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Exercice en prison : « Très riche sur le plan humain »

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Près de 3 000 professionnels de santé exercent à temps plein ou partiel au sein des 170 établissements pénitentiaires. Le Dr Béatrice Carton préside l’Association des professionnels de santé exerçant en prison, ouverte à toutes les professions du soin y travaillant (médecin, pharmacien, aide-soignant(e), infirmier(ère), chirurgien-dentiste, kinésithérapeute…). L’APSEP fait entendre la voix des professionnels de santé de terrain pour que leurs missions auprès des personnes détenues soient identiques à celles en population générale.

-Combien de professionnels exercent en prison actuellement ?
-  Il y a entre 2 500 et 3 000 professionnels de santé exerçant en milieu carcéral, au sein des 170 établissements pénitentiaires. Ce sont des services hospitaliers qui sont délocalisés dans les prisons, avec plus ou moins de personnel (infirmières, ASH, cadres de santé, médecins généralistes et spécialistes, pharmaciens, dentistes, manipulateur radio), en fonction de la taille de l’établissement. Ces services sont les USMP (Unités sanitaires en milieux pénitentiaire), qui englobent les anciennes UCSA (Unités de consultation et de soins ambulatoires) et les unités psychiatriques lorsqu’elles sont séparées. Des spécialistes différents interviennent selon les spécificités de chaque établissement. Par exemple, on a besoin de gynécologues en maison d’arrêt pour femmes.

-Comment s’organisent les soins psychiatriques ?
-  Les soins psychiatriques et en addictologie sont pris en charge soit dans ces mêmes services par des psychiatres et des psychologues, soit dans d’autres structures. Si des hospitalisations sont nécessaires en psychiatrie, elles relèvent des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), instaurées par la loi Perben de 2002.

-Les effectifs de professionnels de santé intervenant en prison sont-ils suffisants ?
-  Non. Partout, il y a des difficultés de recrutement avec des postes qui restent vacants. Cela concerne les postes médicaux, mais aussi les postes infirmiers, les postes de psychiatrie, etc... Ces difficultés sont présentes depuis de nombreuses années.

-Quelles sont les spécificités de l’exercice en prison ?
-  C’est un exercice très varié. Notre première mission est le soin : bilan à l’entrée, consultations au cours de la détention, avec un suivi pour les personnes qui ont des pathologies, et organisation de la sortie pour la continuité des soins. Nous prenons aussi en charge les urgences. Notre seconde mission est la prévention et l’éducation à la santé. Nous organisons le Mois sans Tabac, le Sidaction, etc. Malheureusement, c’est la partie que l’on fait quand on peut. Si nous n’étions pas en sous-effectif, nous pourrions être plus actifs sur la prévention. Nous suivons une population plus précaire qu’à l’extérieur et qui a moins facilement accès aux soins. L’un des grands intérêts est le travail en équipe, comme à l’hôpital. Sur le plan humain, c’est extrêmement riche. La rencontre avec l’autre, les parcours de vie, tout cela rend l’exercice très intéressant. Il faut être un tout petit peu empathique ! (rires).

-Quelles sont les difficultés de cet exercice ?
-  Nous travaillons en vase clos et à distance de l’hôpital, nous sommes plus isolés que d’autres équipes. Cela peut créer beaucoup de cohésion d’équipe mais aussi des difficultés. Pour moi, la population que nous recevons ne constitue pas une difficulté. Personne ne passe sa vie entière en prison, donc ce sont pour partie les mêmes personnes que nous allons croiser avant ou après à l’hôpital ou en cabinet médical. Certes, ce sont des personnes qui ont plus fréquemment des troubles du comportement et/ou des addictions, mais ce sont des profils de patients que l’on peut voir aussi en dehors du cadre pénitentiaire.

-Est-ce que certains professionnels de santé ont peur de suivre des patients en prison ?
-  Oui, je pense que pour certains d’entre eux, il est difficile de s’affranchir de cette question : pour quelle raison cette personne est-elle en prison ? Prendre en charge un agresseur sexuel ou un terroriste n’est pas forcément facile… Mais la plupart d’entre nous fonctionnons de la façon suivante : nous ne cherchons pas à connaître le motif de l’incarcération, car cela risque de modifier notre prise en charge. J’imagine que certains cherchent à accéder à cette information, mais je pense que ce n’est pas une information utile dans le soin. Par ailleurs, certains détenus sont violents et il faut pouvoir s’y adapter, c’est-à-dire avoir les bonnes réactions et poser des cadres.

-Est-ce un exercice adapté aux jeunes professionnels de santé ?
-  Je pense qu’il est difficile de démarrer un exercice professionnel en milieu carcéral, mais j’ai aussi des contre-exemples… Les médecins ne sont pas « jeunes » en âge quand ils débutent et cela peut très bien fonctionner. En revanche, c’est plus compliqué pour les infirmiers, qui ont une formation moins longue et je sais que les cadres de santé sont vigilants à ne pas recruter des jeunes qui sortent de l’école et n’ont pas encore d’expérience professionnelle. Ce n’est pas une question de compétence mais d’expérience face à des patients parfois difficiles à cadrer. Certaines unités proposent des formations ou des tutorats auprès des professionnels de santé qui arrivent. C’est une demande nationale que notre façon d’exercer soit reconnue comme particulière, avec une formation spécifique et une prise en compte de la pénibilité.

-Quelles sont les modalités de cet exercice ?
-  Il faut être hospitalier pour avoir un poste mais on peut être libéral et faire des vacations en milieu pénitentiaire. En majorité, ce sont des professionnels hospitaliers. Certains sont PH à temps partiel en prison et ont un temps partiel ailleurs. Selon la taille de la prison et du service, les besoins en personnel médical et paramédical varient beaucoup. Par exemple, à Fleury-Mérogis, où il y a 4 000 détenus, il y a beaucoup de postes à temps plein. Mais comme il n’est pas toujours facile de recruter des temps pleins, il y a parfois plus de temps partiel… On a parfois besoin de s’aérer quand on exerce en prison et un temps partiel peut être une bonne option. A l’inverse, dans une petite maison d’arrêt, comme celle du centre de Versailles, avec 80 détenus, il y a seulement 4 vacations de médecins généralistes.

-Quelle est la marge de manœuvre des professionnels de santé pour faire leur travail auprès des détenus ? Les contraintes sécuritaires sont-elles parfois un frein aux soins ?
-  Certes, nous devons respecter des contraintes imposées par l’administration. Mais nous sommes très attachés à recevoir les patients comme on le ferait en dehors de la prison, en respectant la confidentialité. Nous ne recevons pas les détenus avec du personnel de surveillance, nous ne divulguons pas d’informations à l’administration pénitentiaire. En revanche, si l’on doit envoyer un détenu à l’hôpital, il doit partir avec une escorte pénitentiaire et il y a des horaires à respecter qui peuvent modifier les prises en charge.

-Depuis quand travaillez-vous en prison ?
-  Depuis 2001. Au départ, c’est un hasard. J’étais médecin hospitalier au CH de Versailles et un poste s’est libéré en prison. Au début, j’étais à temps partiel, puis je suis passée à temps plein il y a cinq ans et maintenant j’ai des fonctions de chef de service. En prison, il y a des profils de médecins bien différents : ceux qui ont toujours voulu travailler en prison (mais ils sont très peu nombreux car notre exercice est mal connu) ; ceux qui sont là parce qu’un poste correspondant à leurs attentes s’est libéré ; ceux à qui cela ne convient pas du tout et qui vont vite repartir ; et ceux qui feront toute leur carrière, ou presque, en prison.

Pour en savoir plus :
-  le site de l’APSEP ;
-  L’Observatoire international des prisons.

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  • Sophie Cousin
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