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Dr Irène Frachon : tonnerre de Brest sur le Médiator

"La Fille de Bresst" retrace le combat du Dr Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, pour faire reconnaître la toxicité de Mediator* (benfluorex, Servier), médicament retiré du marché fin 2009. C’est le parcours d’une femme hors du commun qui a poussé Emmanuelle Bercot à porter cette cette histoire terrible de la médecine à l’écran.

En deux heures, ce film revient sur la genèse de "l’affaire Mediator*". Il débute au moment où le Dr Frachon cherche à rassembler des éléments de preuves à présenter à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits sanitaires des produits de santé (Afssaps, devenue ANSM) qui conduiront au retrait de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du médicament en novembre 2009. Puis il chemine jusqu’à ce que son combat se trouve légitimé par le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) [1]http://www.ladocumentationfrancaise...

Le film commence avec une plongée quasi-immédiate dans le monde médical, au CHU de Brest, en pleine opération à coeur ouvert pour remplacer des valves abîmées. Irène Frachon, incarnée par l’actrice danoise Sidse Babett Knudsen (qui joue le rôle de la Première ministre du Danemark dans la série Borgen), est juchée sur un escabeau à observer les lésions et les prendre en photo.
On est alors début 2009 et la pneumologue travaille déjà depuis deux-trois ans sur les risques de ce médicament homologué comme antidiabétique mais largement prescrit à des femmes pour perdre du poids. Elle a déjà établi des liens avec un autre médicament de Servier, Isomeride* (dexfenfluramine), qui a été retiré du marché mondial en 1997 à cause d’un risque de valvulopathie.

L’histoire est connue dans les grandes lignes depuis que la pneumologue a publié en juin 2010 un livre, qu’elle voulait "factuel", pour inciter les personnes ayant pris le médicament à prendre conscience des risques et à consulter, mais aussi "froid" pour "éviter de se faire attaquer", commente le Dr Frachon. Le film, lui, "fait jaillir la dimension humaine" de l’affaire.

Vertige et désespoir
A l’écran, toutes les victimes sont représentées sous les traits d’une seule femme qui, comme plusieurs patients, va décéder. "Il y a cette scène d’autopsie qui emmène le spectateur au bord du gouffre", poursuit la pneumologue. "Et, pour moi, c’est ce qui est insupportable, ces corps sacrifiés, suppliciés, disséqués... pour un coupe-faim, pas pour une chirurgie réparatrice !"
Dans La Fille de Brest, on voit "ce vertige, ce désespoir". On retrouve aussi sa colère dans des scènes qui retracent la confrontation avec l’Afssaps, le mépris de certains de ses représentants, d’experts extérieurs et d’employés de Servier lors de deux réunions de la commission de pharmacovigilance tournées dans les locaux de l’agence.

Peur face à un labo tout puissant

Alors que les coups de gueule du Dr Frachon sont connus depuis la médiatisation de l’affaire, le film montre aussi "la peur" qu’a ressentie la pneumologue face à un laboratoire pharmaceutique à la mauvaise réputation. Cette peur, elle l’avait confiée à Anne Richard dans un documentaire diffusé sur la chaîne Public Sénat en 2012 et qui a beaucoup inspiré Emmanuelle Bercot et la scénariste, Séverine Boscchem.
Pour surmonter ses craintes et aller au bout, la pneumologue a été bien entourée par ses collègues brestois, notamment dans le film "Patoche", une infirmière de recherche, et Antoine Le Bihan, sous les traits de Benoît Magimel, "un mélange de différents protagonistes du CHU de Brest et de l’extérieur", précise-t-elle à l’APM.

Ce personnage illustre à la fois "l’environnement complexe de la recherche, les tensions, les liens d’intérêt et l’amitié". Il montre aussi comment, face à ses doutes, le courage de la pneumologue et sa conviction à défendre les patients parviennent à vaincre ses réticences. Le film montre aussi qu’Irène Frachon a puisé cette force auprès de ses enfants et de son mari.

A la suite de l’étude cas-témoins menée par l’équipe du CHU de Brest -montrant que le risque d’insuffisance mitrale chez les personnes ayant pris du benfluorex est multiplié par plus de 40- et la présentation de l’étude REGULATE de Servier, l’Afssaps suspend l’AMM du benfluorex en novembre 2009.
Irène Frachon se souvient que c’était "un soulagement". "Mais ce n’était qu’une étape car il fallait prévenir les malades !" Alors que le livre s’achève sur la question : "Combien de morts ?", sous-titre dans un premier temps censuré, le film se poursuit sur la vague médiatique qui se propage à partir des révélations du Figaro mi-octobre 2010. L’estimation était alors de 500 à 1.000 décès attribuables à Mediator*.

"Pour ne pas oublier"

Le récit s’achève dans les couloirs du ministère de la santé, qui a également ouvert ses portes pour le tournage, lorsque l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) présente son rapport en janvier 2011. Irène Frachon n’est plus seule à dénoncer les risques du médicament.
Tout le long du film, on croise des personnages emblématiques de l’affaire dont certains sont nommés dans le livre d’Irène Frachon ou sont apparus dans les médias, comme l’avocat Charles Joseph-Oudin ou le député Gérard Bapt (PS, Haute-Garonne), et d’autres, qui ne sont pas nommés, pourront être facilement reconnus.

"Le film prend quelques libertés, notamment avec la chronologie de l’histoire et des personnages qui ne pouvaient pas tous être montrés, mais globalement ça correspond à ce que j’ai vécu", observe le Dr Frachon. "La réalité rattrapait parfois la fiction. Le tournage avait lieu dans le CHU lorsque, par exemple, les communiqués de l’Oniam [Office national d’indemnisation des accidents médicaux] tombaient, avec son point statistique", ajoute-t-elle.
Ce film va permettre que "l’on n’oublie pas", conclut la pneumologue
Lors du débat qui a suivi la projection du film samedi, elle a confié que la peur ne l’avait pas quittée et a rappelé que le combat des nombreuses victimes du médicament n’était pas fini.
Celles qui ont opté pour la voie amiable et se sont tournées vers l’Oniam n’ont pas toutes été indemnisées, nombre de procédures civiles sont toujours en cours et l’audiencement du procès pénal n’est toujours pas fixé. Elle a dénoncé les manoeuvres dilatoires du laboratoire qui repoussent l’échéance du procés.

La fille de Brest, Emmanuelle Bercot, sortie en salle le 23 novembre.

Source :www.apmnews.com

  • Anne Marie DE RUBIANA
  • Rédactrice en chef de Remede.org
  • amderubiana@remede.org
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