J’ai dû hospitaliser un homme seul vivant avec son chien. Dit comme ça, y’a pas de problème. Sauf que quand l’ambulance vient dans dix minutes chercher le type pas frais du tout et que vous savez qu’il va rester probablement 10 jours à l’hôpital, une question se pose : mais qu’est ce que je vais faire du chien ? À regarder le balcon, celui-ci lui suffit depuis déjà quelques mois à assouvir sans problèmes ses besoins primordiaux. Sauf que pour qu’il y ait besoin primordial, il faut aussi qu’il y ait nourriture et eau … Qui va donc s’occuper du chien ? La famille ? Pas de famille. Un ami ? Pas d’ami. Une amie ? Elle a foutu le camp (et je ne lui en veux pas). Un voisin ? Aucun contact avec les voisins du hlm.
Donc deux solutions : ne pas avoir vu le chien et le laisser sur le balcon. Après quelques jours de hurlements, y’en aura bien un pour téléphoner à la gendarmerie. Pas convenable comme solution ? Non pas convenable. Seconde solution : trouver une solution. Vite, la glycémie monte chez le patient (ca se voit au niveau de caramel qui commence à monter derrière l’iris), et l’ambulance et en approche. Solution en trois lettres : SPA. Allo la SPA ? Non, on n’est pas là pour ça, voyez avec ce numéro de téléphone. Solution en dix chiffres : 02996632xx. Allo le 0299 … ? Oui mais si la mairie nous le demande. Solution politique : Edmond Hervé . Allo le standard ? Passez moi Edmond Hervé [1]. Salut Edmond, tu vas bien ? J’ai le chien de M. Gérard … Non ça, ça va pas le faire. Allo le standard ? J’ai un chien qui va rester seul sur un balcon car j’hospitalise son maître en urgence. Je vous passe le service hygiène. Allo le service hygiène ? Il n’a pas de famille ? Non pas de famille. Il n’a pas d’amis ? Non pas d’amis. Il n’a pas de voisins ? NON PAS DE VOISINS. Bon, je vais voir, je vous rappelle.

Bonjour l’ambulance. Monsieur Gérard fait beaucoup de caramel en ce moment. Beaucoup trop. La dernière fois ils l’ont même décaramélisé juste à la limite. Quelques heures de plus et il était définitivement confit. Bref il est attendu aux urgences de l’hôpital. Et le chien ? Je suis en train de m’en occuper. On le met sur le balcon en attendant et on ferme tout. La mairie doit me rappeler. Au revoir l’ambulance, au revoir M Gérard, on va trouver une solution pour votre chien.

Catherine, on rentre à la base.

Allo ? Ah oui, vous êtes la mairie. L’organisme qui gère l’appartement de M. Gérard ? Mais qu’est ce que j’en sais moi ! J’en suis à mon cinquième coup de fil pour un chien, j’aimerais bien poursuivre mon vrai métier pour cette après midi. Je ne suis pas assistant social en chien. Au revoir.

Allo ? Qui vous êtes vous ? L’organisme logeur de M. Gérard ? J’aurais dû m’y prendre plus tôt ?! Vous rigolez j’espère ! Il vous faut les clefs et une autorisation écrite pour pénétrer dans l’appartement et emmener le chien ? Et alors qu’est ce que je peux y faire moi ? M. Gérard ? Il doit être déjà aux urgences depuis une bonne heure. Vous le trouverez encore là-bas probablement pour quelques heures ! AU REVOIR !

Bref, j’ai dû hospitaliser un homme et placer son chien. Mais même dit comme ça …