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Philippe Douste-Blazy : « Etre médecin, c’est refuser les injustices »

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Cardiologue de formation, Philippe Douste-Blazy troque rapidement sa blouse blanche contre l’écharpe de maire de Lourdes. Mais un fil rouge demeure : son engagement pour la prévention et la certitude qu’être aux manettes est la meilleure façon de faire avancer la santé publique. A la tête d’UNITAID depuis 2007, il se bat pour un accès pour tous aux médicaments et vaccins essentiels. Un combat contre les inégalités en santé qu’il entend bien poursuivre s’il est élu à la présidence de l’OMS.

Crédit photo : Bertrand Langlois (AFP)

Bio express

-  1982 : Il soutient sa thèse en médecine « Apolipoprotéine et athérosclérose »
-  1988 : Agrégation de médecine, section santé publique, épidémiologie et prévention
-  1993-1995 (puis 2004-2005) : Ministre de la Santé
-  1995-1997 : Ministre de la Culture et de la Communication
-  2001-2004 : Maire de Toulouse
-  2005-2007 : Ministre des Affaires étrangères
-  Depuis 2007 : Président du conseil d’administration d’UNITAID
-  Depuis 2008 : secrétaire-général adjoint des Nations-Unies

A quand remonte votre choix de la médecine ? Pour quelles raisons ?
Je ne fais pas partie de ceux qui ont eu envie de faire médecine dès l’âge de 10 ans. Ma vocation est plus tardive. J’avais plusieurs solutions devant moi, mais ce qui m’a guidé dans mon choix, c’est mon souhait de lutter contre les injustices. Or, il n’y a rien de plus injuste que de voir une personne malade, surtout jeune. C’est par altruisme que j’ai choisi la médecine. Mon père était le seul médecin de la famille. Il n’était pas clinicien mais biochimiste et travaillait à l’Inserm. Sinon, il y avait principalement des entrepreneurs dans ma famille. L’un des mes grands-pères était responsable d’une entreprise de travaux publics et l’autre pharmacien.

Quels sont les meilleurs souvenirs de vos études de médecine ?
Je me souviens très précisément de ma première ponction lombaire, où j’avais certainement plus peur que mon patient. Je me souviens aussi avoir tenté de surmonter mes craintes des premières gardes, pour être sûr d’être à la hauteur. Ce sont des souvenirs très forts, notamment de malades que j’ai pu soigner et qui allaient rapidement mieux ; mais d’autres aussi que j’ai vu mourir, impuissant. C’est particulièrement impressionnant en cardiologie, où les gens sont entre la vie et la mort pendant quelques heures.

Pourquoi choisissez-vous la cardiologie ?
J’ai toujours été passionné par cette discipline, parce que les progrès y ont été particulièrement spectaculaires. Lorsque je suis étudiant, ce sont les débuts de l’angioplastie, les premiers stents, les progrès en rythmologie, etc. Avec l’arrivée des nouvelles technologies dans les services de soins intensifs et les avancées incroyables de la cardiologie interventionnelle, être cardiologue à l’époque, c’est faire un saut dans une nouvelle génération. Ce sont aussi les débuts de la médecine préventive. Je me spécialise petit à petit dans les maladies métaboliques, notamment l’hypercholestérolémie familiale et je crée la première consultation de facteurs de risques métaboliques en France. Par la suite, quand je serai ministre, je créerai une telle consultation par CHU.

Très vite, vous bifurquez vers la santé publique, pour quelle raison ?
Ce choix est dû à un stage de deux ans réalisé à l’Institut de recherche clinique de Montréal, où j’ai eu l’extrême chance de faire de la recherche fondamentale sur l’apolipoprotéine E. En parallèle, je travaillais à l’Hôtel-Dieu de Montréal sur la prévention des maladies cardio-vasculaires et le traitement des hypercholestérolémies. C’est là où j’ai appris les bases de mon futur métier : cardiologue spécialisée dans les facteurs de risque cardio-vasculaires

Quand est née chez vous la nécessité de vous investir en politique ?
Progressivement, je devenais l’un des principaux défenseurs de la médecine cardiaque préventive en France. C’est comme cela que j’ai été nommé dans plusieurs commissions consacrées à ce thème au Ministère de la Santé. Au fur et à mesure, je me suis rendu compte que la meilleure des solutions pour défendre cet aspect de la santé publique, c’était carrément de faire de la politique ! Il fallait convaincre les médecins, mais aussi les directeurs d’hôpitaux et les responsables ministériels. De manière un peu folle, je me suis dit : « le mieux c’est peut-être d’occuper le rang le plus élevé au ministère de la Santé ».

Quelle a été la part de l’influence familiale dans votre entrée en politique ?
Je suis né à Lourdes. Mon grand-père était à la tête de la plus grande entreprise de travaux publics ; il était en même temps président du club de rugby, qui était à l’époque la meilleure équipe française. C’est pour ces raisons qu’il était devenu maire. Néanmoins, je ne portais pas le nom de mon grand-père et personne ne me connaissait. Contre toute attente, après un porte-à-porte acharné, j’ai gagné au 1er tour l’élection municipale de Lourdes, le 12 mars 1989. Tout le monde était très étonné… moi le premier ! Puis, Simone Veil, à qui je dois toute ma carrière nationale, m’a proposé de rentrer sur sa liste aux élections européennes, ce que j’ai fait. Ensuite, je suis devenu député européen et tout s’est enchaîné très vite.

Quels ont été les temps forts de votre passage au ministère de la Santé en 2004 ?
Le climat était marqué par le risque majeur de voir l’assurance maladie disparaître, faute de réforme. Tout le monde était échaudé par celle, courageuse, de 1995-96, sous le gouvernement Juppé, qui avait entraîné un certain nombre de troubles sociaux. Il fallait faire une réforme trois fois plus importante sur le plan financier, mais le climat social n’était pas très bon, comme trop souvent en France… J’ai décidé de m’y impliquer de A à Z, en m’inspirant notamment de ce que la Mutualité Française avait fait, sous la présidence de Jean-Pierre Davant. C’est ainsi que j’ai pu faire passer une réforme qui a généré énormément d’économies. J’ai transformé la gouvernance de l’assurance maladie, créé le médecin traitant et le parcours de soins, et constitué la Haute Autorité de Santé. Cette loi a été adoptée le 13 août 2004. Je salue d’une part, le sens des responsabilités des grandes confédérations syndicales qui ont compris que, sans réforme, c’était l’explosion de l’assurance maladie et d’autre part, des syndicats médicaux qui ont accepté d’accompagner cette réforme.

Quel regard portez-vous sur les évolutions de l’assurance maladie depuis ?
Les réformes dans un pays comme le nôtre ne peuvent être acceptées qu’à deux conditions. La première, c’est de respecter et comprendre les personnels, et tout particulièrement les professions de santé. Ce ne sont pas des métiers comme les autres. Il faut prendre en compte la rémunération certes, mais aussi le fait que ces professionnels font face à la souffrance humaine et à la solitude. La deuxième condition est de bien expliquer que, si l’on ne réforme pas, c’est tout le système de solidarité qui s’effondre. Je n’ai jamais compris les jusqu’au-boutistes, ceux qui n’admettent pas, par exemple, que la médecine purement libérale n’existe pas en France. Tous les professionnels de santé sont payés grâce à l’assurance maladie. Trop l’oublient.

Pouvez-vous rappeler quelle est l’utilité publique de l’association UNITAID et quelles avancées ont été obtenues ?
Aujourd’hui, être médecin, c’est refuser la plus grande injustice du monde : que 2 milliards d’être humains ne bénéficient ni de médicaments ni de vaccins essentiels. C’est la honte de l’humanité. Personne ne peut accepter cela. Lors de mon passage au ministère des Affaires étrangères, j’ai créé UNITAID, une organisation aujourd’hui reconnue et respectée par la communauté internationale. Nous avons réussi à faire baisser de 80% le prix des médicaments contre le Sida pour les enfants, et de 60% le prix des médicaments contre la tuberculose et le paludisme. Nous sommes le principal acteur de santé mondiale à agir sur les marchés. Cela permet aux plus pauvres de bénéficier des mêmes médicaments que les plus riches.

Que représente aujourd’hui votre candidature à l’OMS ?
Si je suis élu, le lien entre santé et pauvreté sera l’axe majeur de mon travail. Il faut créer des systèmes de santé de base dans tous les pays. Ne pas le faire serait non seulement une erreur sur le plan éthique, mais aussi une faute politique majeure pour le monde entier. Regardez ce qu’il s’est passé avec Ebola : qu’il s’agisse de la Guinée-Conakry, du Libéria ou de la Sierra Leone, il n’y avait pas de système de santé de base, d’où l’explosion de l’épidémie. A l’inverse, là où les systèmes de santé primaire existaient, comme au Sénégal ou au Nigeria, le virus a été contenu. N’oublions pas que New-York, Londres ou Paris auraient pu être touchés… Il faut se préparer à ce type de crise sanitaire aiguë. La sécurité sanitaire doit faire partie intégrante de la sécurité internationale. Enfin, nous devons renforcer les liens structurels entre ONG et OMS. Le comportement héroïque de Médecins sans frontières durant la crise Ebola en atteste.

Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui se lancent aujourd’hui dans le cursus médical, compte-tenu du contexte actuel ?
J’ai envie de leur dire qu’ils n’auront jamais de plus beau métier au monde que d’aider et d’écouter un malade, soit en le guérissant, soit en l’accompagnant dans sa maladie. C’est un rapport de confiance unique. Il faut évidemment œuvrer pour que les conditions de travail des professionnels de santé leur permettent de vivre dignement. Car sinon, la France n’aura plus de professionnels de bon niveau.

Propos recueillis par Sophie Cousin pour remede.org

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