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Aurore : étudiante en médecine et atteinte de mucoviscidose

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Aurore est un véritable rayon de soleil. Étudiante en médecine et atteinte de mucoviscidose, elle se confie sur sa maladie, ses études de médecine et ses aspirations. Future médecin, elle met en avant l’empathie et la patience indispensables à la profession à travers son expérience personnelle.

Peux-tu nous raconter ton parcours ? (Bac, Paces, etc)
J’ai eu un bac scientifique mention européenne. J’ai toujours été studieuse et bosseuse. J’ai toujours eu l’envie de bien faire pour pouvoir faire le métier que je souhaitais. Mes efforts ont été payés, puisque j’ai eu mon bac avec mention très bien. J’ai ensuite quitté mes parents pour aller vivre à Marseille pour faire médecine. Cette année a été très difficile à vivre psychologiquement malgré mon habitude de travail. J’ai finalement eu la Paces en tant que primante. Je suis actuellement en 4e année de médecine (DFASM1), la première année d’externat.

Pourquoi avoir choisi des études de médecine ? As-tu hésité avec autre chose ?
Dans ma famille, personne n’est médecin. Je suis issue d’une famille d’enseignants. J’ai malheureusement connu le monde médical et l’hôpital très jeune. L’hôpital est un lieu qui m’était à la fois effrayant et familier. J’y ai même appris à faire mes lacets. Les termes médicaux, les soignants, et tout ce qui va avec l’hôpital ne m’ont jamais été inconnus. J’ai eu l’envie d’en connaître plus sur le fonctionnement du corps humain, ça m’a toujours passionnée. Aussi, certains médecins que j’ai pu rencontrer m’ont donné envie d’être à leur place pour soigner d’autres personnes à mon tour, j’avais envie de rendre ce qu’on m’avait donné, d’être de « l’autre côté ». A l’école primaire je voulais être médecin, puis la longueur des études m’a effrayée. Je me suis rabattue sur kiné. Pendant mon stage de 3ème effectué chez mon kiné, je me suis rendu compte que je préférais faire médecine. Depuis cela ne m’a jamais quittée. Et je n’avais qu’une hâte : rentrer en fac de médecine.

Tu es atteinte de mucoviscidose, peux-tu nous parler de ton enfance ?
La mucoviscidose m’a été diagnostiquée à 18 mois. Quand je suis née, la muco n’était pas diagnostiquée dès la naissance. Après ma naissance, pendant un an, j’ai pris très peu de poids et je digérais très mal, mes parents se sont inquiétés. C’est notre médecin généraliste qui nous a orientés vers le service de génétique de la Timone pour faire un test de la sueur qui s’est avéré positif. Nous avons ensuite fait des tests génétiques qui ont montré que je portais la mutation Delta F508 homozygote. Je ne me souviens pas, consciemment en tout cas, de cette annonce. Mais je la vis au travers des émotions de mes parents. C’est quelque chose qui me touche particulièrement et dont j’ai du mal à parler sereinement. C’est une annonce qui a changé notre vie, bien qu’elle ait été présente depuis toujours.

Peux-tu nous décrire la mucoviscidose ?
La mucoviscidose est une maladie génétique de transmission autosomique récessive. Elle concerne le gène qui code pour la protéine CFTR (canal chlore) au niveau du chromosome 7. Ce canal sert à réguler les échanges de sel au sein des muqueuses. Il existe plusieurs mutations qui vont altérer la fonction de la protéine à plusieurs niveaux. La plus courante est la delta F508. Les échanges de sel se font mal au sein des muqueuses et induit un mucus plus visqueux. La muco touche principalement les voies respiratoires et digestives. Les principales conséquences sont les infections pulmonaires à répétitions et obstructions bronchiques qui peuvent mener à une insuffisance respiratoire pouvant nécessiter une greffe. Il y a aussi une atteinte hépatique et pancréatique avec insuffisance pancréatique exocrine puis endocrine. Au niveau hépatique, certaines formes peuvent donner une insuffisance hépatocellulaire à terme. Chaque muco est différente. Les atteintes peuvent être plus ou moins importantes, toucher plus les voies respiratoires que digestives et inversement. C’est une maladie qui nécessite un suivi hospitalier au moins trimestriel, des traitements et de la kiné quotidiennement. Et en période de surinfection, des cures intraveineuses d’antibiotiques peuvent être nécessaires. C’est une maladie dont on ne guérit pas encore, mais grâce aux progrès scientifiques, l’espérance de vie est passée de 8 à 48 ans en l’espace de quarante ans. Le traitement est principalement symptomatique. Il existe actuellement, et depuis seulement quelques années des traitements qui restaurent en partie la fonction de CFTR pour quelques mutations. Nous sommes encore loin de la guérison mais ces nouveaux traitements sont une avancée majeure dans la maladie.
Pour ma part, je ne suis pas greffée et il n’en est pas question à l’heure actuelle. J’ai une insuffisance pancréatique exocrine. Je n’ai pas d’atteinte endocrine ni hépatique. Et au niveau pulmonaire j’ai une capacité respiratoire d’environ 65 %, ce qui suffit pour vivre normalement et faire du sport comme tout le monde.

Quels impacts ont eu les médecins que tu as côtoyés en tant que patiente ?
Je côtoie donc les hôpitaux depuis l’enfance. J’ai rencontré beaucoup de personnel soignant. Des bons et des moins bons. Je retiens 4 médecins qui m’ont marquée positivement. Tout d’abord, le chef de service de pédiatrie où j’étais suivie qui était un médecin très doux, empathique et gentil. Il est pour moi un modèle. Il était patient et pédagogue. C’est un des meilleurs médecins sur le plan scientifique et humain. Je retiens aussi un des internes de ce service qui passait beaucoup de temps avec moi pendant une de mes hospitalisations pour m’expliquer le fonctionnement de mes traitements, pour me rassurer… Ces deux médecins m’ont donné envie de faire médecine. Je ne les oublierai jamais. Mon médecin actuel au CRCM (centre de référence et de compétence de la mucoviscidose) est aussi l’exemple que je veux suivre. A l’écoute, patiente, elle m’explique tout et m’inclut dans ma prise en charge. Elle trouve toujours les mots pour me rassurer et me redonner confiance en moi. Elle ne le sait peut-être pas mais j’ai une grande reconnaissance envers elle. Il y a aussi d’autres médecins qui m’ont marquée et que je n’oublierai jamais, comme mes deux chirurgiens. Je prends le bon de chacun d’entre eux et je le garde pour ma pratique future. Depuis toujours, j’ai un profond respect pour les médecins, beaucoup de gratitude. J’ai toujours eu envie de leur ressembler et pouvoir donner à mon tour ce qu’ils m’ont donné.
J’ai aussi des exemples de médecins à qui je ne veux pas ressembler. Des médecins qui ne m’ont pas écoutées, qui ne m’ont pas fait confiance, qui m’ont dit que mes douleurs étaient psychologiques alors qu’après de longue recherche on a trouvé une origine organique réelle. Des médecins qui m’ont fait du chantage pour que je sois observante, qui n’ont aucune patience et qui n’ont pas essayé de comprendre mes peurs. Et qui au final ont perdu toute leur humanité au fil des années. Le côté humain de la médecine est pour moi tout autant important que le côté scientifique. L’un ne peut marcher sans l’autre. Et grâce à mon expérience en tant que patiente, je mettrai un point d’honneur à rester humaine, empathique et à l’écoute de mes patients pendant toute ma carrière.

Qu’est-ce qui t’a le plus aidée dans les moments difficiles ?
Dans les moments difficiles, que ce soit pour la santé ou les études, je pense tout d’abord à ma famille qui a toujours été là pour moi. J’ai la chance d’avoir une famille aimante qui me soutient dans tout ce que j’entreprends. Elle est là quand je suis malade, à l’hôpital, elle était là pendant la Paces pour me soutenir et m’aider au quotidien. Je n’en serais pas ici sans eux. Mes amis aussi me soutiennent énormément. J’ai la chance d’être entourée des bonnes personnes.

Est-ce que faire des études de médecine t’aide dans la gestion de ta mucoviscidose ?
Pour la gestion de ma maladie il y a des avantages et des inconvénients à faire médecine. Je comprends mieux les tenants et les aboutissants de chaque prise de risque, de chaque traitement, de chaque chose qui m’arrive. Cela me permet de mieux réagir aux situations, d’être plus vigilante, de mieux comprendre… Mais en contrepartie ça génère des angoisses que je n’aurais pas sans médecine. Quand je vois le mot « muco » dans les cours je ne suis jamais très bien… On connaît le syndrome de l’étudiant en médecine, je pense que je l’ai puissance 10. Le fait d’être en médecine change aussi ma relation au personnel soignant. Cela crée un « lien », ils m’expliquent davantage les choses qui me concernent, mon chirurgien m’a même proposé de venir assister à une opération dans son bloc.
Il y a en revanche la difficulté de gérer des études difficiles et prenantes avec mes traitements et rendez-vous médicaux. Mais tout est une question d’organisation et j’ai toujours réussi à tout gérer jusqu’à présent.
Enfin, je suis plus sujette aux infections pulmonaires, je dois donc faire très attention aux patients contagieux en stage, donc port de masque et lavage de main dès le moindre doute. C’est pesant au quotidien de devoir faire attention à tout. Mais je m’y habitue de plus en plus. J’évite les services à risques comme la pneumologie ou les maladies infectieuses. Ici aussi, tout est question d’organisation.
Y a-t-il des moments clés dans ta prise en charge médicale qui t’ont marquée ?
Il y a eu des moments clés dans ma prise en charge. En 2016, premier jour où j’ai pris l’Orkambi, un des traitements qui corrige en partie la fonction de CFTR, j’ai été une des premières à recevoir ce médicament. Il a radicalement changé ma vie (disparition de la toux qui jusqu’alors a été omniprésente jour et nuit. De plus, la fonction endocrine de mon pancréas s’est remise en route, j’ai gagné 15% de capacité respiratoire.
L’autre moment marquant a été ce jour de février 2019, où j’ai eu une bilobectomie de mon poumon droit. J’ai perdu alors 2 lobes qui étaient atélectasiés depuis de nombreuses années, ce qui a changé ma vie. La toux a une nouvelle fois diminué et j’ai pu refaire du sport.

Quels conseils donnerais-tu aux futurs médecins qui prennent en charge des pathologies chroniques ?
L’écoute : un médecin doit être à l’écoute et soutenir son patient. Il n’y a que comme ça qu’une relation de confiance pourra exister avec le patient. Et cette confiance est primordiale dans le suivi et l’observance d’une maladie chronique. C’est un travail d’équipe.
Ensuite la pédagogie : le patient a besoin de comprendre le pourquoi du comment pour accepter sa maladie et être observant.
Enfin l’empathie : les patients ne sont pas des objets. Ils éprouvent des émotions, des peurs, des envies. Il ne faut jamais l’oublier. On a trop tendance à résumer un patient à sa pathologie.

Est-ce que tu penses qu’être patient et médecin va changer ta façon de te comporter avec tes futurs patients ?
Je pense que le fait d’être des deux côtés m’apporte beaucoup. Je peux me mettre à la place du patient, je le comprends mieux. Je sais mieux ce qu’on attend du médecin. Je sais exactement quel médecin je veux être et lequel je ne veux pas être. Et je vais mettre un point d’honneur à avoir une bonne relation avec mes patients et à les écouter. Je suis même parfois trop empathique. Il faut que j’arrive à trouver un juste milieu pour ne pas avoir envie de pleurer dès qu’un patient ne va pas bien.
Quelle spécialité souhaite-tu faire ?
Pour l’instant je ne sais pas encore exactement quelle spé je veux. Ce que je préfère pour le moment c’est l’obstétrique, l’endocrinologie et la neurologie. Mais quelle que soit ma spé, je veux m’engager à plus grande échelle pour faire de la prévention, de la médiatisation et de la vulgarisation médicale auprès du grand public. Travailler sur l’éthique, point fondamental en médecine et qui est négligé selon moi. J’ai toujours beaucoup aimé écrire et la philosophie. J’aimerais pouvoir mêler cela à mon métier de médecin. Je ne sais pas encore de quelle façon je ferai tout ça, mais c’est mon objectif. Et plus globalement, j’aimerais, à mon échelle, faire changer la place du handicap dans la société.

Tu as une page insta, pour une vie sans muco. Quelle est son objectif ?
Sur ce compte Instagram je parle de mon quotidien d’étudiante en médecine et de personnes atteintes de la muco et je fais le lien entre les deux. Je le fais pour plusieurs raisons, tout d’abord je donne de l’espoir aux parents d’enfants atteints ou à de jeunes patients sur la possibilité de faire des études et de vivre une vie normale malgré la muco. Ensuite je veux partager mon quotidien, faire connaître la maladie en dehors des campagnes de prévention. Je montre la muco dans la « vraie vie ». Bien que toutes les mucos soient différents, je montre au moins la mienne.
De plus, cette page me permet de rencontrer des patients atteints de muco, des étudiants en médecine avec des maladies chroniques autres. J’ai fait de très belles rencontres et je me sens moins seule à avoir fait ces études malgré la maladie. Je reçois aussi beaucoup de soutien. A travers mon compte j’essaye de motiver des étudiants en médecine qui perdraient leur motivation et globalement j’essaye de montrer que malgré le handicap, quel qu’il soit, rien n’est impossible quand on s’en donne les moyens
Enfin, j’essaye aussi de parler de sujets médicaux de façon à ce que le grand public puisse le comprendre. J’aime beaucoup expliquer les choses et partager mes connaissances.

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  • Idris Amrouche
  • Rédacteur remede.org
  • amrouche.idris@gmail.com
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