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Il est urgent de revaloriser les compétences des étudiants en santé

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Doyen de l’UFR de Paris Est Créteil depuis 2010, le Pr Dubois-Rande, cardiologue a été élu président de la Conférence des doyens de médecine en février 2016. Réforme du 3ème cycle et de la PACES, décloisonnement des études de santé, fin du « tout ECN », revalorisation des stages et des compétences des étudiants… Il explique à Remède.org ses priorités, qui sont autant de sujets d’actualité en cette rentrée 2017.

Pouvez-vous nous raconter votre choix de médecine et vos études ?

-J’ai un souvenir très précis : en première, en cours de Sciences naturelles, la professeure avait ouvert le thorax d’une pauvre grenouille, prélevé son cœur, et l’avait placé dans du sérum physiologique. Le cœur battait toujours, cela m’avait fasciné. Je voulais absolument comprendre pourquoi ! J’étais aussi passionné par le langage et les progrès de la neurologie dans les années 1970. C’était ma motivation pour faire médecine. Ce qui m’a le plus marqué pendant toute ma scolarité, c’est ce côté très méprisant de l’ignorance. Nous étions les élèves les plus mauvais… Je me suis toujours inscrit en révolte contre ce langage, que je trouvais imbécile. Cette pédagogie négative –que l’on ne retrouve pas dans les pays anglo-saxons- est, je pense, l’un des défauts majeurs de notre système éducatif. Il faut au contraire développer une pédagogie positive : rien n’est difficile, il suffit d’apprendre ! Né en Algérie, je suis arrivé en France à l’âge de 7 ans, avec cette impression d’être un étranger. J’ai toujours ressenti cette nécessité de prouver mon existence et d’avancer. Après mes études, je me suis orienté vers la neurologie. Mais l’impuissance thérapeutique qui prévalait, à l’époque, dans cette spécialité, m’a frustré. Je me suis ensuite orienté vers les facteurs de risque (lipides, diabétologie…). C’est là que j’ai découvert le rapport au malade et l’éducation thérapeutique. Au terme de ma spécialité, je suis devenu cardiologue interventionnel. C’était le début de l’aventure.

Concernant la réforme du 3ème cycle, qui entre en application en cette rentré, quelles sont les dernières actualités ?

-L’ensemble des textes a été publié, à l’exception de l’arrêté concernant les Formations spécialisées transversales (FST), qui sera publié en septembre. Nous sommes dans la phase opérationnelle de la réforme, dont je rappelle la philosophie : un DES=une spécialité. Je commence l’orthopédie, je suis orthopédiste à la fin. Par ailleurs, la réforme met en place un crescendo connaissances-compétences, tout-à-fait nouveau en France. L’approche par les connaissances ne suffit pas. Le savoir-faire est indispensable, tout particulièrement en chirurgie, où il faut être adroit. Tout s’organise aujourd’hui en France pour une pratique des gestes sur des mannequins ou des simulateurs. Certains CHU sont déjà en pôle position : Strasbourg ou Nice ont ainsi mis en place des plateformes très performantes. Les étudiants entrent donc en cette rentrée 2017 dans la phase socle (la 1ère des 3) celle de l’apprentissage des connaissances basiques du 3ème cycle, avec au moins un stage dans la spécialité.

Quels conseils donnez-vous aux étudiants pour s’y retrouver dans cette nouvelle maquette ?

-Je n’ai pas trop de conseil à leur donner car les syndicats d’étudiants ont accompli un travail de pédagogie formidable pour les aider à se repérer dans les nouvelles spécialités. Le problème n’était pas tant celui-là que l’inquiétude des deux générations, avec une appréhension pour les étudiants en cours de 3ème cycle de voir les plus jeunes prendre un certain nombre de postes au CHU. Cela a été un gros point de discussion au début de l’été. Des adaptations de postes ont été faites avec les ARS, appuyées par le ministère. Les difficultés rencontrées lors des derniers ECN sont derrière nous : nous avons énormément travaillé dans chaque région et chaque étudiant aura sa place.

Le DES en 5 ans dans les spécialités interventionnelles est-il acté ?

-Ce n’est pas encore décidé, même si les spécialités incluant une grande technicité (cardiologie, gastro-entérologie, etc…) auront probablement 5 ans. Un rapport de l’IGAS est en cours, pour déterminer dans quelles spécialités les étudiants doivent être formés sur 5 ans, après comparaison avec les autres pays européens. Ce rapport sera remis avant la fin de l’année. De nombreuses spécialités manifestent actuellement le souhait d’augmenter le temps de formation dans leur discipline, mais il s’agit de quantifier les choses. Surtout, je rappelle qu’on ne peut pas dissocier cette réforme du 3ème cycle de ce que devient l’étudiant après. L’objectif final est d’amener un spécialiste à l’autonomie complète. Les étudiants sont très attentifs sur ce point, qui mérite encore des discussions.

Où en sont les pistes de réforme de la PACES ?

-Un cadre homogène a été fixé pour l’ensemble des facultés. Il y a un accès direct aux études de santé par la PACES, qui peut se faire en deux ans (redoublement possible) et par ailleurs, la possibilité d’entrer par l’alter-PACES, après une licence et un oral. Ceci est déjà en place dans plus de la moitié des facultés de médecine. Ce qui ne va toujours pas aujourd’hui, c’est le niveau extrêmement difficile de la PACES, qui explique que la majorité des étudiants ont besoin de deux ans pour entrer en médecine. Après ces deux ans, en cas d’échec, ils ont très peu d’équivalence… A Angers, la solution trouvée est la suivante : pas de redoublement et inscription systématique dans un parcours LMD. La logique devrait celle-ci partout : que la PACES soit inscrite dans un parcours LMD, ce qui éviterait le tirage au sort. Pour donner plus de souplesse, il faut sortir du couperet du numerus clausus unique pour chaque faculté. Aujourd’hui, la PACES n’est pas une filière sélective : tout le monde peut s’y inscrire. C’est un sujet encore un peu tabou, mais il faut un pré-requis à la PACES, de façon à ne pas mettre les étudiants en mode échec. Ce point sera discuté à la rentrée.

Vous prônez la suppression du numerus clausus : quel serait alors le nouvel outil de régulation de la démographie médicale ?

-Je m’étais prononcé contre le numerus clausus. Rien que le terme crée une suspicion majeure. Il vaut mieux parler d’entrée à l’université dans des études de santé et surtout éviter le travers très français qui consiste à rester dans son « rail » toute sa vie. Il faut que l’ensemble du système propose des passerelles, avec notamment beaucoup plus d’interactions entre les métiers de la santé, dans lesquels les clichés se mettent en place très tôt. Notre système est très rigide et ne s’adapte pas à la pluralité des exercices médicaux actuels. 20 à 25% des médecins ne s’installent pas : il faut en tenir compte. Il y a des médecins qui veulent être ingénieur, chercheur, faire des parcours administratifs, etc. Il est urgent de valoriser les doubles parcours. Je travaille activement sur ce point. La Conférence des doyens propose que, dans chaque région, les besoins en étudiants en santé soient évalués par les ARS, les conseils de l’Ordre et les ONDPS. S’il faut 50 ophtalmologues supplémentaires dans telle région, il faut les former.

Quelle réforme serait nécessaire pour limiter les départs d’étudiants français vers d’autres pays européens et certaines difficultés au retour ?

-On n’évitera pas que des étudiants continuent à le faire puisque la loi européenne le permet, mais c’est un phénomène que l’on pourrait limiter. S’expatrier n’est jamais une décision prise à la légère et cela pèse financièrement. Pour y remédier, il faut sortir du « tout ECN » classant - qui crée un bachotage entre étudiants- en revalorisant les stages et les compétences, qui seront évaluées pour tous les étudiants y compris ceux souhaitant entrer dans le système de soin français. Aujourd’hui encore, trop d’enseignants sont focalisés sur l’acquisition des connaissances et non pas des compétences. Les services qui n’évolueront dans la bonne direction n’auront plus d’étudiants. Je remettrai un rapport en ce sens avant la fin de l’année. L’autre mesure nécessaire est la réforme de la PACES, déjà évoquée.

Quels sont selon vous les axes prioritaires pour redonner de l’attractivité aux carrières hospitalières françaises ?

-L’attractivité des hôpitaux n’est pas suffisante aujourd’hui en partie en raison de l’isolement de praticiens qui se sentent seuls aux manettes, ne peuvent pas toujours bénéficier de leur formation continue et n’ont pas toujours de reconnaissance de leurs fonctions enseignantes. Ce qui fait rêver, au bout du compte, est d’enseigner et d’avoir les moyens de faire de la recherche. Il y a par ailleurs une marge de revalorisation salariale des PH, avec une possibilité de lissage des salaires entre le début et la fin de carrière. D’autre part, il faut développer les postes partagés, qui permettront aux PH d’atteindre un équilibre professionnel. Enfin, il faudrait pouvoir être nommé assez vite professeur contractuel, notamment parmi les profils atypiques et créatifs. Cet accélérateur de carrière est possible dans certains pays anglo-saxons. Cela pourrait aussi être un formidable tremplin pour certains étudiants français qui n’ont pas un CV classique.

Bio express

  • 1957 : naissance à Bône, en Algérie
  • 1985 : docteur en médecine, spécialité cardiologie
  • depuis 1994 : PU-PH en cardiologie à l’université Paris Est Créteil ; mise en place du DIU de cardiologie interventionnelle
  • depuis 2000 : chef de service de cardiologie
  • 2015 : élu président de la Conférence des doyens d’Ile-de-France
  • 2016 : élu président de la Conférence des doyens des facultés de médecine
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  • Sophie Cousin
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