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Concilier maternité et études de chirurgie : un défi aux États-Unis, et ailleurs

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Une étude menée par l’Association des chirurgiens femmes aux États-Unis conclut que 39 % des internes ou chefs de cliniques enceintes pendant leurs études ont imaginé réorienter leur carrière du fait de la difficulté à gérer la grossesse et le post-grossesse. Un tiers d’entre elles déconseille même formellement aux étudiantes en médecine de choisir la chirurgie. La situation en France est un peu plus enviable.

Aujourd’hui, plus de la moitié des étudiants en médecine aux États-Unis sont des femmes. Au cours de leurs études, 38 % d’entre elles choisissent une carrière de chirurgien, hors gynéco-obstétrique. Dans les hôpitaux 18 % des chirurgiens sont des femmes.
Comment concilier 4 années d’internat et 3 à 5 années de clinicat (residency) et une envie d’enfant quand on a entre 25 et 35 ans ? Un quart des internes ou chefs de clinique en chirurgie passent le pas. C’est à ces femmes que s’est intéressée le Dr Erika Rangel (Harvard, États-Unis) afin de savoir comment elles ont vécu leur maternité. Et les résultats sont consternants, beaucoup regrettent d’avoir eu des enfants…

Pas d’aménagement de planning dans 85,6 % des cas

Cette conclusion est la suite d’une étude menée en 2017 par l’Association des femmes chirurgiens aux États-Unis (Association of Women Surgeons). Des questionnaires assez exhaustifs (74 questions) ont été adressés à l’ensemble des chirurgiens ayant accouché pendant leurs études.
Au total, 347 femmes – qui ont donné naissance à 452 enfants – ont accepté de répondre. Elles étaient âgées en moyenne de 30,5 ans. Si un quart d’entre elles avaient choisi de prendre un stage non clinique de recherche pendant la fin de leur grossesse, 288 avaient connu les joies de travailler enceinte. Et cela n’a pas été une partie de plaisir puisque 85,6 % d’entre elles n’ont pas eu d’aménagement de planning. Bref, elles ont continué à travailler plus de 70 heures par semaine, avec des gardes et astreintes obligatoires et ce, pour la plupart d’entre elles, jusqu’à la fin de leur grossesse.
Deux femmes sur trois ont exprimé clairement que les horaires à rallonge auxquels elles étaient contraintes leur ont fait craindre pour la santé de leurs enfants et la leur. Même si elles ont verbalisé ces angoisses auprès de leurs pairs, très peu ont obtenu des ajustements du temps de travail.

Six semaines d’arrêt maternité

Dans un hôpital sur cinq, il était possible aux internes de suspendre leur stage dans les semaines péri-accouchement à condition de ne pas dépasser 12 semaines d’absence pendant les premières années d’internat et 8 pendant les années de résidanat. En se fondant sur ces règles restrictives, les jeunes chirurgiens ont pris en moyenne 6 semaines d’arrêt maternité.
Comme 90 % d’entre elles étaient en couple avec un homme qui occupait un emploi à plein temps (dont 60 % de médecins), les enfants ont très vite été confiés à des tiers ou des crèches (18 % à des crèches intra-hospitalières).
Neuf internes sur 10 ont choisi d’allaiter leur enfant à la naissance, mais une fois le travail repris, elles ont dû, dans leur très grande majorité, suspendre ce type de nutrition : elles mettent en avant l’éloignement géographique de leur enfant et l’impossibilité de disposer de temps et d’un lieu pour alimenter le bébé ou tirer leur lait.


Un impact sur la carrière

Que concluent les chirurgiens américains de leur expérience ? 39 % ont pensé abandonner la chirurgie pendant ou après leur grossesse. Elles expliquent qu’elles ont eu énormément de mal à concilier vie de famille et obligations professionnelles. Sans compter qu’elles n’ont généralement pas eu le temps de se consacrer aux travaux de recherche, aux publications, aux présentations dans les congrès… et que leur carrière en a pâti.
Elles parlent d’un sentiment de culpabilité vis-à-vis de leurs enfants, car elles ne leur ont pas consacré assez de temps, mais aussi d’un sentiment d’échec, car leur carrière n’a pas été celle qu’elles attendaient.
102 des femmes interrogées déconseillent fortement à leurs jeunes consœurs de choisir une carrière chirurgicale. Quand on leur demande ce qui pourrait améliorer les choses, elles mettent en avant un accompagnement personnalisé (tutorat) par des femmes qui ont déjà vécu la même expérience, mais elles restent très pessimistes sur cette possibilité.

Rangel E, Smink D, Catillo-Angeles M et coll. Pregnancy and motehrhood during surgical training. JAMA Surg. Published online March 21, 2018.

Le congé maternité salarié, une chance

En 2016, une jeune interne, Sabrina Hachani, a choisi comme sujet de sa thèse en médecine générale « Grossesse et maternité pendant l’internat de médecine générale : conséquences et ressenti ». D’après ce travail, les jeunes femmes qui ont choisi d’être mère pendant leur internat ne le regrettent pas : « c’était le bon moment du fait de l’âge, d’histoire sérieuse de couple, d’indépendance financière et grâce aux avantages du salariat ». On constate d’ailleurs dans les promotions récentes d’internes, que de plus en plus de jeunes femmes choisissent de devenir mère avant d’embrasser une carrière de médecin libéral et que les conditions des congés maternité salarié sont mises en avant.
Les stages en surnombre ont été plébiscités et ils ont contribué à de bonnes conditions de travail entre internes.
Parmi les inconvénients cités, le Dr Hachani met en avant la pénibilité des gardes, le retard pris dans l’obtention du DES et dans l’écriture de la thèse.
Mais les internes soulignent avant tout des points positifs : un épanouissement global, une harmonie entre la vie professionnelle et familiale, des compétences acquises qui facilitent la relation avec les patients, un cheminement personnel et transformationnel qui ont fait d’elles de meilleures personnes.
Aucune ne parle de burn-out, ni de regrets. Les internes françaises – du moins en médecine générale – auraient-elles des choses à transmettre à leurs consœurs américaines ? Possible.

Hachini S. Grossesse et maternité pendant l’internat en médecine générale : conséquences et ressenti. Thèse soutenue le 29 mars 2016 à Amiens.

On peut faire des bébés pendant sa médecine

Les internes françaises désireuses de maternité sont-elles mieux loties que leurs consoeurs américaines ? Oui, même si tout n‘est pas parfait.
Le forum des étudiants en médecine Remede.org faisait état au milieu des années 2000 de pratiques discriminantes vis-à-vis des internes enceintes.
Mais depuis, les choses ont changé. Les internes bénéficient d’un congé de maternité de 16 semaines (6 avant et 10 après l’accouchement). Depuis 2010, des possibilités de stages dits en « surnombre » sont offertes afin de ne pas léser le co-interne en cas d’absence. Si un minimum de 4 mois (sur les 6) de présence est effectif, le stage est validé. Lorsque l’interne ne peut pas effectuer ce minimum de journées à l’hôpital, elle peut demander un stage en « surnombre » non validant, ce qui lui permet d’être rémunérée, de continuer à se perfectionner en médecine et de bénéficier d’un congé maternité selon les règles du salariat. Les gardes et astreintes sont facultatives au-delà de la 12e semaine d’aménorrhée.
Depuis 2016, les étudiantes en congé maternité ne perdent pas leur rang de choix à l’internat en cas de stage non validé. Jusque-là en effet, les postes qui leur étaient proposés au retour de grossesse étaient ceux qui correspondaient aux internes les moins bien classés de leurs promotions.

Article publié avec l’aimable autorisation du Quotidien du médecin.

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  • Dr Isabelle Catala
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