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Interview François FILLON : Refonder notre système de santé sur la liberté et la responsabilité

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Il est urgent de restaurer la confiance entre tous les acteurs de santé martèle François Fillon dans cet entretien accordé aux rédactions d’Izeos, le leader du secteur soignant.

A trois semaines du premier tour des élections présidentielles, il répond aux préoccupations majeures des professionnels de santé que soutiennent Remede.org, Infirmiers.comCadredesante.com et Reseau-chu.com.

- De la Paces à l’internat jusqu’à l’installation des jeunes médecins, quelles sont vos préconisations pour améliorer les conditions de vie, d’études et de travail des futurs médecins ?

Le ministère de l’enseignement supérieur, via le CNOUS et les régions, renforcera les programmes de construction de logements étudiants, en particulier sur les campus universitaires. Nous reprendrons et développerons le Plan Campus mis en place par mon gouvernement en 2007, qui s’est appuyé sur une dotation de 5 mds€. La rémunération des gardes et des stages des étudiants en médecine sera reconsidérée en prenant en compte leur participation aux soins. Nous développerons les bourses au mérite et inciterons les banques à proposer des prêts étudiants à des taux favorables. Nous encouragerons les mutuelles étudiantes à développer les actions de promotion de la santé, de prévention des addictions et de détection du mal-être psychique. Le compagnonnage des étudiants en médecine ou des internes par leurs aînés reste irremplaçable. Toutefois, je souhaite que chaque étudiant bénéficie d’un « tuteur » universitaire tout au long de ses études et dès l’arrivée en P2. Ce tuteur, tiré au sort, l’accompagnera au cours de son cursus et le fera bénéficier de ses contacts, de conseils et suggestions.

- De nombreux étudiants et chercheurs s’expatrient. Comment redorer le blason de l’excellence du système de santé français ?

Tout mon projet a pour objectif de renouer avec l’excellence de notre système de santé. Une excellence au service des patients comme des médecins. Pour éviter que nos étudiants et nos chercheurs aillent chercher ailleurs des conditions meilleures, nous proposerons aux jeunes docteurs des perspectives de carrière plus attractives, en revalorisant les bourses doctorales et postdoctorales et en redonnant visibilité et espoir à notre recherche, à l’enseignement et aux métiers de l’innovation. Il faudra également adapter la loi sur la résorption de la précarité dans la fonction publique (loi Sauvadet) aux contraintes et spécificités de la recherche. Son application sans discernement fragilise aujourd’hui les jeunes chercheurs et ingénieurs non statutaires les conduisant à s’expatrier ou à abandonner leur carrière. Les recherches académiques et industrielles françaises ont un potentiel fort de création d’emploi, et la revalorisation de ces emplois est aussi un objectif. De nouveaux modèles d’organisation du travail et de partenariats public-privé seront testés comme les coopératives d’activités et d’entrepreneurs (CAE), qui ont pour objet de simplifier et fluidifier l’emploi scientifique en France.

Le second facteur qui permettra de retenir nos talents est la confiance, à l’image de celle donnée aux structures comme les IHU et LABEX qui ont la capacité de créer des chaires et des bourses d’enseignement. Dans le même esprit, nous ferons aboutir la loi relative aux libertés et responsabilités des universités à une véritable autonomie des universités.

- Votre programme comprend la promotion des cadres de santé pour les fonctions de direction. Quelles dispositions seront-elles prises pour les faire accéder en plus grand nombre à l’EHESP ? La qualité du terreau universitaire et EPST français est bien là, mais pour combien de temps encore ?

L’expérience de terrain et le dévouement des cadres de santé sont indispensables à la qualité des soins, et plus globalement indispensables au bon fonctionnement de l’hôpital. Forts de leurs parcours très riches, de leurs capacités démontrées au management et à la gestion des risques, ils doivent pouvoir évoluer plus facile vers des postes de direction. Ce sujet sera à l’ordre du jour des Etats-Généraux de la Santé que j’organiserai fin 2017 ainsi que, de façon plus large, le sujet de la revalorisation des métiers de l’encadrement.

Les professions de santé peinent à comprendre pourquoi la pénibilité de leur métier n’est pas reconnue - travail de nuit, horaires en 12h, rappels sur les jours de congés, obligation de la continuitédes soins... Quel est votre point de vue sur cette question ?

Les professionnels de santé continuent d’assurer avec beaucoup de dévouement leurs missions mais j’ai pu apprécier lors de nombreux déplacements sur le terrain une vraie souffrance au travail. La crise de l’hôpital public est désormais chronique : les personnels n’en peuvent plus, les malades le ressentent. Nier cette crise c’est prendre un risque de s’exposer à de graves dysfonctionnements aux dépens de la santé des Français.

Il est donc urgent de restaurer la confiance entre tous les acteurs de santé et de refonder notre système de santé sur la liberté et la responsabilité. C’est particulièrement vrai à l’hôpital. Il faut remettre les personnels hospitaliers au coeur d’une gouvernance reposant sur trois piliers : médical, soignant et managérial. Il faut redonner de l’autonomie aux hôpitaux publics en leur permettant de disposer de facilités de gestion. Pour donner un nouveau souffle aux hôpitaux publics, j’assouplirai les règles auxquelles ils sont soumis en matière de gestion : statut des personnels, rémunération, temps de travail ou marchés publics… Cette refondation se fera en concertation avec tous les professionnels de santé publics et libéraux.

Les 35 heures ont transformé la mission de service public si chère aux personnels hospitaliers en gestion comptable du temps de travail et ont augmenté la pénibilité des métiers de soignants. La continuité des soins impose effectivement des contraintes que d’autres métiers ne connaissent pas. Les obligations liées à cette continuité devront donc être reconnues en lien avec les personnels concernés.

- Vous souhaitez "rétablir les 39 heures à l’hôpital et mieux rémunérer le personnel soignant", qu’est ce que cela suppose en pratique ?

Le passage aux 35 heures a profondément désorganisé l’hôpital. Il en est de même de l’alourdissement des tâches administratives qui polluent inutilement le temps de travail des soignants. Il est temps de refonder l’organisation du temps de travail à l’hôpital et de la centrer sur les soins consacrés aux malades.

Les professionnels hospitaliers sont aujourd’hui dans une situation paradoxale où la mise en place des 35 heures a non seulement généré un stress dans le travail quotidien mais également une forte hausse d’heures non payées. Pour favoriser le pouvoir d’achat des professionnels hospitaliers, je veillerai à ce que soit engagé, dès 2017, un plan de résorption du stock d’heures accumulées par les hospitaliers à cause des 35 heures et non rémunérées. Un soutien national sera mobilisé pour aider les établissements à atteindre cet objectif. Ce sera un des éléments intégrés dans les négociations sur le retour progressif aux 39h. Ces négociations se dérouleront au plus près du terrain où l’on sait trouver des compromis pour améliorer le fonctionnement de l’hôpital, tout en permettant des gains de pouvoir d’achat pour les professionnels.

Ici encore, mon programme a été caricaturé et je voudrais clarifier les choses avec force : il n’y aura pas de réduction des effectifs médicaux et soignants auprès des malades.

Dans votre programme "pour la santé pour tous", vous souhaitez "développer l’hospitalisationb à domicile et les soins en ambulatoire" - Dans cette perspective, quelle place envisagez-vous pour les infirmiers libéraux qui s’inquiètent aujourd’hui de voir leurs prérogatives redistribuées à d’autres ?

Il faut désengorger les hôpitaux de tous les soins qui peuvent être pris en charge à l’extérieur. Sortir de l’hospitalocentrisme est indispensable pour l’accès aux soins, la qualité de la prise en charge des malades, le bon fonctionnement de l’hôpital et la maîtrise des coûts de santé.

La réforme globale que je propose favorisera le virage ambulatoi e en s’appuyant sur un parcours de santé reposant sur une complémentarité ville/hôpital avec un recours plus grand aux innovations numériques. L’ensemble des professionnels libéraux dont, bien évidemment, les infirmiers libéraux seront au coeur de cette médecine de proximité. Ils n’ont absolument aucune raison de craindre une perte d’activité. Au contraire, je crois beaucoup au développement du partage de compétences entre professionnels de santé pour améliorer l’accès aux soins. Les médecins pourront ainsi recentrer leur activité sur les actes à forte valeur médicale pour lesquels ils sont seuls compétents. Pour les autres, je souhaite encourager le partage de compétences à destination d’autres professionnels. Les infirmiers libéraux qui jouent déjà aujourd’hui un rôle essentiel d’interlocuteurs santé de proximité pour tous les Français seront mobilisés dans ce cadre.

- Dans quelle mesure et comment votre politique de santé entend-elle conserver la qualité et l’égalité d’accès au soin à l’hôpital public ?

Je veux redire mon attachement profond à l’hôpital public et mon respect pour les professionnels qui s’y engagent. En matière de politique hospitalière, au-delà d’un discours positif sur l’hôpital, le bilan de François HOLLANDE est désastreux. En augmentant les charges et les contraintes qui pèsent sur l’hôpital tout en diminuant les tarifs, il a creusé les déficits des établissements. La superposition de normes législatives et réglementaires a considérablement rigidifié l’exercice médical à l’hôpital. La situation est devenue si absurde que ces normes sont aujourd’hui souvent illisibles et incompréhensibles pour les professionnels eux-mêmes.

Nous devons, au contraire, aider l’hôpital et ses professionnels en leur donnant plus de souplesse de fonctionnement et de liberté, j’en ai déjà parlé. Je souhaite également accélérer le mouvement de recomposition de l’offre hospitalière à l’échelle des territoires pour assurer une meilleure qualité des soins pour chaque patient et une utilisation efficace d’équipements de plus en plus complexes et coûteux. L’organisation des activités hospitalières doit être revue avec un nombre limité d’hôpitaux dotés de plateaux techniques de haut niveau et des compétences nécessaires associées, et des hôpitaux de proximité aux missions adaptées, en particulier pour répondre au défi du vieillissement et pour préserver l’accès aux soins dans la ruralité. Nous reconvertirons certains hôpitaux en structures de petites urgences, centres de soins de suite et de réadaptation, maisons d’accueil pour personnes âgées dépendantes, accueil de la petite enfance…, en concertation avec les professionnels de santé.

Je veux enfin assurer une transparence totale sur la qualité des établissements de santé. Pour que tous les Français puissent avoir accès à des soins de qualité, ils doivent être informés aussi précisément que possible des performances des établissements, service par service. C’est une mesure qui contribue à l’égalité devant les soins en évitant que seule une petite minorité d’initiés ait accès à des données sur la qualité des soins grâce à son réseau personnel. C’est également un levier puissant pour inciter les établissements à s’améliorer. L’information sur la qualité et la sécurité des soins est une mission de service public que doit assumer l’Etat.

- La création des Groupements hospitaliers de territoire (GHT), instaurés par le gouvernement actuel, se présente comme une solution efficace pour mailler l’offre de soins sur tout le territoire.Entendez-vous poursuivre l’action dans ce sens ? Sinon quels aménagements envisagez-vous à cette organisation ?

Je crois à la nécessité d’une meilleure structuration de l’offre de soins sur notre territoire. La logique de recomposition de l’offre de soins à l’oeuvre dans le cadre des GHT représente une première étape. Mais elle reflète la vision centrée sur l’hôpital public du gouvernement actuel. Je transformerai donc les GHT en groupements de santé de territoire (GST) pour faciliter l’intégration dans ces groupements des cliniques privées et l’ouverture sur la médecine libérale. Réserver les GHT aux hôpitaux publics n’a aucun sens alors qu’une prise en charge coordonnée des patients nécessite un décloisonnement entre hôpitaux publics, cliniques privées et médecins libéraux.

- Marisol Touraine vient d’annoncer le dégel de 100 millions d’euros de crédits en faveur des établissements de santé. Si vous accédez à la présidence de la république, vos actions se poursuivront-elles dans cet accompagnement financier des CHU ? Sinon quelles seront-elles ?

Ce dégel d’un faible montant de crédits ne peut pas faire oublier 5 ans d’appauvrissement des hôpitaux publics ! Je veux redonner une impulsion forte à notre modèle hospitalo-universitaire en soutenant clairement la logique d’innovation et l’effort d’investissement dans l’enseignement et la recherche. Dans cette perspective, je m’engage à consacrer à la santé une part du programme d’investissements d’avenir nettement plus en rapport avec le poids de ce secteur dans notre PIB. C’est essentiel pour la croissance et pour l’innovation !

- Dans un contexte de compétitivité internationale et de révolution technologique, les responsables de CHU s’inquiètent des faibles moyens qui leurs sont alloués pour la recherche et l’innovation. Quelles solutions proposez-vous pour renforcer leur financement ?

En 2018, nous célébrerons le soixantième anniversaire des Ordonnances DEBRE. Le moment est venu les adapter pour moderniser le modèle hospitalo-universitaire français. Tout en préservant ces principes fondamentaux, nous devons retrouver l’esprit réformateur qui avait permis, dès les origines de la Ve République, de placer en tête des priorités la stimulation de l’effort national d’innovation dans les domaines du soin, de l’enseignement et de la recherche.

Aujourd’hui, les priorités vont dans le mauvais sens : la régulation des dépenses porte en priorité sur les secteurs d’avenir que sont l’investissement et l’effort de recherche, ce qui compromet gravement la capacité d’adaptation de notre système de santé aux réalités du XXIe siècle. Nous devrons adapter et conforter le rôle des CHU pour renforcer la dimension d’excellence de la médecine française dans un contexte de compétition mondiale renforcée. La création, lorsque j’étais premier ministre, des Instituts hospitalo-universitaires (IHU) a constitué une première étape pour valoriser les projets d’excellence et faciliter les synergies public-privé. Nous devons aller plus loin. Ce sera un chantier présidentiel majeur du quinquennat à venir. Il faudra notamment associer certains groupements hospitaliers de territoire aux travaux menés par les CHU dans le cadre de réseaux pilotés par ceux-ci. Nous pourrons ainsi former des clusters d’innovation en santé. La recherche de synergies entre CHU dans le cadre des nouveaux périmètres régionaux devra aussi être poursuivie.

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