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Dessine-moi la médecine : médecin et doctorante en philosophie

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Illustratrice douée avec un crayon, interne en médecine avec un attrait pour la neurophysio et la physiologie du sommeil et doctorante en philosophie, rien ne l’arrête. Derrière cette brillante médecin, il y a une page Instagram et des posts colorés. Belkis a accepté de répondre aux questions de remede.org.

Remede.org — Peux-tu nous raconter ton parcours ?

Belkis J’ai un parcours très traditionnel avec un baccalauréat scientifique spé SVT. J’ai obtenu mon baccalauréat au lycée Pierre-Mendès-France à Tunis.

En terminale, j’ai eu la chance d’avoir un prof de philosophie très investi, la rencontre avec cette discipline a été révélatrice. Loin du côté très carré des matières scientifiques, on nous demandait enfin de réfléchir à des sujets qui paraissent déjà tellement vastes et pertinents pour la lycéenne que j’étais.
Mes études ont été dirigées par l’envie de faire médecine, mais sans avoir à quitter la philosophie. J’ai trouvé des programmes de licence de philosophie en distanciel et je me suis lancé en parallèle de mes études de médecine.

J’ai pris la licence avec beaucoup d’intérêt, mais aussi beaucoup de légèreté, je voulais surtout avoir une culture générale et poursuivre ma progression. La L1 a été rude, en face des autres étudiants qui avaient fait 8 h de philo par semaine, je me sentais un peu décalée ! Et puis j’ai validé la L1, puis la L2 puis la licence. En parallèle l’externat allait commencer et je ne savais pas si je continuais ou pas dans ce domaine ; un master allait être beaucoup de travail. En cherchant, j’ai fini par trouver un programme de master de philosophie de la médecine : l’éthique. Ce master a été un gros saut dans le vide et un énorme challenge. L’organisation a été plus facile puisqu’elle est cohabilitée par la faculté de médecine, la faculté de sciences humaines et l’institut d’études politiques de Toulouse. C’était un master de recherche concernant l’éthique du vivant et la place des réflexions philosophiques dans les soins. J’ai validé mon M1 avec un mini mémoire suivant un stage de philosophie en soins palliatifs puis validé le M2 en soutenant mon mémoire de fin d’étude sur « l’impact des neurosciences et de la neurologie sur la représentation de l’homme moderne ». Le tout mention très bien avec les félicitations du jury, une manière très gratifiante de terminer tout mon travail.

Pourquoi la philosophie ?

La découverte de cette matière en terminale a été un énorme coup de cœur. La philosophie a été ma meilleure note au baccalauréat. Je trouvais les sujets captivants et découvrir toute cette culture d’écrivains, de philosophes m’a donné l’impression de trouver un Nouveau Monde. Par la suite durant mes études de médecine, comme tous les étudiants dans des études très longues, le doute m’accompagnait beaucoup : étais-je à ma place ? Comment j’aimerais être médecin plus tard ? Quelque part, faire le master, lier la philosophie à la médecine a pu me sauver à plusieurs reprises de crises de doutes. Souvent, la philosophie m’a réconciliée avec la médecine. C’est pour cela qu’après avoir débuté l’internat, je sentais déjà le déséquilibre pour s’installer. J’avais fait ce master, mais pourquoi ne pas aller plus loin ? J’ai donc découvert le monde abominable du doctorat en dehors de la médecine, monter des dossiers, envoyer des lettres, définir un domaine de recherche… et je suis très fière de dire que j’ai intégré l’école doctorale de la Sorbonne en début d’année pour coupler mon doctorat de médecine à un doctorat de philosophie.

Un domaine de prédilection/d’étude dans la philosophie ?

Mon doctorat de philosophie aurait pu être l’éthique, mais je suis philosophe avant d’être « éthicienne » alors j’ai préféré rester dans la philosophie pure. Je réalise un doctorat de philosophie axée sur la phénoménologie de la sémiologie médicale. Puisqu’il est couplé à mon doctorat de médecine, il s’agira de l’étude de la phénoménologie sur ce que je ferais et donc des moments veilles et sommeil chez les personnes dans des états de décompensation psychotique ou à risque de transition vers cet état.

Depuis quand dessines-tu ?

J’avoue que cette question m’a fait sourire. Je ne suis qu’illustratrice de choses médicales. J’ai pris option arts plastiques au lycée, et ça m’a permis de m’exprimer, de m’échapper et de procrastiner mes révisions. Avec les cours d’anatomie en médecine, on a de quoi dessiner et redessiner. J’ai remarqué par la suite que dessiner et gribouiller me permettait de mieux me représenter mes cours. Les pavés des collèges étaient bien trop fades.

Pourquoi te lancer en médecine ?

La médecine n’a pas été ma vocation première. Je m’y suis lancée parce que j’ai fait S, que j’aimais les SVT. Mais tout a pris son sens une fois que l’externat a commencé, une fois que j’ai mis les pieds à l’hôpital, tout était enfin tellement plus concret. Même si c’est une réponse clichée, je me suis lancé en médecine, et j’y suis restée surtout parce que j’aime aider les gens, j’aime prendre soin de mes patients, j’aime les connaissances que mes études m’apportent, j’aime le travail en équipe, et même le rythme un peu fou de nos vies.

Quelle spécialité et pourquoi ?

J’ai fini par me spécialiser en psychiatrie. Ça a été une décision très difficile à prendre, de peur de ne plus réinvestir certaines connaissances. J’hésitais avec la médecine générale et même la médecine légale. J’aime les spécialités transversales et je voulais pouvoir garder un pied dans l’éthique et la philosophie, mais aussi dans la somatique.
La maquette de l’internat de psychiatrie permet de rester transversal. On a droit à deux semestres hors filières. Je réalise en ce moment mon second semestre hors filière en neurologie à l’hôpital de Vichy, avec une équipe fantastique et très bienveillante. M’attendront par la suite deux semestres au service de neurophysiologie du CHU pour ma FST sommeil, puis la thèse avant l’année de docteur junior ; j’aurais donc fait 4 semestres en psychiatrie (dont un en pédopsychiatrie) et 4 semestres en neurologie.

Comment as-tu vécu tes études de médecine ?

Globalement bien. Ce sont des études très longues, donc on a le temps de changer de vie au moins 20 fois ! j’ai eu la chance d’être entourée des bonnes personnes, surtout d’une très bonne amie, maintenant interne en ophtalmologie. Et je pense que c’est ce qui m’a permis de tenir jusqu’au bout. C’est ce qui me permet de continuer jusqu’à aujourd’hui : un bon entourage, un petit cercle de personnes très encourageantes, des co-internes et des collègues solidaires.

Je ne dirais pas que depuis le début j’avais un plan tout tracé et que je savais précisément ce que je voulais faire, bien au contraire. D’ailleurs tout a été une grande aventure pleine d’imprévus et de belles rencontres ; mais j’ai toujours eu des objectifs clairs pas seulement pour ce que je voulais faire, mais par rapport au médecin que je voulais devenir.

Le début de l’internat a été une libération. J’avais envie de me lancer dans tous les projets du monde. J’ai fait des DU à côté. J’en ai fait un à l’école de droit, en « responsabilité et droit médical », qui m’a permis de me remettre à jour sur certaines lois et d’avoir une formation complémentaire à celle que j’ai eue à Science po Toulouse. Un DU en communication et journalisme médical, pour ma formation personnelle, m’a permis de me donner un peu plus d’outils et de légitimité dans le but de partager des choses plus sérieuses et sous de nouveaux formats sur les réseaux sociaux. Et un DU en psychopharmacologie et électro-convulsivo thérapie, avec des modules sur l’application des traitements psychiatriques en neurologie, modules de neurophysiologie et de pharmacogénétique très intéressants.

Que t’apporte la philosophie dans ta pratique de la médecine ?

Je ne pense pas être philosophe au quotidien. Je suis comme tous les internes, avec le rythme de tous les internes : je vois mes patients, je fais des gardes, je fais des courriers, je tiens mon service, j’ai des attentes universitaires dans ma formation, je garde un regard médical devant mes patients. Les patients ne viennent pas voir des philosophes dans les hôpitaux. Aujourd’hui, même si je fais mon doctorat à côté, je suis et je reste avant tout médecin.

La formation en soins palliatifs que j’ai eue lors de mon M1 me permet de mieux faire face à la mort dans le soin et d’accompagner au mieux mes patients et leur famille.

La philosophie me permet de voir la rencontre avec le patient comme une rencontre avec l’autre en tant que fondement de mon soin. La philosophie fait de moi le type de médecin que je suis et ma manière d’exercer. Dans les deux spécialités entre lesquelles j’oscille, la neurologie et la psychiatrie, parfois la rencontre avec les patients est compliquée. Entre les patients en psychiatrie souvent insaisissables et les patients déficitaires avec qui la réciprocité est difficilement palpable, la philosophie m’aide à aller au-delà de ce colloque singulier qui peut être très bancal. Il faut admettre qu’il peut y avoir un malaise devant ces patients-là : comment faire pour que cette personne devienne mon patient quand il me paraît hors de ma portée ? S’approprier les patients comme les nôtres peut être compliqué, c’est surtout à ce moment-là que la philosophie, la phénoménologie et l’éthique m’aident à prendre du recul et à penser au but de ma prise en charge pour moi et pour l’autre.

Que peut-on trouver sur ta page instagram « dessine-moi la médecine » ?

Une page Instagram qui tient son nom de mon affection pour le Petit Prince. On peut y trouver des dessins d’art médical, des fiches illustrées, et mon quotidien en tant qu’interne. En ce moment, on peut y trouver des petites vidéos d’une compilation de moments de mon quotidien. Même si je ne poste pas très régulièrement, j’aimerais partager un peu plus de mon expérience personnelle tout en gardant un maximum d’anonymat et de respect pour mes collègues, que je ne souhaite pas exposer.

Est-ce que tu as des projets à venir ?

Je suis déjà très fière du parcours que je mène : 6 ans de médecine, 2 ans d’internat, une licence, une maîtrise, un master et 3 DU, et actuellement un double doctorat ; quand je fais le bilan, j’ai du mal à y croire.
L’opportunité de partager mon parcours aujourd’hui dans cette interview, et l’intérêt qui m’est porté me touchent beaucoup. Ça a été énormément de travail, d’investissement et de sacrifices et ce n’est que le début.
Finir l’internat, continuer à m’épanouir dans mon métier, peut-être faire un semestre à l’étranger dans le cadre de la médecine humanitaire, pouvoir faire encore quelques DU, soutenir mes thèses et puis partager plus de choses sur les réseaux sociaux.
Je réfléchis à un nouveau format plus interactif que j’essaierais de lancer courant septembre si je m’organise bien. J’ai des projets plein la tête, comme toujours !

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  • Idris Amrouche
  • Rédacteur remede.org
  • amrouche.idris@gmail.com
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