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Grève aux urgences de Nantes : « On est dans le jus en permanence »

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Rejoignant un certain nombre de services d’urgences de l’AP-HP, en grève depuis le 15 avril, le CHU de Nantes a démarré une grève illimitée le 25 avril. Manque de lits, manque de personnel à tous les niveaux, arrêts de travail non remplacés, tâches administratives exponentielles et affluence de patients toujours en forte hausse…. Nicolas Uhmann, interne de médecine générale en 2ème année, raconte son semestre dans le service.

Aux urgences, le cocktail explosif décrit de longue date par les personnels médicaux et non-médicaux, ne trouve jamais d’apaisement pérenne. Il suffit de relire cette interview du Dr Christophe Prud’homme, porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France (AMUF), publiée en juillet 2017 sur notre site . Ou celle deSabrina Ali Benali, auteur de « La révolte d’une interne » plus récemmentl.
Aux urgences de Nantes, où une grève illimitée est en cours depuis le 25 avril, les revendications sont notamment les suivantes : des créations de lits supplémentaires, en particulier en psychiatrie, le remplacement de tous les arrêts de travail sur l’ensemble des grades, une demande de renfort si l’hôpital est en tension en raison des admissions, le versement d’une prime de 300€/mois.
Comme ailleurs, si les internes ne sont que rarement grévistes -car leur statut d’étudiant en formation rend difficile le suivi d’une grève- ils sont solidaires des personnels titulaires. Quelles sont les conditions de travail dans le service ? Les dysfonctionnements observés ? Comment les patients sont-ils pris en charge ? Comment les internes gèrent-ils leur semestre aux Urgences ? Autant de questions que Remede souhaitait poser à un interne les mains dans le cambouis. Nicolas Uhmann, interne de médecine générale en 2ème année, a accepté de nous répondre.

-Depuis quand êtes-vous en stage aux urgences du CHU de Nantes ? en quelle année d’internat êtes-vous ?
-  J’ai 25 ans. Je termine mon stage de six mois qui a débuté en novembre 2018. Je poursuis ma deuxième année d’internat, soit huit ans postbac, et j’ai choisi la spécialité Médecine générale.

-Comment se passe votre stage ?
-  C’est un stage lourd avec un gros rythme, des semaines chargées entrecoupées de périodes de récupération, et un temps de travail théorique lissé à cinquante heures par semaine sur le semestre. C’est aussi un stage très formateur, avec des responsabilités croissantes, un très bon encadrement et une superbe équipe.

-Quelles sont vos conditions de travail dans le service ? Dépassez-vous souvent vos horaires ? pour quelles raisons ?
-  Les conditions sont difficiles. On est dans le jus en permanence. On doit maintenir une capacité réflexive et décisionnelle constante même quand on est épuisé. La charge mentale est énorme aux urgences. Ce type d’environnement engendre pour beaucoup un stress latent voire patent avec des conséquences physiques ou mentales. On doit parfois se mettre en mode robot pour continuer à travailler. Les horaires sont souvent dépassés, au mieux quinze à trente minutes après l’horaire normal mais il arrive parfois de rester plus d’une heure ; la plupart du temps pour boucler des dossiers et terminer certaines tâches avant de transmettre les patients.

-Quels dysfonctionnements avez-vous pu observer dans le service ?
-  Le premier, ce sont les très nombreuses consultations pour des motifs non urgents, le non-respect des horaires de travail, les incivilités quotidiennes. Concernant plus particulièrement les internes et les médecins, les interruptions de tâches et l’absence d’équipe managériale non médicale.
C’est un problème systémique, lié à la fois à une gestion industrielle de l’hôpital, un management « presse-citron » avec une administration souvent perçue comme déconnectée par les professionnels de santé, qui ne prend pas en compte l’humain et les difficultés du terrain. Le manque de suivi des situations difficiles vécues presque quotidiennement est la conséquence du budget insuffisant et du manque de personnel.

-Selon vous, qu’est ce qui ne fonctionne pas au niveau national ?
-  Les problèmes aux urgences reflètent les défaillances de l’organisation nationale des services de santé, les urgences étant submergées par un flux de plus en plus important de nouveaux patients, avec des capacités d’accueil qui a contrario n’évoluent pas. On peut s’interroger notamment sur la nécessité de filtrer les entrées comme cela se fait dans certains pays, mais aussi sur la gratuité des soins d’urgence et sur une amélioration de l’accès à l’offre libérale.

-Quelles sont les répercussions que vous constatez sur la prise en charge des patients ?
-  Je vais n’en citer qu’une : un soignant épuisé ou en souffrance professionnelle, quel que soit le degré de celle-ci, n’aura pas la même capacité d’écoute et de soutien. Or la reconnaissance de la souffrance du patient et sa prise en compte est un principe fondamental dans la prise en charge de toute pathologie. A mon sens, tout est lié : le management hospitalier totalement déshumanisé a créé une médecine mécanique qui n’est plus à la hauteur sur le plan humain.

-Etes-vous solidaire de ce mouvement de grève et des revendications ? Lesquelles particulièrement ?
-  Je suis totalement solidaire. L’éveil des consciences a débuté mais il faudrait un véritable électrochoc pour que là-haut de profondes réformes commencent à se décider. L’administration n’étant sensible qu’aux évènements ayant un impact économique, je ne suis pas très optimiste pour l’avenir. Pour moi, les dernières réformes annoncées ne vont pas dans le bon sens. Et les faits-divers parfois dramatiques continueront hélas de se produire si rien ne change.

-Comment va s’organiser la prise en charge des patients pendant la grève ?
-  Je ne crois pas qu’elle sera fortement impactée. Les soignants qui travaillent seront simplement plus sous pression. Mais je ne suis pas bien placé pour répondre à cette question.

-L’une de ces revendications est la présence d’un interne 24H/24 en circuit debout. Que cela changerait-il ?
-  C’est une mesure qui ne règle pas le problème de fond. Le circuit debout est un secteur prenant en charge les patients pouvant se mobiliser et marcher, avec un flux plus rapide que dans le service couché conventionnel. Ce secteur ferme à 1h du matin, les patients restant ou arrivant dans la nuit sont donc basculés dans l’autre secteur des urgences. Or le degré d’urgence de ces patients étant en théorie souvent moindre que les patients alités, ils embolisent des lits et engendrent un ralentissement du flux avec une attente prolongée pour d’autres patients parfois plus urgents. Maintenir le circuit debout ouvert 24h/24 pourrait donc permettre une meilleure gestion des flux pour chaque secteur. Mais cela signifie aussi 30 gardes de plus par mois à répartir, alors que le temps de travail des internes est déjà mal respecté. Dans des services où la souffrance au travail est réelle, cela revient à en demander encore plus. Je trouve cela injuste, en plus d’être une mesure « pansement » qui ne règle rien sur le long terme.

Pour en savoir plus :
https://www.cgt-chu-nantes.org/actualites/greve-urgence-du-chu
http://amuf.fr/2019/04/17/revue-de-presse-les-urgences-en-greve/

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