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Qui sont les médecins intérimaires hospitaliers ?

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Depuis l’application en janvier dernier d’un décret plafonnant la rémunération des médecins remplaçants des hôpitaux, la tension est élevée entre les autorités de tutelle et les syndicats de médecins. Mais qui sont au juste ces médecins intérimaires ? Quels sont leurs contrats et leurs rémunérations ? Profitent-ils du système ou sont-ils une roue de secours indispensable dans les hôpitaux ? Comment sortir de cette crise ? Remède a cherché à en savoir plus.

Les médecins intérimaires des hôpitaux sont-ils trop payés ? Oui, semblait répondre unilatéralement un décret plafonnant à la baisse les rémunérations de ces praticiens, paru en novembre 2017. Quelques mois plus tard, en mars 2018, le Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux était créé, pour défendre les intérêts et le statut des médecins remplaçants. Et en mai, le SNMRH ripostait en publiant la liste des 45 hôpitaux appliquant le décret et en invitant les médecins à ne pas y effectuer de remplacements. La ministre de la Santé est immédiatement montée au créneau, reprochant aux remplaçants d’organiser ainsi un boycott de ces établissements, au risque de mettre en péril la continuité des soins. Même son de cloche du côté du Conseil national de l’ordre des médecins, qui, dans un communiqué de juin dernier, indiquait que le recours aux médecins intérimaires « ne saurait justifier que des médecins qui depuis des années prêtent leur concours aux établissements hospitaliers, engagent des actions susceptibles par exemple d’annuler des journées opératoires programmées parfois de longue date ». Le 10 novembre, la tension est encore montée d’un cran. Trois membres du bureau du SNMRH ont fait l’objet d’une plainte de la ministre de la Santé. Cette action juridique est aujourd’hui dénoncée par la quasi-totalité des syndicats médicaux, juniors et seniors. « Nous sommes opposés à cette stigmatisation de praticiens qui s’adaptent à une défaillance globale du système hospitalier, sans volonté de nuire à l’offre de soins sur le territoire », pointe par exemple le Dr Emanuel Loeb, président de Jeunes Médecins (anciennement ISNCCA). Pour l’heure, il semblerait que les hôpitaux appliquant effectivement le décret soient encore minoritaires.

Que dit le décret du 24 novembre 2017 ?
Qu’à compter du 1er janvier 2018, la rémunération des médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens effectuant des missions d’intérim dans les hôpitaux publics est plafonnée. Le salaire brut maximal ne pourra plus dépasser 1404,05 euros pour une journée de 24 heures en 2018, 1287,05 euros en 2019 et 1170,04 euros en 2020.
Afin de limiter certains excès, le cumul d’activité est interdit par ce décret. Cette disposition cible tout particulièrement les titulaires hospitaliers qui ont pris l’habitude, durant leur temps de repos, d’effectuer des gardes en intérim dans un autre hôpital pour arrondir leurs fins de mois, d’où l’appellation de « médecins mercenaires ». Le décret oblige par ailleurs les agences de travail temporaires à indiquer aux hôpitaux non seulement les qualifications, l’autorisation d’exercice et l’aptitude des praticiens qu’elles mettent à leur disposition, mais aussi le non-cumul d’activité de ces derniers. Plafonner la rémunération est une chose, « mais, à côté de ce décret, était en discussion un autre décret qui devait réglementer le recours aux remplaçants dans les établissements de santé… il n’est pas paru », regrette le Dr Emmanuel Loeb.

Combien d’intérimaires et dans quelles spécialités ?
Dans le rapport d’Olivier Véran, député de l’Isère, paru en décembre 2013, « Hôpital cherche médecins, coûte que coûte », il est précisé qu’aucune structure, à ce jour, n’a répertorié le nombre de médecins intérimaires, néanmoins estimé à 6000 de façon régulière ou exclusive (sans compter les médecins qui font des missions ponctuelles). Le SNMRH reconnaît aussi qu’il est « difficile d’évaluer le nombre des médecins remplaçants dans les hôpitaux français » et revendique de son côté « entre 1300 et 1500 adhérents et sympathisants ». Selon ce même rapport, les trois spécialités médicales qui cumulent 70% de ces contrats intérimaires sont l’anesthésie, la radiologie et la médecine d’urgence, trois spécialités caractérisées par une forte pénibilité et un fort différentiel de rémunération public/privé. Suivent la gynécologie-obstétrique, la pédiatrie et la cardiologie. Bref, « les spécialités qui ont des contraintes interventionnelles sur H24 », souligne le Dr Christine Dautheribes, médecin anesthésiste et porte-parole du SNMRH.

Quel est leur profil ?
Ils seraient à 20 % des jeunes qui ne veulent pas s’installer tout de suite, à 25 % des médecins mères de famille, à 25 % des seniors retraités et à 30 % des professionnels de l’intérim, qui n’exercent que des missions de courte durée. « En majorité, ces médecins ont une cinquantaine d’années et ont préféré l’intérim au burn-out, voire au suicide. Chez les jeunes aussi, on sent cette tendance à vouloir vivre un peu, après des études harassantes. Or, il est évident que l’on reste davantage maître de son planning en intérim », souligne le Dr Dautheribes. « La majorité des internes qui sortent de leur DES font de l’intérim. L’installation, c’est la dernière étape avant la retraite ! Moi, je fais un DES de médecine du travail et il y a quelques temps, on m’a proposé une mission de 3 mois avec une rémunération de 500 euros net/jour (7 heures/jour, 35 heures/semaine). Je n’ai pas accepté mais c’était évidemment très alléchant… Quand on a derrière soi dix ans d’études, à trimer, enchaîner des gardes, avec un salaire pas terrible, il est clair qu’on aspire à souffler un peu et à avoir plus de loisirs », souligne Antoine Reydellet, président de l’ISNI.

Quels contrats, dans quels établissements ?
Les contrats sont majoritairement signés directement entre les directions hospitalières et les médecins, mais transitent parfois via des agences d’intérim.
Les hôpitaux les plus concernés par l’intérim sont les hôpitaux isolés et de petite taille mais certains gros établissements y ont aussi recours. Les contrats signés sont le plus souvent d’une durée d’un mois selon le rapport, ce que confirme le Dr Christine Dautheribes : « La plupart des médecins intérimaires ont des contrats à la semaine ou au mois - et non pas à la journée - et sont fidélisés par deux ou trois hôpitaux, ce qui fait qu’ils connaissent bien les équipes. C’est mon cas : je travaille entre deux hôpitaux seulement. Au cours de ma carrière, j’ai alterné entre les postes de PH et les périodes d’intérim, la solution que j’ai adoptée pour ne pas être en burn-out  », ajoute l’anesthésiste. Contrairement donc à l’image reçue du médecin « mercenaire » qui changerait d’hôpital tous les jours et n’aurait aucune connaissance des dossiers patients et des procédures suivies par les équipes hospitalières.

Quelles rémunérations ?
« Les médecins intérimaires perçoivent en moyenne 650 euros net par jour travaillé, tandis qu’un PH gagne environ 260 euros net. Le prix d’une garde passe de 600 à 1300 euros. Ce mode d’exercice, qui a ses contraintes, peut s’avérer très lucratif : 15 000 euros par mois et plus, pour un temps plein », indiquait le rapport Véran. Agnès Buzyn évoquait de son côté des rémunérations allant « de 1800 à plus de 2000 euros pour 24h de garde ». Mais une fois ajoutés les indemnités spécifiques, frais d’hébergement, de transport et de bouche, ainsi que les frais d’agence, le coût global pour l’hôpital est triplé. Il avoisinerait les 500 millions d’euros par an. La porte-parole du SNMRH justifie ce niveau de rémunération : « Ce ne sont pas les intérimaires qui sont payés trop chers. Ce sont les médecins titulaires qui ne sont pas suffisamment payés ! Dans aucune profession on ne décide unilatéralement d’une baisse de 30% de la rémunération, sans aucune concertation. J’ajoute que nous sommes mieux payés que les titulaires parce que nous sommes précaires. »

Comment sortir de l’impasse ?
« La seule vraie question est : pourquoi l’hôpital n’attire plus ? Pour certains spécialistes, signer un contrat de PH à l’hôpital comporte trop de contraintes », estime Antoine Reydellet. « On oublie souvent que la France n’est pas le seul pays qui manque de médecins… Si on baisse trop leurs rémunérations ici, ils partiront travailler ailleurs », ajoute le président de l’ISNI. Selon le Dr Christine Dautheribes, la vraie question est celle du statut actuel de PH, « qui devrait être refondé complètement car il n’attire pas les jeunes en l’état. Travailler plus de 48h/semaine et enchaîner les gardes des nuits, ce n’est pas un idéal, sans compter la pénibilité élevée qui n’est pas prise en compte ». Le rapport Véran pointait lui aussi la nécessité de revaloriser le début de carrière des praticiens hospitaliers à l’équivalent actuel de l’échelon 4. « Il n’est pas compréhensible qu’un jeune praticien, au moment de s’engager dans un exercice hospitalier dans la durée, voie ses revenus stagner, voire diminuer, lorsqu’il passe du statut de chef de clinique à celui de praticien hospitalier ». Enfin, comme l’indique le Dr Emanuel Loeb, « dans le cadre de « Ma santé 2022 », les statuts des titulaires et des contractuels devraient être révisés, ce qui est souhaitable. Par ailleurs, la question du management hospitalier est centrale, car l’intérim est aussi une façon de se soustraire à certaines gouvernances hospitalières maltraitantes », ajoute le jeune médecin.

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  • Sophie Cousin
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