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Formation : Aiguiser son sens critique sur la promotion pharmaceutique

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A la faculté de Bordeaux, la formation à l’analyse critique de la promotion pharmaceutique -facultative depuis 2014- deviendra obligatoire à la rentrée prochaine. Donner des outils aux étudiants confrontés à la visite médicale et les aider à prendre du recul, voilà l’objectif de cette formation sur deux jours, qui commence à se décliner dans d’autres facultés. L’un des enseignants et l’un des étudiants partagent leur expérience avec Remede.

Depuis 2014, la faculté de médecine de Bordeaux expérimente la mise en place d’une formation à l’analyse critique de la promotion pharmaceutique (FACRIPP), avec comme point de départ une évaluation menée sur ce sujet par sept futurs médecins généralistes qui en ont fait le sujet de leurs thèses.
D’abord expérimentale, cette formation proposée aux étudiants en DES de médecine générale, deviendra obligatoire à la rentrée prochaine.
Pourquoi cette initiative ? « L’industrie pharmaceutique essaie d’influencer les médecins et cela commence dès les bancs de la faculté. Ce constat n’est pas nouveau. Il a été détaillé dans un manuel de la HAS paru en 2013, « Comprendre la promotion pharmaceutique et y répondre »* (suite à un guide de l’OMS sur le sujet), explique le Pr William Durieux, professeur associé au département de médecine générale à l’université de Bordeaux. « Nous avions une volonté d’armer nos étudiants face à la visite médicale », ajoute-t-il.
Topo pendant les staff hospitaliers, petits-déjeuners offerts par les VM dans les services, repas offerts aux restaurant, petits cadeaux en tout genre (stylos, mug), concours blancs et formations sponsorisés… cette influence est bien présente. Mais tellement ancrée que parfois invisible pour les futurs médecins. « Au début de notre formation, la plupart des étudiants ne pensaient même pas que toutes ces techniques relevaient d’une tentative d’influence. Et surtout, ils ne pensaient pas avoir le droit de s’en affranchir s’ils le souhaitaient, notamment en refusant la visite médicale », rapporte le Pr Durieux.

Déni d’influence
Dans sa thèse publiée en 2017, Perception de l’industrie pharmaceutique par les internes en médecine générale après FACRIPP (Formation à l’Analyse CRItique de la Promotion Pharmaceutique) et perception de la formation, Delphine Desclaux-Arramond montre que les internes sont fortement approchés et démarchés par l’industrie pharmaceutique avec en moyenne 1,9 contact, selon un sondage réalisé après l’affaire Mediator et publié dans la revue Plos en One en 2014 :

Le plus étonnant : les professionnels de santé interrogés sur ce sujet pensent ne pas être eux-mêmes influencés par les visiteurs médicaux, mais qu’en revanche, leurs collègues le sont ! Cela a été montré dans une étude publiée en 2001 dans l’American journal of Medicine :

Cette thèse montre par ailleurs très clairement que les étudiants en médecine sont demandeurs d’une formation complémentaire sur ce sujet. Plus de 75% des étudiants interrogés disent ne pas avoir reçu de formation suffisante pour appréhender, percevoir et analyser la promotion pharmaceutique.

Contenu de la FACRIPP
La formation est basée sur deux références pédagogiques : le guide OMS de 2009, traduit par la HAS en 2013* et les travaux de l’Association américaine des étudiants en médecine (AMSA).
La formation se déroule sur deux journées de 7 heures, avec deux enseignants.
Les thématiques abordées sont les suivantes : identification des techniques d’influence et des conflits d’intérêt, structuration de la visite médicale, évaluation de l’efficacité et de la sécurité des médicaments, maîtrise des dispositifs réglementaires, analyse transversale à travers de grandes affaires comme celle du Mediator.
La méthode pédagogique est centrée sur des ateliers pratiques, et des mises en situation, en petits groupes, autour des séquences suivantes :
-  échange de pratiques : comment les étudiants sont-ils confrontés à la visite médicale et comment le vivent-ils ?
-  lecture critique d’études américaines portant sur l’influence de l’industrie pharmaceutique
-  analyse de documents promotionnels édités par l’industrie pharmaceutique
-  mises en situation avec des patients qui, influencés par les médias, viennent en consultation réclamer tel ou tel traitement
-  aide à la résolution de cas cliniques, par exemple dans le sevrage tabagique

Retours des étudiants
Plusieurs thèses sont en cours de réalisation, afin d’évaluer les retombées de la formation pour les étudiants. « Nous notons déjà que les étudiants, à l’issue de la formation, se sentent confortés dans leur choix de recevoir -ou pas- l’industrie pharmaceutique. Certains se disent : Si j’ai le droit, j’aime autant ne pas recevoir la visite médicale. Mais ils ne sont pas majoritaires. Nous ne sommes pas là pour les influencer dans un sens ou dans l’autre, mais pour leur donner des outils scientifiques et prendre du recul », indique le Pr Durieux.

Généralisation
A la rentrée prochaine, la FACRIPP devient obligatoire à Bordeaux. Dans un second temps, les enseignants impliqués souhaitent la mettre en place pour les étudiants des autres spécialités médicales. Les internes de psychiatrie devraient être les prochains à en bénéficier.
Dans d’autres villes, des formations autour de cette thématique sont proposés : St Etienne, Lille, Tours, etc… Une longue marche vers l’indépendance a démarré.

Le témoignage :
Paulin Besserve, étudiant en troisième année de DES de médecine générale à la faculté de médecine de Bordeaux
« Je garderai maintenant mes distances avec les VM »

« J’ai suivi la formation FACRIPP début juin. J’avais pas mal d’idées reçues sur l’influence de l’industrie pharmaceutique. Lors de mes stages à l’hôpital, j’avais déjà eu plusieurs contacts avec des visiteurs médicaux. Dans le milieu hospitalier, cela dépend des services mais parfois, il est très difficile de ne pas recevoir les VM car ils viennent après accord du chef de service, qui les renvoient vers les internes. Certains VM viennent dans le service depuis trente ans, font la bise à tout le monde, et viennent présenter la même molécule à la dizième génération d’internes… c’est un peu exagéré ! Au début, je trouvais ça plutôt sympa parce qu’ils apportaient le petit-déjeuner et nous invitaient au restau le midi. Ils faisaient très bien leur boulot puisque je revenais dans le service en disant : « on m’a présenté une nouvelle molécule super et on va la prescrire ». Mais ensuite, lors de mon stage chez le praticien, les médecins du cabinet ne recevaient pas les VM et je me suis alors mis à penser qu’il ne fallait pas trop les écouter… J’ai eu envie de suivre la formation FACRIPP, qui était facultative, et j’ai appris plein de choses : comment les VM sont formés, le budget très élevé consacré par l’industrie pharmaceutique à la promotion (25 !) et nous avons fait beaucoup de jeux de rôle très instructifs. Désormais, si je reste dans le milieu hospitalier, je sais que garderai mes distances avec les VM et les produits présentés et que je continuerai à chercher de l’information sur les médicaments ailleurs. Si je m’installe en libéral, je pense que je ne recevrai pas les VM, mais cela ne m’empêchera pas de rester à jour des molécules qui sortent, comme dans le cabinet où je suis passé. Je pense m’abonner à la revue « Prescrire » une fois que je serai installé »

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  • Sophie Cousin
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