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CESP : coup de pouce ou fiasco ?

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Plus de 2800 contrats d’engagement de service public ont été signés depuis leur création en 2010. Quels sont les jeunes médecins qui trouvent leur intérêt dans ce dispositif ? Et quels sont ceux qui ont rompu le contrat ? Les avis sur le CESP sont très contrastés, selon les motivations de départ. Par ailleurs, des effets pervers sont à signaler, notamment sur les choix de poste aux ECN.

Créés par la loi HPST de 20009, les contrats d’engagement de service public sont l’un des leviers pour encourager les professionnels de santé à s’installer dans les territoires concernés par des difficultés d’accès aux soins. Ce contrat fonctionne sur la base suivante : une allocation de 1200 euros brut par mois versée aux étudiants et internes à partir de leur deuxième année d’étude contre l’engagement à exercer dans une zone sous-dotée pendant au moins deux ans.
(plus de précisions sur le site du ministère*)

« Depuis la mise en place du dispositif, 2 831 contrats ont été signés (2 288 en médecine et 543 en odontologie). Le nombre de nouveaux signataires augmente chaque année. Au titre de l’année universitaire 2017-2018, ce sont ainsi près de 550 étudiants qui ont signé un CESP, soit +13 % par rapport à l’an passé », indique-t-on à la DGOS. Les signataires des CESP sont majoritairement des étudiants de premier et second cycle en médecine (1 495 étudiants en médecine pour 793 internes en médecine et 543 étudiants en odontologie). Mais tous les contrats proposés ne sont pas pourvus : 98 ne l’ont pas été en 2017-2018, 104 en 2016-2017 et 105 en 2015-2016. « Le contingentement des places proposées en CESP et le nombre de contrats non-signés font que l’impact du dispositif reste relativement modeste », souligne le Dr Yannick Schmitt, président de Reagjir.

Un jeune médecin raconte le fiasco de son CESP
« Lorsque j’ai signé le CESP en 2013, alors que j’étais en sixième année de médecine, je l’ai fait pour m’assurer une place en médecine générale dans ma faculté et parce que je trouvais ça intéressant de pouvoir m’installer dans les zones déficitaires proposées. J’avais trouvé un endroit super où m’installer. Mais en 2017, on m’a dit à l’ARS que je devais m’installer très rapidement, avant la fin de l’année. Sauf que je n’avais pas soutenu ma thèse, et que je ne pouvais la passer qu’en mars…  », nous raconte un médecin remplaçant - qui a préféré garder l’anonymat étant donné ses problèmes en cours avec l’ARS. « En 2018, la situation s’est encore compliquée pour moi : la nouvelle carte des zones déficitaires est sortie avec beaucoup de retard. Et là, on m’annonce à l’ARS que la commune que j’avais choisie n’est plus éligible ! A quelques mois près, sur un contrat qui avait été signé six ans plus tôt, tout mon projet professionnel s’est effondré parce qu’ils n’ont pas été capables de faire preuve d’un peu de souplesse à l’ARS ». Le précédent zonage datait de 2011 et effectivement, il n’a été revu qu’en 2018, après avoir été annoncé comme imminent les années précédentes… Notre médecin anonyme n’a donc pas eu d’autre choix que de dénoncer son CESP. Il a prévu de passer sa thèse cette année et a complètement revu son projet professionnel : il va exercer une MEP, en secteur déconventionné. Et c’est seulement maintenant qu’il réalise le montant des pénalités qu’il est obligé de rembourser : «  A priori, je dois faire un chèque d’environ 80 000 euros, qui comprend le total des sommes perçues et les pénalités. J’attends aujourd’hui que l’ARS me confirme ce calcul », indique-t-il.

Pénalités : un signataire averti en vaut deux !
Comme indiqué sur le site du ministère, en cas de rupture du contrat par l’étudiant, la somme à rembourser est composée du total des allocations nettes perçues au titre du contrat, majorée d’une pénalité.
Avant l’obtention du DES, cette pénalité s’élève à 200 euros par mois de perception de l’allocation et ne peut être inférieure à 2 000 euros. Après l’obtention du diplôme d’études spécialisées, cette pénalité s’élève à 20 000 euros. Pour les médecins en exercice, l’indemnité est calculée de manière dégressive en fonction de la durée d’engagement et du temps d’exercice écoulé à la date à laquelle le signataire a rompu son contrat, selon les dispositions fixées en annexe de l’arrêté relatif aux modalités de calcul de l’indemnité mentionnée à l’article L.632-6 du code de l’éducation. Les possibilités d’échelonner les sommes dues doivent être examinées au cas par cas avec le CNG.

Les effets pervers du dispositif
« L’ARS est dans une politique du chiffre. Ils veulent des installations absolument et font le forcing auprès des étudiants pour qu’ils s’installent très vite. J’ai eu au téléphone une consoeur qui se retrouve en burn-out complet dans une zone totalement désertifiée. L’ARS lui a dit qu’elle devrait travailler à temps-plein et qu’elle n’aurait que cinq semaines de vacances par an. Elle est toute seule dans sa zone, elle se sent abandonnée, sans aucun plateau technique autour d’elle », relate notre médecin anonyme.
Autre effet pervers : certains étudiants profitent du système pour bénéficier du classement à part pour les signataires du CESP, à l’issue des ECN, quitte à dénoncer le CESP un an après leur choix. L’astuce est simple : si vous êtes bien classé dans ce classement parallèle CESP, vous avez la possibilité de piquer la place de quelqu’un qui était dans le classement « normal ». Imaginons un ORL super bien classé dans le classement CESP, qui devait initialement s’installer dans telle ville, et qui se dit « tiens, et si je prenais un poste d’ophtalmo dans telle autre ville ? ». Alors il pique la place d’un étudiant du classement « général » qui se retrouve à devoir faire ORL dans une ville qu’il n’a pas choisie ! Les CESP ont accès à des postes auxquels ils n’auraient jamais pu prétendre. « J’ai vu des internes faire cardio classés 6000e ou ORL classe 8000e, alors que normalement, il faut être dans les 2000 premiers ! », relate ce même médecin. Un effet pervers qui disparaîtra bientôt, avec la disparition des ECN…

« Je n’ai tiré que les avantages de ce contrat »
Pour finir sur une note positive, voici le témoignage du Dr Vincent Bauta, médecin généraliste installé depuis peu en Bretagne. « J’ai signé le CESP l’année de sa mise en route, j’étais alors en deuxième année de médecine. Mes motivations étaient surtout pécuniaires. Malgré toute leur générosité, mes parents ne pouvaient pas m’aider sur le plan financier et je devais donc enchaîner plusieurs petits jobs étudiants, puisque je n’avais pas la possibilité de toucher une bourse. Cela devenait incompatible avec mes études. J’aspirais à une vie de famille et ce n’était pas envisageable avec ma situation à l’époque. Je suis actuellement installé à Plonevez Porzay dans le Finistère depuis un peu plus d’un an. Je suis très épanoui dans mon travail, nous avons créé une maison de santé et j’espère bientôt accueillir des internes au sein de mon cabinet. Les avantages du CESP selon moi sont sans nul doute l’aspect rétribution et de pouvoir envisager sereinement ses études sans avoir à travailler à côté. Les inconvénients, c’est de signer le contrat sans savoir encore vraiment ce que l’on veut faire comme spécialité et où, et donc se fermer des portes dès le début des études. Pour ma part, j’ai toujours voulu être médecin généraliste en zone rurale. Ce n’est pas le contrat qui m’a motivé à le faire et je n’ai donc tiré que les avantages de ce contrat. Avant de signer, je conseillerais aux étudiants d’être sûrs de ce qu’ils veulent faire comme spécialité et d’être flexibles sur leur futur lieu d’exercice. C’est la clé pour ne pas se retrouver coincé dans une spécialité qu’on ne souhaitait pas forcément, dans un lieu non désiré  ».
Avis partagé par le Dr Yannick Schmitt, président de Reagjir : « C’est un outil intéressant pour financer ses études dans de bonnes conditions et répondre en partie à la question des zones sous-denses. Le gros point négatif, c’est que lorsqu’on signe ce contrat en deuxième année, il se passe beaucoup de temps avant de finir sa formation… et d’être véritablement au clair sur son projet professionnel. Je déconseille de signer ce contrat à la va-vite, en se disant : « J’aurais l’allocation et je verrais après… ». Il faut au contraire être convaincu lorsqu’on signe que l’on veut exercer en zone sous-dotée et qu’on est prêt à accepter une certaine mobilité et souplesse pour son installation », ajoute-t-il.
Afin de donner plus de stabilité et d’attractivité au dispositif, une nouvelle disposition de l’avant-projet de loi de santé stipule que « le Centre national de gestion peut maintenir sur la liste des lieux qui remplissaient les conditions relatives à l’offre et à l’accès aux soins dans les deux ans précédant la publication de la liste ». Par ailleurs, ce contrat va devenir accessible aux médecins diplômés hors de l’UE, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Une mission d’évaluation du dispositif est actuellement en cours au ministère. A suivre.

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  • Sophie Cousin
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