et que nous vivions dans le XIème arrondissement. Sa salle d’attente était toujours pleine, il voyait défiler une partie du quartier. C’était pour moi une belle image.

A la Fac, racontez-nous un peu votre scolarité…
Nous étions tout un groupe, que je continue à voir, cela fait plus de 50 ans ! Certains ont « fait carrière », comme on dit, comme Axel Kahn, Bernard Kouchner… Nous avions envie de faire bouger les choses. Dès le début, je me suis beaucoup investi aussi en dehors de la médecine, en m’engageant politiquement et syndicalement. C’est d’ailleurs un peu par hasard que je me suis retrouvé à l’Unef : la personne qui était candidate dans mon amphi a eu un accident de voiture et s’est cassé la jambe. Il a fallu trouver quelqu’un d’autre, et c’est tombé sur moi ! A postériori, je pense que cela a été une très bonne chose car cela m’a permis de connaître la vie étudiante et les questions politiques et sociétales. Des préoccupations qui ne m’ont pas quitté par la suite. A l’époque, le travail de l’Unef consistait à enregistrer les cours pour faire des « poly » et à s’occuper des bourses et des problèmes de logement des étudiants.

Pourquoi choisissez-vous la gynécologie-obstétrique ?
Je vais être très direct : je voulais faire de la médecine mais sûrement pas de la gynécologie-obstétrique ! Je m’étais débrouillé pour ne pas faire les trois gardes obligatoires en obstétrique…. Je pensais que les femmes n’avaient pas besoin des médecins pour accoucher.
A l’époque, nous venions de créer MSF avec Bernard Kouchner et j’avais vraiment envie de faire de la chirurgie, pour allier médecine et engagement humanitaire. Pour l’internat, je n’étais pas bien classé car je n’avais pas fait mon service militaire (ce qui permettait d’avoir deux ans de plus pour son choix). Tout avait été pris en chirurgie et je suis rabattu sur un poste « Urgences » à Henri Mondor, sans savoir ce que c’était…. Coup de chance : ce poste était rattaché à l’un des services de chirurgie orthopédique les plus courus de Paris. J’ai compris très vite que ça ne me plaisait pas du tout, ce qui m’a permis de gagner du temps. Pour l’anecdote, on allait acheter des vis au BHV et on les stérilisait dans le service ! Quand le deuxième choix est arrivé, je n’étais toujours pas très bien classé et il ne me restait plus que des services de gynécologie-obstétrique. J’ai alors pris Bichat, car c’était un service où il y avait pas mal de chirurgie.

Comment se passent vos débuts en gynécologie-obstétrique ?
Quand j’arrive, le patron me dit « Tiens, je dois aller faire une césarienne, viens avec moi ». C’était la première pour moi. Il sort deux petits jumeaux de 500-600 grammes et les pose sur la paillasse blanche et froide. Je les vois gasper. Il me dit « Appelez ! Appelez-le vite ! ». Je pensais qu’il parlait du réanimateur néonatal. Pas du tout. C’est le curé qui entre dans le bloc en soutane, pour donner l’extrême-onction. J’ai eu un choc et je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. Il faut se rappeler aussi qu’à cette époque, l’avortement n’était pas autorisé et que cela causait beaucoup de dégâts. Dans mes lits, j’ai notamment en mémoire une jeune femme de 20 ans, ravissante, qui avait fait un avortement clandestin et est décédée d’une septicémie au bout de deux jours. J’ai connu cette époque où il n’y avait pas de péridurale, pas de réanimation néonatale, pas de coelioscopie, pas d’amniocentèse, et une mortalité néonatale et maternelle encore élevée. C’était enthousiasmant de voir l’ensemble de ces techniques se développer.

Quels évènements de vie et rencontres vous ont conduit sur la voie de l’aide médicale à la procréation ?
Clamart venait d’ouvrir et Emile Papiernik était connu pour être très ouvert et dynamique. J’avais moi-même une petite formation de trois ans en chirurgie. J’étais un peu complémentaire (bien que jeune) avec Emile Papiernik, qui était très centré sur l’obstétrique. C’est là que je vais commencer à développer la microchirurgie. On est en 1974-75. La révolution sexuelle de 1968 est passé par là les MST se propagent très vite. Dans ces années-là, il ne se passe pas une seule garde sans qu’arrive une jeune fille souffrant de salpingite. Il va en résulter de nombreuses stérilités tubaires. Je me lance, avec d’autres, dans la microchirurgie pour essayer de réparer les trompes. In fine, nous nous rendons compte que cela ne marche pas. Nous sommes en 1975 et je tombe par hasard sur un exemplaire de la revue « The Lancet » dans lequel Bob Edwards [ndlr : physiologiste de Cambridge dont les travaux sur la fécondation et le transfert d’embryons vont permettre, en 1978, la naissance du premier bébé éprouvette, Louise] raconte la première grossesse extra-utérine après FIV. Ca m’a fait « tilt ». Je me suis dit : c’est ça qu’il faut faire pour court-circuiter les trompes que l’on n’arrive pas à réparer. J’ai pu rencontrer Bob Edward, qui m’a encouragé dans cette voie. J’ai eu une chance fabuleuse : je suis resté 36 ans à Clamart, j’y ai fait toutes mes classes. Cela a été un enchantement de travailler en pluridisciplinarité, dans cette alliance de la recherche et de la clinique.

Pouvez-vous revenir sur les raisons qui vous ont conduit à la publication de cette tribune dans « Le Monde »* en faveur de l’ouverture de l’AMP aux couples homosexuels et aux femmes célibataires ?
Ce mouvement est parti spontanément car il y a un sentiment très fort actuellement de faire de la mauvaise médecine. Je prends un exemple : ne pas faire d’analyse chromosomique des embryons et jouer à les réimplanter, c’est pour moi de la mauvaise médecine. J’avais ainsi une patiente qui, après cinq échecs de FIV, a fait ces examens en Angleterre et chez qui 10 embryons sur 11 étaient anormaux ! Sans cet examen, nous aurions transféré pendant 18 mois des embryons qui n’avaient aucune chance de déboucher sur une grossesse.
On estime actuellement à plus de 8 000 le nombre de femmes françaises qui vont à l’étranger chaque année car le système français ne suscite pas assez de dons d’ovocytes. Nous, médecins, devenons des agents de la circulation. Nos patientes nous demandent si elles peuvent se rendre dans tel ou tel pays pour un don d’ovocyte. Nous les mettons en garde contre les abus et les dérives de ce système, devenu un business dans certains pays. Cela fait mal au cœur : nous pourrions le faire en France. Et le faire bien. C’est cela que nous demandons.

Pour revenir à notre système de santé, de quel œil voyez-vous évoluer la profession de gynécologue-obstétricien ? Les contraintes actuelles sont-elles compatibles avec les envies des jeunes générations de médecins ?
Je pense qu’il ne faut pas se faire engloutir par les problèmes administrativo-judiciaires éventuels. Il faut profiter de la vie ! C’est un métier formidable que de pouvoir assister la conception, la grossesse et l’accouchement proprement dit. Si l’on apprécie l’aspect technique mais aussi relationnel, il ne faut pas hésiter à choisir cette spécialité. Les relations sont très fortes, le vécu quotidien est très intense et l’on devient vite accroc ! Ce qui est sûr et certain, c’est qu’il faut travailler en groupe car ce métier ne peut plus être à la charge d’une seule personne. Il faut une répartition intelligente du travail et des émoluments.

Dernière question : d’après ce que j’ai lu, vous êtes un « faux » retraité. Quelles sont vos activités actuelles ?
Là justement, je vais à Foch, pour y faire une consultation. J’y pratique toujours une activité médicale deux jours et demi par semaine (consultations, accouchements et un peu de chirurgie), mais bien sûr sans les responsabilités du chef de service, qui est le Pr Jean-Marc Ayoubi. A Foch, nous attendons surtout l’ouverture du nouveau centre de fécondation in vitro, pour septembre prochain. Cette structure devrait être, je l’espère, la quintessence de ce que j’ai vu en France et de par le monde.
Par ailleurs, j’anime une émission médicale sur France Culture, « Révolutions médicales », et cela me passionne. Je découvre que, dans toutes les spécialités, il y a des avancées fabuleuses. Je reçois des personnes de très haute qualité et cela redonne espoir et confiance en la médecine française.

*Le 17 mars 2016, le journal « Le Monde » a publié une tribune signée par 130 médecins et biologistes de la reproduction, reconnaissant avoir « aidé et accompagné des couples et des femmes célibataires dans leur projet d’enfant dont la réalisation n’était pas possible »

Propos recueillis par Sophie Cousin pour remede.org

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