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Pr Jean-Pierre Olié : « Savoir gérer le stress devrait faire partie de la formation de soignant ! »

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Grand spécialiste de la dépression, de la schizophrénie et de la souffrance au travail, le Pr Jean-Pierre Olié, ancien chef de service de psychiatrie de l’hôpital Sainte-Anne et professeur de psychiatrie à la faculté de médecine Paris-Descartes, a remis un rapport sur le burn-out en 2016. Etiologie et reconnaissance du burn-out, prévention de l’épuisement pendant les études, vision encore trop « surnaturelle » de la psychiatrie parmi des spécialités médicales… il répond aux questions de Remede.

Pourquoi avez-vous choisi des études de médecine et notamment de vous spécialiser en psychiatrie ?

Dans mon environnement d’enfant, deux professions étaient à la fois visibles et respectées : enseignant et médecin. Le médecin de famille était un personnage de proximité respecté, auquel il était tentant de vouloir s’identifier. J’étais un adolescent peu studieux, au grand dam de mes parents commerçants. Devais-je aller vers l’inconnu ? Outre le médecin de famille, deux proches pesèrent sur mon choix : un chirurgien et un psychiatre issus de mon village aveyronnais. Va pour médecine ! Je me surpris à devenir travailleur dans le sillage de mes camarades de fac. D’élève moyen, je devins bûcheur reçu douzième à l’équivalent du P1 alors que je venais d’un bac littéraire. Devenu externe, j’ai choisi des stages en médecine interne, chirurgie, puis plusieurs stages en psychiatrie. Mon internat en psychiatrie me conduisit à Sainte-Anne chez Deniker puis chez Daumézon, deux services prestigieux à l’époque. La psychiatrie était décidément un territoire plus fascinant que tel ou tel domaine de la médecine somatique. Finalement, j’ai fait médecine pour faire plaisir à ma mère et psychiatrie parce qu’on ne peut pas toujours faire plaisir à sa mère !

Vous avez remis un rapport sur le burn-out en février 2016. Combien de Français souffrent de cette pathologie ? Ce chiffre est-il en augmentation ?

Sans définition précise d’un trouble, il est périlleux d’avancer un chiffre de fréquence. Néanmoins, on peut raisonnablement estimer que l’épuisement professionnel concerne 30 000 à 50 000 personnes en France. Les symptômes du burn-out sont vagues (fatigue, altération de l’empathie, perte de motivation...) avant que ne surgissent des complications : addictions, état dépressif, ou maladie métabolique. Cette pathologie n’est pas nouvelle. Elle a commencé à être décrite dans les années 1960 sous l’expression « névrose des standardistes ». Aujourd’hui, ce sont les rythmes et la structuration même du travail qui génèrent cet épuisement psychique, alors que l’épuisement physique a été très diminué par l’amélioration des conditions de travail. Par ailleurs, nous signalons plus vite aujourd’hui la fatigue liée au travail, d’où un repérage plus évident.

-Quelles en sont les causes identifiées et les principaux symptômes ? Des outils d’aide au dépistage peuvent-ils être conseillés ?

Les facteurs de risque sont croisés. Au plan individuel, on retrouve souvent un terrain anxieux, une propension au surinvestissement professionnel, un conflit de valeurs entre soi et les missions professionnelles, une non-reconnaissance de son investissement, voire une situation conflictuelle.... Au niveau managérial, on trouve une absence de marge de liberté d’organisation laissée à la personne dans son travail, une pression inutile et une non-reconnaissance de son travail.
Le dépistage repose simplement sur la capacité du médecin à prêter attention à ce dont le malade veut parler, sans redouter des aspects tels que l’estime de soi, le bien-être émotionnel, la qualité du sommeil et l’hygiène de vie. Le repérage n’est pas facile ; le principal est d’avoir une oreille attentive. Arrêter le patient n’est pas toujours la bonne réponse car le repos ne suffit pas pour sortir du burn-out et parce que le retour à la vie professionnelle peut être difficile.

Où en est la reconnaissance du burn-out en France ? Etes-vous favorable à ce qu’il figure dans le tableau des maladies professionnelles ?

Aujourd’hui, ni l’OMS ni la Société française de psychiatrie ne reconnaissent le terme « burn-out » et n’envisagent de le faire demain. Je ne crois pas que le burn-out puisse actuellement être rangé parmi les maladies professionnelles, ce qui ne signifie pas que cette réalité de la souffrance liée au travail n’existe pas ! Il faut d’abord mieux en définir les contours. Il serait en revanche pertinent de reconnaître que, dans certaines conditions, des maladies mentales (troubles anxieux ou dépressifs voire addictions ou psychoses) puissent être des maladies professionnelles en tant que complications de l’épuisement professionnel.


Pour quelles raisons les professionnels de santé sont-ils particulièrement à risque de burn-out ? Comment l’éviter, notamment pendant les études ?

L’exercice de la médecine est un métier fantastique. A mes yeux, tout particulièrement celui de psychiatre ou s’intriquent avec acuité les aspects les plus caractéristiques de notre humanité (capacité à aimer, décider, choisir et penser) en même temps que des aspects techniques. Mais le métier de médecin est aussi porteur de stress généré par les situations rencontrées et les responsabilités à assumer. Savoir gérer ce stress devrait faire partie de la formation ! Pour s’en prémunir, l’exercice en groupe est un élément important que les jeunes générations ont raison de plébisciter. Le compagnonnage s’est distendu et c’est bien dommage car cette entraide est un excellent antidote au burn-out. Je conseille aux plus jeunes de réviser en groupe, de ne pas rester seuls.

La place de la psychiatrie au sein des spécialités médicales est-elle satisfaisante aujourd’hui ? Quel a été l’impact de la réforme du troisième cycle ?

La stigmatisation de la maladie psychique persiste dans notre société. A l’hôpital, l’attention à la psychiatrie passe bien après celle accordée aux spécialités plus techniques. Nos confrères ont volontiers une position ambiguë, négligeant cette partie de la médecine tout en prêtant aux psychiatres des capacités, voire des dons, qui confinent au surnaturel ! Tout cela est en train d’évoluer avec les progrès de la connaissance sur les dérèglements neuronaux sous-tendant troubles anxieux, dépressifs et schizophrénie. L’épilepsie est sortie du champ surnaturel quand on a compris qu’il s’agissait d’un dérèglement de l’électrogénèse cérébrale. La réforme du troisième cycle a ignoré les besoins de la formation à la psychiatrie : passage de la formation de quatre à cinq ans comme ailleurs en Europe, plus grande individualisation de la pédopsychiatrie avec pont avec la neuropédiatrie, liens entre neurosciences et psychiatrie. Mais j’espère que des ajustements seront possibles dans les prochaines années.

Comment la psychiatrie est-elle appréciée au moment du choix post-ECN ?

On entend souvent dire que la psychiatrie n’est pas le choix des premiers au classement. Vrai et faux ! Parmi les premiers, quelques-uns la choisissent, en particulier dans des villes où la psychiatrie universitaire occupe toute sa place (Paris, Lyon, Lille, Caen...). Elle est aussi choisie en fin de classement, faute de possibilité autre que médecine générale ou santé publique. On ne peut être un talentueux chirurgien si l’on ne possède pas quelques habilités ou vocations manuelles. De même, on ne peut être un talentueux psychiatre si l’on ne possède pas quelques habiletés dans les domaines de la vie psychique.

Quelles sont les voies de recherche prometteuses dans votre domaine ?

Ceux qui ont la chance d’avoir une vocation pour la psychiatrie et qui s’engageront dans cette voie vont vivre de formidables avancées grâce aux possibilités ouvertes par les technologies, en particulier la neuro-imagerie. Ceci remodèlera notre perception de l’humain et les psychiatres seront évidemment au premier plan. Il deviendra non contestable que la dépression est une douleur qu’il faut traiter comme telle au plus près des circuits neuronaux qui la conditionnent. Il sera montré qu’avant les symptômes de désorganisation psychotique des désordres cognitifs peuvent être identifiés et corrigés. Tout ceci fera évoluer les outils cliniques et thérapeutiques du psychiatre de demain.

Bio express :

-  1977-1984 : attaché-chef de clinique dans le service du Pr Deniker, Hôpital Sainte-Anne, Paris ;
-  1986 : PH à l’hôpital Sainte-Anne ;
-  1988 : médecin expert près la cour d’appel de Paris agréé par la Cour de cassation ;
-  2003-2011 : chef de service hospitalo-universitaire à Sainte-Anne, puis responsable de pôle ; médecin correspondant depuis 2011 ;
-  2010 : membre titulaire de l’Académie de médecine ;
-  président de la Fondation Pierre-Deniker, reconnue d’utilité publique jusqu’en 2017, puis vice-président.

Pour en savoir plus : Le rapport de l’Académie de Médecine sur le burn-out
http://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2016/02/26-fev-2016-RAPPORT-ACADEMIE-Burn-out-V3.pdf

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  • Sophie Cousin
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